Associations Douteuses à Gotham

Chapitre 25

Lunacy s'était levée aux aurores et avait quitté l'appartement du Joker par le toit, laissant les policiers chargés de surveiller les lieux derrière elle. Elle avait dressé la liste des personnes qu'elle pouvait contacter pour organiser l'évasion du Prince du Crime, et un seul nom était ressorti : Victor Zsasz. Il était impensable de contacter les Sirènes pour faire évader le Joker de prison. Elles seraient peut-être contentes de voir la criminelle enfin libre, mais même ça, ce n'était pas certain. Aucune d'entre elles n'approuverait sa cavale, et aucune d'entre elles n'approuverait les plans qu'elle avait avec le Joker pour la suite. Il était donc inutile de se rendre au Club.

Vêtue d'un survêtement emprunté dans l'appartement du clown –qui n'était pas plus grand qu'elle et presque plus maigre, elle avait rabattu la capuche sur sa tête et avait enfilé ses larges lunettes de soleil. Ainsi habillée, elle passerait inaperçue. D'un pas traînant, elle descendit dans une station de métro et resta en retrait. La vie autour d'elle continuait, et les conversations allaient bon train : sa photo et celle du Joker faisaient les gros titres, et tous les citoyens semblaient fascinés par l'épopée du jour. Quand la rame arriva, elle récupéra un journal sur un banc et s'assit sur un strapontin bancal. Le rédacteur en chef du quotidien était visiblement un adversaire politique du Maire Klass, et accusait davantage la mairie et le GCPD que Lunacy et le Joker. En réalité, remarqua Lunacy en lisant l'article correctement, le journal prenait carrément la défense des deux criminels qui étaient présentés comme des dissidents, des anarchistes dont la volonté était de libérer le peuple de l'oppression que la politique en place exerçait sur les citoyens. Le discours du Joker dans le cabaret désaffecté, quand il avait appelé à la grève contre Daggett, était cité mot pour mot et Lunacy ricana en quittant le métro. Cette ville était encore plus folle qu'eux.

Le soleil l'éblouit quand elle sortit au beau milieu du quartier de Coventry, et elle rasa les murs jusqu'à la boutique miteuse de parapluies du Pingouin. La clochette en métal retentit d'un tintement sinistre, et la pièce se plongea dans une semi obscurité quand Lunacy referma la porte derrière elle. Elle se dirigea droit vers la sonnette de comptoir et s'apprêtait à la maltraiter comme la fois précédente, mais le Pingouin l'appela depuis son bureau. Assis comme à son habitude, les jambes pendant dans le vide, il lui adressa un sourire carnassier en la voyant arriver.

« Mais qui voilà, la fugitive la plus recherchée de la ville est venue voir ce bon vieux Pingouin ? »

« Salut. » dit froidement Lunacy en s'asseyant face à lui sans y avoir été invitée. « Je cherche Victor Zsasz. »

« Pas de temps pour les politesses, je vois. » se renfrogna le petit homme. Il portait son monocle et l'ajusta pour la détailler. « Tu n'as pas l'air en forme. »

« Ah bon ? Je pète le feu, pourtant. » rétorqua Lunacy sur un ton qui affirmait le contraire.

« Tu as de quoi payer ? » demanda le Pingouin, conscient qu'elle ne discuterait pas davantage.

« La fugitive la plus recherchée de la ville est actuellement dans le bureau du Pingouin, au cœur de Coventry. »

« Tu es insultante, mais ne m'oblige pas à utiliser cette info. Et si tu continues à faire ta tête de mule, je vais y être contraint ! » sermonna le Pingouin en joignant ses mains poisseuses devant lui.

« Harley Quinn a détourné la dernière livraison des Sirènes. Dans son penthouse luxueux de l'Upper West Side, il y a un portrait immense d'un pékinois portant une couronne. Ce qu'il y a derrière intéressera un joaillier qui a du goût. »

« Oh, mais on balance ses petites copines ! Ou peut-être que vous n'êtes plus copines, depuis que tu lui as piqué son mec ? Ce ne sont que des ragots qui me parviennent bien sûr, ce que j'en sais, moi, après tout... » commenta le Pingouin en guettant sa réaction. Déçu de voir que Lunacy ne mordait pas à l'hameçon, il perdit son sourire et demanda des précisions.