Chapitre 28

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Le Joker avait quitté l'appartement peu après Lunacy, mal à l'aise. Il détestait ce genre d'endroits bourgeois, et maintenant que la criminelle était partie, il n'avait qu'une envie, fuir à son tour. Il déboula en sifflotant dans la rue, conscient qu'il était maquillé et reconnaissable entre mille, et descendit dans le métro en allumant une cigarette : personne n'appellerait la police pour donner son signalement, il le savait. Il rit seul en se demandant d'où venait une telle confiance en lui –l'homme qu'il avait été rasait les murs et s'excusait de vivre, et voilà qu'il narguait le monde entier par sa seule présence, le menton haut, sûr de lui. Quand il entra dans la rame qui se dirigeait vers le nord de la ville, plusieurs passagers le dévisagèrent avant de détourner le regard, résolument absorbés par leurs téléphones ou leurs journaux –qui paradoxalement diffusaient largement l'avis de recherche pour le Prince du Crime. La rame se vida au fur et à mesure qu'elle s'approchait des quartiers les plus dangereux de la ville, et le clown comprit ce qu'avait voulu dire Lunacy le soir précédent, en expliquant qu'elle n'avait jamais voulu utiliser l'appartement du Chechen comme résidence principale. Ils appartenaient indéniablement à ces rues sales, mal famées, dangereuses. Ils étaient plus à l'aise en compagnie de gens pauvres, désœuvrés, parfois criminels, souvent victimes. C'était là qu'ils rayonnaient réellement, là qu'ils se sentaient vivants. Au milieu de ces quartiers qui mourraient et étouffaient depuis des années, ils existaient.

Dans ces rues qu'il avait toujours connues, il détonnait encore plus qu'à son habitude. Les couleurs vives qu'il portait éblouissaient les gens qu'ils croisaient, et il fut surpris de voir que les passants lui adressaient des regards apeurés, certes, mais également amicaux. C'était comme s'ils le soutenaient, sans oser l'approcher. Ils craignaient certainement que le Joker ne s'en prenne à eux, et il ne pouvait pas les blâmer : à tout moment, il était capable d'attraper un vieillard et de le malmener parce qu'il aurait trouvé une blague à faire à ce sujet. Il poussa les portes de la vieille pharmacie qu'il fréquentait à l'époque où il s'assommait à coups de médicaments, et éclata de rire en voyant les salariés se figer, morts de peur.

« Carl est là ? » demanda-t-il simplement en déclenchant une nouvelle vague de terreur, parmi les clients cette fois. Un homme d'une quarantaine d'années vêtu d'une blouse blanche arriva derrière le comptoir, tremblant.

« Oui ? » fit-il faiblement.

« Salut, Carl. Tu te souviens peut-être de moi, je venais souvent ici, avant... avant tout ça. » dit le clown en montrant son visage de son index rongé, en éclatant de rire à une blague que personne autour ne sembla saisir. « J'ai besoin de te parler. Je peux entrer, une seconde ? Je ne ferai rien de mal c'est promis, je peux signer une décharge et le jurer sur la Bible si vous voulez. » ricana-t-il encore en passant derrière le comptoir sans y être invité. Une main dans le dos dudit-Carl, il le poussa doucement mais fermement vers l'arrière-boutique.

« Je vais aller droit au but : j'ai besoin de tes connaissances en chimie. Tu traites sûrement avec Roland Daggett, n'est-ce pas ? Tu connais bien ses produits. He bien, nous allons les modifier... » commença-t-il, soudain sérieux.

[...]

« Alors comme ça, on se balade librement, Lunacy Crack ? »

Tout juste sortie de l'hôtel où elle avait envoyé les vidéos compromettantes à Daggett, Lunacy sursauta : elle ne pouvait pas déjà être renvoyée à la case départ ! Elle éclata de rire en reconnaissant la longue chevelure rousse de Poison Ivy, et se détendit en voyant le sourire amical de l'Empoisonneuse. Cette dernière lui prit la main et la tira derrière elle.

« Viens, nous ne devons pas rester en pleine lumière. Tu es chez le Chechen ? »

Qu'Ivy connaisse cette information n'affola pas Lunacy. Ivy avait connu le Chechen, et savait qu'il lui avait légué un appartement dans Diamond District. Les deux femmes montèrent dans l'appartement sans parler, et Ivy se lâcha quand elles refermèrent la porte derrière elles.

Associations Douteuses à GothamWhere stories live. Discover now