Il arrive que Jimin se demande pourquoi il s'est retrouvé sur cette planète. Il arrive qu'il se demande ce qui se passe, vraiment, dans son corps et dans sa tête. Il arrive qu'il se demande ce que ça ferait, si là maintenant, il sautait par la fenêtre. Puis on le bouscule. Puis le couloir du lycée reprend forme, il n'est plus seul, la fenêtre est une grande baie vitrée fermée qui donne sur la cour. Des gens chahutent autour. Du bruit s'allume dans les parages. Des têtes se confondent, se rencontrent. Des regards se croisent, se percutent. Tous laissent des filets étranges dans l'air, des filets de leurs couleurs. La sonnerie. Et Jimin, qui se demande, pourquoi ils sont sur Terre. Peut-être bien qu'ailleurs, il existe une planète où les gens se posent la même question. Peut-être qu'ils pourraient échanger, qui sait si ça aiderait. Mais Jimin en doute. Alors il ne se demande plus pourquoi il est sur Terre, parce que ce n'est pas la question. Il se demande pourquoi il existe.
C'est lourd, de ne pas réussir à trouver de réponse. Alors il se sent chanceux, de ne jamais trop s'être posé cette question avant.
Il marche vers les cours, s'assoit au fond, derrière Jungkook et Jin, qui rient ensemble. Le cours, c'est de l'anglais. Puis c'est de la philo. Des questions auxquelles on essaie de répondre, sans y parvenir. Des questions qui s'entassent, encore et encore, qui ne percutent aucun élève dans la classe, sauf Jimin. C'est un peu comme un chien qui chasse un chat, sauf que là ce ne sont que des mots. Des mots forts. Qui remettent tout en question. Comme s'il en avait besoin.
Après, c'est la fin de la journée.
Jimin se sent vide. Il ne sait plus quoi faire, et il n'a pas vraiment envie de faire quoi que ce soit. Un instant, il a la sensation qu'il n'arrivera même pas à trouver la force de quitter cet endroit. Mais, devant le lycée, il aperçoit Violette. Alors il la rejoint, d'un pas décidé. Jimin ne remarque même pas que Jungkook les fixe un peu, sans arrêter de parler à Jin.
« Salut. T'as quelque chose de prévu ? demande-t-il à la fille, un peu surprise.
-Pas vraiment.
-Viens avec moi. S'il-te-plait. »
Elle hoche la tête.
Il ne fait pas très beau. Le ciel est lourd. Les deux pédalent, Jimin réfléchit en voyant les arbres passer. C'est devenu comme une drôle d'habitude, de réfléchir. Comme quelque chose qu'il ne peut plus éviter, qui lui est tombé dessus d'un coup. Il se demande pourquoi ça n'avait pas l'air aussi pesant, avant. Il se demande même si ça lui arrivait de réfléchir, avant. Il se le demande à en perdre le sens même de cet étrange mot, réfléchir. Encore une fois, il se dit qu'il n'aura de toute façon jamais aucune réponse. Ils pédalent et Violette ralentit, se met au niveau de Jimin, qui semble sortir d'un sommeil profond.
« On va où, au fait?
-Je sais pas, dit-il un peu à bout de souffle, coupé du bruit de sa tête.
-Ok. Suis-moi. »
Elle fait demi-tour. Jimin la suit un peu machinalement, sans même réfléchir à l'endroit où ils pourraient se rendre. Il regarde les arbres. Sur l'un deux, il y a un oiseau. Un oiseau un peu abimé, à l'aile droite, qui n'a plus trop l'air d'oser s'envoler. Ses plumes sont bleues et jaunes, il trouve ça doux. Jimin est ému, sans trop savoir pourquoi.
L'oiseau était joli. Cabossé, mais vrai. Et c'était beau.
Violette ralentit. Ils sont dans une petite rue, avec beaucoup d'arbres, un peu à part, finalement comme beaucoup de rues dans ce village. Tout près, il y a une forêt de pins, et ça se sent dans l'atmosphère. Ils ne sont pas si loin du sentier qui relie tout ça à la mer. Jimin regarde tout autour de lui. Il reconnait l'endroit. Il y est déjà allé, une fois. Une fois de trop, sûrement. Ils avancent jusqu'à une maison, pas spécialement petite, que Violette ouvre avec des clefs qu'elle sort de sa poche. La maison sent le neuf, tout est un peu en bazar. Violette vit avec ses deux petits frères, son père, et sa mère. Elle cohabite avec eux, surtout ; d'après ce qu'elle dit. Ils montent à l'étage, entrent dans sa chambre, posent leurs affaires, ouvrent la fenêtre, ferment la porte, s'assoient à terre, se taisent, écoutent les murs, mettent finalement un peu de musique.
