Je comprends alors avec horreur que, depuis le début, Levi n'utilise même pas le quart de sa force.

Il joue avec moi.

Cette pensée me frustre au plus haut point. Mes poings se crispent.

Et je reçois un coup violent dans l'estomac.

J'atterris quelques mètres plus loin, le souffle coupé. Je tousse, ahurie. Je n'ai pas vu Levi venir. Trop occupée à penser à des choses inutiles, je ne l'ai pas vu bouger.

Cette fois-ci, je n'ai pas le temps de me relever. Levi bloque mes jambes avec les siennes et me désarme d'une seule main. Dans un accès de colère –et de peur, car avoir le Caporal si proche est effrayant- je lui mords férocement la main. Il peste et je reçois un coup de poing dans la joue. Un cri de douleur m'échappe. Finalement, Levi parvient à bloquer mes deux poignets avec une seule main, la seconde pointant une lame contre ma gorge.

-On dirait que tu as perdu, gamine. Tu te bats plutôt bien, je le reconnais, mais ton style est encore trop brouillon. Je suis même prêt à parier que tu étais heureuse d'avoir l'impression de me tenir tête. Quand as-tu réalisé que je m'amusais ?

Je le foudroie du regard. C'est la seule chose que je puisse faire. La pression de ses jambes sur mes cuisses est trop douloureuse pour risquer un seul mouvement, et sa poigne est bien trop ferme pour espérer me libérer. Je me sens pathétique. Pathétique et terriblement vulnérable.

Levi me décroche un sourire moqueur et se penche. Son visage ne se trouve plus qu'à quelques centimètres du mien. Je ne pensais pas qu'il pouvait être encore plus intimidant.

-Dis-toi bien que je ne me battais pas sérieusement cette fois-ci. Mais si jamais tu te fais encore remarquer...
-Vous aimez beaucoup menacer à ce que j'entends, riposté-je.
-Et crois-moi, tu n'aimerais pas me voir mettre une de ces menaces à exécution.

L'haleine de Levi me glisse sur le visage. Menthe. Est-il possible de faire plus cliché ? La nervosité manque de me faire éclater de rire à cette pensée. Il faut que je me concentre sur quelque chose pour garder mon sérieux. Mon regard se pose sur la nuque de Levi, remonte jusqu'à son menton, ses lèvres fines, son nez bien dessiné, ses yeux acier....

Je sens mes joues me brûler.

Mais putain à quoi tu penses ?!

-J'ai compris, articulé-je. Vous pouvez me relâcher.

Levi me sonde du regard encore dix secondes et se relève. Je pousse un long –et discret- soupir de soulagement. Mon cœur bat tellement vite que c'en est douloureux. Pourtant, ce n'est pas la peur ou la colère qui le fait battre. Mais alors quoi ? Je me frotte les joues, furieuse contre moi-même pour tout un tas de raison.

Je me relève à mon tour et m'aperçois que tout le monde me fixe. Sourire moqueur, yeux écarquillés... Il y a toute une palette de réaction à admirer. Mais je préfère baisser les yeux, honteuse. Je crois que je vais longtemps garder cette humiliation gravée en mémoire.

Mikasa, Armin et Eren me rejoignent.
-Tu t'es bien défendue, tente de me consoler Armin.
-Bien essayé, je réponds avec une grimace. Mais il m'a mise K-O en un coup. D'ailleurs, je suis presque sûre qu'il a retenu la puissance de son coup pour éviter de me tuer.

Eren se penche et regarde ma joue :
-D'ailleurs, c'est étonnant que tu n'aies aucune marque. Il t'a frappée suffisamment fort pour te déchausser deux dents.

Après avoir senti mes joues rougir, je les sens perdre toutes leurs couleurs. L'épisode des bandages sur ma main intacte me revient en mémoire. J'arbore un sourire forcé :

-On m'a toujours dit que j'étais chanceuse de ne pas marquer facilement. J'ai la peau épaisse.

Eren se redresse comme un ressort et fait le salut, imité par Armin et Mikasa. Je me retourne et me demande ce qui va encore me tomber sur le nez.

-Eh bien, eh bien, jeune fille, il semble que c'ait été votre moment de gloire, me dis Pixis avec un large sourire.
-Moment d'humilité serait plus correct, répliqué-je doucement en faisant le salut à mon tour.
-Ceci est également vrai. J'ai compris que vous aviez enfreint plusieurs fois les règles de la base, est-ce vrai ?

Je baisse les yeux, encore plus honteuse.
-Oui, monsieur.
-Vous comprendrez donc que je vous retire de cette mission.

Je lève brusquement la tête et m'apprête à protester avec véhémence. Puis je vois Levi qui me fixe au loin. Je ravale ma colère et mon indignation. Bien sûr. C'est normal de récolter ce que l'on a semé.

-Oui, monsieur, dis-je à contrecœur.
-Très bien. Vous êtes donc cantonnée dans vos quartier jusqu'à nouvel ordre. Rompez.

Je me mords la lèvre, encore plus furieuse contre moi-même. Je regarde Armin, Mikasa et Eren partir. En passant devant moi, Eren m'effleure le bras et me lance un regard condescendant. Je le remercie intérieurement.

Et je vais m'enfermer dans ma chambre.

Le reste de la journée passe atrocement lentement. Je suis confinée dans mes appartements, mais ça ne m'empêche pas d'entendre tout le vacarme dehors. Les soldats qui crient des ordres ou des instructions. Les hurlements. Des explosions. Et si je me concentre assez, le bruit des pas des titans.

La fenêtre de ma chambre ne me permet pas de voir ce qui se passe hors de la base. Alors je rumine, bercée par les bruits de bataille. Je m'inquiète pour Armin. Je m'inquiète pour Mikasa. Mais surtout, je m'inquiète pour Eren.

Je sais qu'il peut se transformer en titan. Après ce que j'ai entendu aux cachots, je sais même quel est le but de sa mission. Reboucher le trou fait par le Titan Colossal. Cependant, je ne sais pas ce qu'à prévu Erwin pour parvenir à cette fin. Et cette part d'ombre m'angoisse. Je n'aime pas rester dans l'incertitude quand mes amis sont sur une mission dangereuse.

Amis.

Ce mot me fait frissonner. C'est la première fois que je vois des gens comme des amis. Et c'est un sentiment agréable. Des amis. Je n'en ai jamais eu. Je n'ai jamais pu en avoir. J'ai eu une enfance assez atypique, il faut l'avouer. Elle n'a pas été débordante d'amour et d'attention. Quant à la sécurité d'un foyer... c'est clairement une chose que je ne connais pas. Le seul lieu que j'ai toujours considéré comme sûr, c'est ma chambre à la base. Ici. Je dois même dire que je me sentirais plus en sécurité dehors, à combattre des titans, que dans ma propre maison.

Un flot de souvenir remonte et je frissonne. Je m'enveloppe dans ma couverture et ferme les yeux, chassant les images désagréables. Je ne veux pas y repenser. J'ai fui pour oublier, pas pour être hantée.

Je repense à ma journée et tente de me focaliser dessus. La tête enfouie dans l'oreiller, je m'endors sans m'en rendre compte.

A choice with no regrets (Levi x OC)Tahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon