deux. (clementine)

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Hoseok ouvre les yeux. C'est un peu lourd, comme ça. Quand il entend les bruits des voitures, quand il voit le ciel pollué, quand il voit sa chambre qui n'est pas aussi colorée qu'il le voudrait. C'est un peu lourd. Il n'a pas envie de se lever, de voir tout le monde. Hoseok a juste envie de disparaître, pour se retrouver là-bas. Alors il referme les yeux, très fort. Il revoit la mer, les couleurs, sa vraie chambre, les feuilles peintes, les pêches. Il ferme ses yeux si fort que des tâches de couleurs se forment dans le noir complet, et ça ressemble à l'endroit. Il les ferme si fort qu'il espère qu'il y est, maintenant. Quand il rouvre les yeux, plein d'espoir, il jette un oreiller dans le coin de son lit, parce que ça n'a pas fonctionné.

Il jette un oeil à son portable.

Puis il se relève. D'un coup, sans raison, il trouve la motivation. Ça n'a pas fonctionné, il est toujours dans cette ville du diable, dans cet appartement rempli de fausses valeurs, mais il se sent prêt à tout affronter. Il traverse l'appartement en traînant des pieds, attrape des céréales, les mange, repart. Il fixe le plafond en écoutant une chanson, et comme ça, il se sent presque bien. Comme ça, plus rien ne compte, il n'y a plus que les notes qui flottent autour de lui. Même qu'il y a du vert, et beaucoup, beaucoup de bleu. Sa chaise est rouge, ses draps sont bleu et vert, son pyjama est orange. Ses yeux sont jaunes, il le sent. Le ciel est cyan. La vie n'est pas rose, mais elle essaie. Le temps d'une chanson, toutes ces couleurs jaillissent et s'allient, pour surpasser tout le reste. Et c'est pur.

Hoseok prend sa douche. Hoseok s'observe, fait des grimaces. Hoseok se brosse les dents.

Dans la rue, il plonge les yeux sur ses pieds. Il n'a pas envie de croiser le regard de tout le monde, de voir le ciel qui en réalité est entièrement gris. Hoseok s'enveloppe de mélodies et de couleurs illusoires, regarde le sol, pousse un peu quelqu'un sans le vouloir, s'excuse, se sent lourd, aussi lourd que le ciel. Il est un ciel. Un ciel nuageux.

Au lycée, on lui parle de suites, de plantes, et de Platon. Il a un peu l'impression d'être une carapace, que les informations n'arrivent pas à pénétrer. Soit il ne comprend rien, soit il ne veut rien comprendre, soit les deux s'allient pour former une espèce de moue sur son visage disgracieux, un peu comme une pancarte qui dirait « où est l'intérêt ».

A la cantine, il s'ennuie, mange sans passion, seul, encore. Il fixe le vide et inspecte les alentours. Puis un plateau se pose juste devant ses yeux, éteints. Il sursaute presque. Le plateau n'est pas bien rempli. Il y a une pomme, qui roule après le choc du plastique sur le faux bois. Deux fourchettes, une entrée, un verre, une serviette, et, c'est tout. Il ne doit pas avoir très faim.

« -Je peux m'assoir? »

Hoseok hoche la tête, la lève après. C'est le nouveau. Il n'est définitivement pas blond. Ses cheveux sont désordonnés. Ils sont d'un noir profond, et ça rend sa peau encore plus blanche qu'elle n'en a déjà l'air. Il est maigre, mais pas trop. Et en fait, non, il n'est pas si maigre que ça. C'est juste son t-shirt trois fois trop grand, qui donne cette impression. Il est normal. Il est un peu petit, mais pas trop non plus. Il a un visage banal, mais pas trop non plus. Ce genre de visage qui vous fait dire qu'il n'y a rien d'exceptionnel, mais que vous n'avez jamais vu, et qui vous reste en tête, toute la journée. Désordonné, ou peut-être n'est-ce qu'une impression qu'il veut donner. Aucun des deux ne sourit vraiment. Hoseok fixe son petit doigt, qui a du vernis, noir. Il aime bien, ça le fait sourire, finalement.

« -Yoongi.

-Hoseok.

-Enchanté.

-Pareil. »

Ils mangent, en silence. Ils observent un peu tout, sans oublier de s'observer eux-mêmes. Les deux gardent un écouteur, mais pas dans la même oreille. Hoseok se demande combien de chances sur un milliard il y aurait pour qu'ils écoutent la même chanson. Ce serait marrant. Ce serait dingue. Puis il se dit que dans un univers aussi dingue que celui-ci, il ne serait pas ici. Yoongi l'observe, il a un air drôle, derrière l'in-expression qu'il affiche.

En physique, ils s'assoient à côté. Ils ne parlent que pour se moquer des sciences, et c'est amusant, parce que les pauvres sciences n'ont plus aucune cohérence ni aucune valeur. Peut-être que c'est mieux comme ça. De pas pouvoir tout expliquer.

Quand ils quittent le lycée, Yoongi se dirige vers l'arrêt de bus, alors qu'Hoseok continue vers la ville.

« -T'habites loin?

-Plutôt.

-Bon courage.

-Merci. le petit brun répond, après avoir soufflé du nez. »

Ils sourient légèrement, puis ils se quittent. Hoseok se trouve ridicule de lui avoir souhaité bon courage.

Chez lui, Hoseok passe devant sa famille sans rien dire, parce qu'il n'a rien à dire. Il rentre dans sa chambre, s'assoit à son bureau, fait un tour sur sa chaise, regarde les murs. La fenêtre. L'heure. Tout ça ne va pas, tout ça n'est plus lui. Il se lève déterminé, et commence à déplacer son lit. C'est bien plus lourd qu'il ne pensait, bien plus encombrant. Sa chambre n'est pas assez grande pour faire ça seul mais il n'a aucune envie de demander de l'aide. Quelques gouttes de sueur et une heure plus tard, quand il plonge dans son lit, il voit le ciel en perspective, et quand il s'assoit à son bureau, il y a la fenêtre juste au-dessus de sa tête. Comme ça, c'est bien.

En fixant le ciel, il se demande, si Jimin aimerait cet endroit.

Les Palmiers bleus - HopeminWhere stories live. Discover now