Des nuages. (lemonhead)

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« -J'avais pas raison?

-Mhh... Un peu.

-Je le savais. »

Jimin sourit, fier de lui. Le garçon multicolore est tout près, allongé à côté. C'est agréable, de le sentir juste là, de sentir son souffle se déposer pas si loin de la peau, de percevoir les regards qu'il jette, de ressentir toutes ces choses vivantes et concrètes. Jimin est juste à côté, et c'est comme s'ils n'étaient qu'un. Ils regardent le ciel, allongés dans l'herbe, au centre des arbres. Les nuages défilent timidement, eux les encouragent à ralentir encore leur course, parce qu'ils les trouvent beaux. Ils étaient dans la chambre d'Hoseok, puis Jimin a regardé la fenêtre et lui a dit quelque chose à peu près comme ça : « eh, dis, ce serait pas mieux si on était allongés dans l'herbe? ». Il avait l'air malicieux, comme ça. En fait, il l'était, parce qu'il savait très bien que le jardin qui débordait par la fenêtre n'était pas celui d'Hoseok. Sûrement que c'est pour ça que l'idée lui plaisait tant. Hoseok l'a fixé, puis il a lâché quelque chose d'à peu près comme ça : « je sais pas.... ouais. bon. ok. »

Le plus drôle était de sauter par la fenêtre, pour atterrir dans l'herbe. Le volet d'en face, celui duquel le vieux à qui appartient ce jardin pourrait les voir, il est fermé. Ils sont tranquilles, et de toute façon, Hoseok n'a pas vu ce vieux une seule fois, cette année.

Le ciel les recouvre, un énorme nuage leur fait de l'ombre. Ils se sont calmés, ils ne parlent plus, et il y a toutes ces idées sur le ciel qui resurgissent dans leur esprit. Hoseok se dit qu'il aimerait bien que tout ça n'ait pas de fin, et rien que l'idée de se dire que Jimin et le ciel resteront à côté de lui jusqu'à ce qu'il meure le fait sourire. Jimin remarque ce sourire solitaire, et ça colore un peu son coeur. Il balance ses yeux de gauche à droite, jusqu'à finalement les fixer sur ceux d'Hoseok, fermés. Quand ils se rouvrent, il tourne la tête rapidement, mais trop tard.

Il se tait, ne regarde plus Hoseok, se demande quelle serait la couleur qu'il mettrait sur ses feuilles, s'il en peignait une là maintenant. Puis il réfléchit.

« C'est quoi pour toi, être éternel? »

Jimin a l'air sérieux, comme ça ne lui arrive pas souvent. Hoseok ne sait pas trop s'il attend vraiment une réponse, s'il faut qu'elle soit sérieuse ou un peu méchante, rien que pour le provoquer. Il ne sait jamais. Jimin n'est pas satisfait par le silence, le fait sentir, se relève, et part. Toujours allongé, l'autre le regarde escalader la petite fenêtre, se glisser à l'intérieur de sa chambre, intrusion douce.

Pour Jimin, être éternel, c'est être comme un nuage. Une ombre dont on se souvient, qui tâche tout, qui a la force d'éteindre le soleil, même un petit instant. Ça ne l'intéresse pas, de vivre pour toujours. Il veut juste avoir la chance de pouvoir un jour être le nuage de quelqu'un, de laisser sa marque. C'est peut-être bien à ça qu'il pense, quand en regardant Hoseok, il ferme la fenêtre et tourne la poignée. Ça l'amuse, de le voir se relever subitement, et courir. Il sort de l'ombre, de nouveau illuminé par l'astre imposant, et se retrouve de l'autre côté de la fenêtre.

Le verre les sépare légèrement. Hoseok lui dit qu'il va le tuer, parce qu'il le pense. Jimin est un ciel entier, mais il voudrait être un nuage. Et comme ça, ils forment une toile étonnante, ce genre de toile que personne ne penserait à peindre. Comme ça, ils sont aussi rouge et vert qu'orange et cyan. Hoseok répète qu'il va le tuer, et Jimin ne sait même pas s'il rigole ou non. Il commence un peu à paniquer, mais il ne peut pas s'arrêter de rire.

Il veut être un nuage. Qui le marquera.

Hoseok s'assoit contre son mur, sans rien dire, arrête de crier sans oser faire trop de bruit. Jimin ne le voit plus, comme ça. Ça l'embête, parce qu'il n'a plus tant l'impression d'être un nuage que ça. Il attend dix minutes, puis voyant qu'Hoseok n'apparaît toujours pas dans le cadre, il lui demande s'il est toujours vivant. Aucune réponse. Jimin ouvre la fenêtre, Hoseok l'attaque, l'extirpe de là. De nouveau tous les deux dehors, ils se battent sans vraiment y croire, en essayant de pas trop rire. Puis, sous un ciel empli de nuages, ils ne bougent plus, essoufflés. Il ne savent même pas, s'ils sont essoufflés à cause de leur combat enfantin, ou si c'est leur coeur qui puise trop d'air. Il bat vite. Dans leur poitrine. Il résonne fort. Et tiens, le t-shirt de Jimin (blanc, maintenant plein de tâches vertes) est un peu relevé, et celui d'Hoseok aussi, et le bas de leur ventre se touche. Hypnotisant. Hoseok observe la fenêtre ouverte, après avoir lâché les yeux de Jimin, qui voit la fenêtre aussi. Ils se regardent rapidement, et se relèvent subitement, se mettent à courir.

Hoseok pousse Jimin, qui trébuche. Il arrive en premier à la fenêtre, rentre dans sa chambre. Hoseok est fier de sa victoire, mais il ne ferme pas la fenêtre, parce qu'Hoseok, il aimerait bien que Jimin soit avec lui, contre lui. Hoseok le voit déjà comme un nuage dont l'ombre le réconforte.

Bientôt, ils sont à deux assis sur le lit, couverts de vert. Ils se sont entachés de la couleur de la journée, et Jimin ne se demande même plus en quelle couleur Hoseok va peindre sa feuille, ce soir. Ils sont à deux, l'un à côté de l'autre, ou l'un en face de l'autre.

« -Mon coeur bat bizarrement.

-Le mien aussi.

-C'est drôle.

-Oui. »

Plus que jamais, ils apprécient être collés l'un à l'autre, avoir les idées entremêlées et passer du temps ensemble. Hoseok trouve ça léger, Jimin trouve ça nuageux (un mot qui dans son esprit évoque l'infini).

L'après-midi passe, les deux garçons reparlent un peu de cette éternité qui les effraie autant qu'elle ne les attire, et s'accordent pour dire qu'être vivants comme ils l'ont été cette journée, c'est être éternel. Puis Jimin part. Mais avant ça, avant de remonter sur son vélo, avant de laisser Hoseok refermer la porte, après avoir eu leurs lèvres très (vraiment très) proches, Jimin relève la tête. Il a une idée, un peu sérieuse.

Jimin a envie de quelque chose.

Les Palmiers bleus - HopeminOù les histoires vivent. Découvrez maintenant