Des poissons. (port marianne)

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« -J'y vais.

-Où ça?

-Faire un tour. Je reviens pour manger. »

Hoseok attend devant l'église. Il pleut un peu, et c'est agréable. Les gouttes s'effondrent lentement sur le sol, en petit nombre. Faible impact, Hoseok les sent s'infiltrer lentement dans sa peau. Le ciel est gris, parfois anthracite. Il est composé de tâches de nuances, et c'est à se demander comment une si jolie toile peut se revêtir d'un manteau plus beau encore.

Jimin arrive sur son vélo vert-d'eau. Il n'aime pas ça, la pluie. Pas qu'il la déteste, mais sentir l'eau couler sur sa peau, il n'apprécie pas. Jimin préfère le ciel quand il est infini. Il le préfère quand l'horizon s'étend dans un azur fantastique. Il crachine, et ça l'embête. Ce n'est pas vraiment comme ça qu'il imaginait la journée, mais il se dit qu'après tout ça importe peu.

Ils se retrouvent. Hoseok a un palmier bleu sur le torse, Jimin a des rayures blanches sur fond jaune. Jimin sourit, Hoseok écoute le ciel. Les cloches sonnent dix coups, la pluie s'arrête, et sur la petite place il n'y a qu'eux. Seulement eux, pour de vrai. S'il devait peindre la scène, Hoseok ne saurait pas quelle couleur choisir. Jimin a pris une enceinte dans son sac, et la musique résonne comme de loin. Ce sont des bulles, ce sont des percussions électroniques, ce sont des vagues qui s'enchaînent lentement.

« -Salut.

-Salut.

-Suis-moi. »

Sur leur vélo, le ciel leur tombe sur la tête. Le ciel s'écroule dans toutes ses nuances de gris, alors qu'ils avancent sur la route mal goudronnée. Il y a des arbres, et le vert des épines picote la monochromie du ciel traître. C'est un temps lourd et le ciel s'écrase, mais Hoseok n'y fait pas attention. Hoseok suit la musique, fil d'Arianne dans un labyrinthe dégagé.

Des minutes après, des regards volés par-dessus l'épaule plus tard, ils arrivent à une ville. Ce n'est pas un village, mais ce n'est pas non plus une ville très grande. Les bâtiments y sont toujours blancs, le ciel y est toujours gris. Jimin passe dans les rues sans trop faire attention, colore les pavés de son jaune éclatant. Ses cheveux clairs dans le vent, et son profil dans le ciel, comme un horizon éternel. Le garçon blond est une flamme dans le regard d'Hoseok.

Devant un aquarium, Jimin gare son vélo, suivi de l'autre. Il a l'air satisfait, et il entre. Ils ne parlent pas vraiment, parce que ce serait inutile, et Hoseok aime cette sincérité silencieuse. Ils achètent des tickets. Bientôt, Jimin n'est plus qu'un profil sombre, reflété dans des bancs colorés, sur fond mouvant de poissons. Des grandes vitres les entourent, des vitres bleues, des vitres vivantes. Ils marchent à travers les salles, regardent les poissons. Et avant de franchir chaque mur, Jimin jette ses yeux sur Hoseok, rapidement, et relève la tête, légèrement. Sûrement qu'il s'assure qu'Hoseok trouve ça joli.

Dans une des nombreuses pièces, il y a une colonne au centre. Elle regorge de méduses blanches et translucides, petites et grosses, aux tentacules longs et aux chapeaux très ronds. Autour de la colonne, un canapé. Et sur ce canapé, deux garçons. Un blanc et un jaune. Hoseok fait le tour des méduses, et puis, à travers le verre, à travers le bleu, à travers les méduses, un visage se dessine. Un regard, qui se mêle aux flots. Jimin est en face, et ils s'observent, plongés dans l'eau qui les sépare. Comme ça, il paraît encore plus vivant. Comme ça, il est encore plus beau. Les douces vagues de lumières se déposent sur ses joues, et des méduses traversent son visage. Jimin est un océan.

Hoseok le sent. Son coeur qui s'accélère.

Jimin se retrouve debout, juste à-côté de lui. Il ne l'avait pas vraiment vu disparaître, il ne l'a pas vraiment vu se rapprocher. Son coeur bondit légèrement, ne ralentit pas. Jimin fait un signe de la tête, montrant les autres salles. Les mains dans les poches, il toise les lèvres d'Hoseok, qui ne semblent jamais vraiment se courber. Ça l'intrigue.

Ils avancent.

« -Tu viens d'ici?

-Non.

-Oh. »

Ils avancent. Des poissons colorés traversent leur corps, des ombres se créent partout sur leur peau, et le ciel n'est plus qu'une illusion, emplie de poissons.

« -Et toi.

-Oui. »

Ils avancent. Une salle où il y a des requins. Ils seraient effrayants, s'ils n'étaient pas réduits à de simples objets d'exposition. Jimin propose de les relâcher, juste pour voir la tête des autres. Ça plait bien à Hoseok, qui lui dit que ce serait marrant. Jimin lui arrache un léger sourire. Il est doux, ce sourire.

Ils ont faim. Hoseok regarde sa montre azure, il est treize heures. Ils traversent les dernières salles en vitesse, passent par un endroit où des tas de raies les observent. Elles sont comme une petite symphonie, et quand Jimin pose son doigt sur la vitre et que toutes s'agglutinent sur ce point précis, il en devient le chef d'orchestre.

Lorsqu'ils quittent la boutique, Jimin a une marinière dans un sac en plastique. Hoseok trouve ça paradoxal, un aquarium qui donne du plastique. Mais Jimin a l'air heureux, avec son nouveau t-shirt. Ils s'assoient à une table de la cafétéria, juste parce qu'il y a des sandwichs au thon et que Jimin en veut un. Assis l'un en face de l'autre, ils se regardent.

« Tu as toujours des poissons dans les yeux. »

Hoseok rit. Jimin se sent victorieux.

Dans la petite ville, il y a un port. Ils s'y assoient, au bord. Le ciel a perdu de ses nuances, il n'est plus qu'un large tapis blanc un peu trop foncé. Le vent, lui, il n'a pas changé. Léger. Ils observent les coques s'entrechoquer, les cordes accrochées aux bittes d'amarrage. Hoseok respire la mer, Jimin respire l'atmosphère. Le téléphone d'Hoseok est dans son sac, et il n'a pas envie de le sortir, quand il l'entend sonner.

Jimin se lève en premier. Il se mêle au ciel, qui s'effondre toujours un peu. Hoseok trouve ça joli. Il aime bien cette journée grise. Et puis comme un nuage dans un ciel pur, Jimin se dépose sur la mer calme qui les liait.

« -Tu me trouves beau? »

Hoseok fronce les sourcils, recule légèrement la tête.

« Si tu m'as demandé du feu, alors que t'en avais sûrement. C'est parce que tu me trouves beau?

-Dans tes rêves.

-Tu sais même pas allumer une cigarette. »

Il se relève à son tour, lui fait face. Leurs battements de coeur sont comme deux coques de bateaux dans un port. Leur visage est plus proche que prévu. Hoseok sent ses joues rougir, il n'aime pas ça.

« -On rentre? »

Jimin hoche doucement la tête. Le ciel s'assombrit progressivement, et Hoseok sent les roues de son vélo, qui ne sont pas tranquilles sur le bitume irrégulier. Des secousses qui lui parviennent. Jimin est devant, il le rattrape. Ils sont deux, côte à côte, et Jimin accélère encore un peu, pour repasser devant. Bientôt, ils atteignent une vitesse qu'ils ne pensaient pas atteindre. Puis déjà, ils sont de retour au village.

Cette fois-ci, Jimin ne dit rien quand ils se quittent, mais il lui sourit. Peut-être qu'Hoseok aurait dû le lui rendre. Quand il rentre chez lui, sa mère lui saute dessus. Peut-être qu'Hoseok aurait dû sortir son portable de son sac. Elle est morte d'inquiétude, et lui il ne sait même pas si elle pleure ou si elle lui en veut. Il est vingt-deux heures et ça fait dix heures qu'elle l'attend.

Hoseok n'a pas le droit de sortir seul, pour une semaine.

Dans sa chambre, il recouvre une feuille de peinture rouge. Le ciel s'est miraculeusement dégagé, et il ouvre la fenêtre. Bien sûr qu'il le trouve beau.

Ce soir, Hoseok nourrit les poissons qui sont toujours dans ses yeux, avec les étoiles.

Les Palmiers bleus - HopeminWhere stories live. Discover now