Chapitre LXXIII- Trahison

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-C'est bien à ces soldats que vous faites référence, n'est-ce pas ? Et bien ce soir, ils ne pourront pas vous sauver.

Jules semblait paralysé, incapable de comprendre les paroles de son ennemi. Ce dernier se fit un plaisir d'expliciter les enjeux de la soirée :

-Ce soir, Votre Majesté, vos soldats vous abandonnent. Ce soir, ce sont mes soldats. Ce soir, votre règne de sang touche à sa fin.

Alors qu'Eric parlait, les soldats sous ses ordres se mirent en mouvement, laissant leur pouvoir transparaitre sous forme d'orbes lumineux pour certains, dégainant leurs armes pour d'autres. Et, alors que l'air résonnait encore du son des lames quittant leurs fourreaux à l'unisson, les masques commencèrent à tomber, et les Ischys prirent enfin conscience d'une terrible vérité : si ceci était une déclaration de guerre, ils ne se trouvaient pas du bon côté.

Un par un, tous les alliés des Caedis, Courtisans et hauts dignitaires, dévoilèrent leurs propres armes, leurs propres pouvoirs, laissant comprendre à leurs souverains que leur propre Cour, le cœur même de leur pouvoir et de leur influence, était tout aussi pourri qu'un trognon de pomme tombé de l'arbre au cœur de l'hiver.

Et le seul fait d'avoir été à l'origine de ce fruit empoisonné, d'avoir été le parasite causant la décadence de la chair, donnait à Eric un pouvoir total sur le déroulement de la soirée. Et il le savait. Ce fut avec délice qu'il reprit la parole, son sourire large, mais ses yeux aussi froids que la lame du sabre qu'il s'apprêtait à dégainer :

-Nous ne sommes pas ici ce soir pour vous faire comprendre qu'une Révolution se prépare. Nous sommes ici pour vous faire comprendre qu'elle est déjà arrivée. Et que vous avez perdu.

À ces mots, Noémie se plaça aux côtés de son père, plus princière que jamais et, après avoir jeté un regard de pur triomphe à Ambre, inspira profondément et...

Hurla.

En l'espace de quelques instants, l'intégralité de la Galerie perdit plusieurs degrés en température, les perles de cristal sur les lustres et chandeliers se couvrant d'une fine couche de givre. Certains des invités les plus innocents ne parvinrent pas à retenir des cris de surprise.

Non seulement la cryokinésie était un don extrêmement rare, mais cela faisait des nombreuses années que la capitale n'avait pas connu de cryokinésiste puissant. Or, le fait que la détentrice de ce pouvoir ne soit autre que la suivante personnelle de la reine donnait un tout autre aspect à cette trahison.

Ce fut ce moment que Maxence choisit pour faire son entrée dans la Galerie. La détonation causée par les flammes de l'Héritier Écarlate causa une nouvelle vague de chaos dans la salle de bal. Tel un démon vengeur, il avait fait exploser deux battants de bois immaculés et, entouré des dernières volutes de fumée, révéla son sourire le plus cruel aux Ischys, ses doigts encore illuminés par la rougeur des flammes magiques.

Cependant, ce ne fut pas la vue de Maxence, ennemi encore inconnu, qui terrassa momentanément Ethan, mais bien celle de la seconde silhouette qui apparut derrière le voile de fumée.

Le Combattant sentit son souffle se couper douloureusement dans sa poitrine alors qu'il découvrait la beauté dévastatrice de sa nouvelle ennemie. Il comprit à ce moment que, depuis toutes ces années, Jade s'était bridée, avait toujours gardé un profil bas, avait toujours pris soin de camoufler sa beauté véritable. Il lui suffit d'une seule seconde pour soudainement comprendre à quel point elle avait joué un rôle depuis sa plus tendre enfance, depuis son arrivée au Palais.

Jade Arwen n'avait pas été élevée pour être une espionne, une soldate ou une suivante. Elle était née pour être une générale, reine de la bataille.

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