3. Un sourire inespéré

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Le dimanche 28 novembre 1999

Léna remarqua les larmes de George bien qu'il eût baissé la tête. Elle sentait presque la tristesse du jeune homme envahir l'atmosphère. Elle ne savait pas exactement l'attitude à adopter face à la situation. Son instinct lui criait de le prendre dans ses bras, car c'était la réaction qu'elle avait généralement face à une situation de ce genre. Mais elle connaissait à peine George et elle ne savait pas encore comment agir avec lui.

Finalement, ne supportant plus de rester là sans rien faire, elle déposa l'une de ses mains sur l'épaule de George et la pressa, tentant de lui témoigner sa présence et son soutien. Les larmes de George continuèrent à couler, tandis que la pression sur son cœur se réduisait. Elles finirent par se tarir et George s'essuya négligemment les joues. Il était gêné d'avoir pleuré ainsi devant cette inconnue. Il n'était pas habitué d'une façon générale à pleurer devant qui que ce soit. Il voulut s'excuser mais, même si les larmes s'étaient arrêtées, une boule bloquait toujours sa gorge.

– Tu sais, moi aussi j'ai beaucoup pleuré quand mon frère est mort, avoua doucement Léna. C'est naturel.

George leva un regard surpris vers elle.

– Je... Je ne savais pas. Je suis désolé pour toi, parvint-il à dire d'une voix hésitante. Comment est-ce que... ?

Léna haussa les épaules.

– Comme je l'ai dit, la guerre est impitoyable, reprit-elle d'une voix douce. Mon frère était auror. Il est mort de la main de mangemorts. C'était plusieurs mois avant la défaite de Voldemort. Je sais qu'il est mort en héros et c'est ce qui me réconforte un peu. Il savait les risques qu'il prenait et, d'où il est, je suis persuadée qu'il ne regrette rien. Surtout après notre victoire finale. Mais sa mort et celle de toutes les autres victimes de cette guerre reste injuste. Ils n'auraient pas dû avoir à mourir. Seulement, c'est comme ça : la vie est injuste et nous impose ses épreuves sans qu'on ait le moindre mot à dire.

George laissa passer un nouveau silence avant de reprendre la parole.

– On est tous un peu brisés, hein ? lâcha-t-il.

– Oui, soupira Léna. Certains plus que d'autres, mais tout le monde a perdu quelque chose dans cette guerre, d'une manière ou d'une autre.

Le jeune homme acquiesça. Il recentra son attention sur les vagues tandis que Léna en faisait de même. Il réalisa qu'il se sentait plus léger. Il se sentait presque apaisé. Parler avec cette fille lui avait fait bien plus de bien qu'il ne l'aurait pensé. Il faillit le lui avouer mais George n'était pas quelqu'un de démonstratif, alors il resta silencieux. Mais il se sentait mieux, et même si c'était uniquement l'espace d'un court instant, cela faisait tant de bien.

George prit une grande inspiration puis se releva. Il avait assez contemplé les vagues pour aujourd'hui. Il ne sentait plus en phase avec elles, maintenant que la pression sur son cœur s'était réduite.

Léna imita George et se planta sur ses deux pieds, époussetant le sable qui s'était accroché partout sur ses vêtements. Ils reprirent tous les deux le chemin inverse du sentier sans rien dire, dans un accord silencieux.

Alors qu'ils avaient parcouru la moitié du chemin, la pluie se remit brusquement à tomber. Les nuages gris s'épaissirent au-dessus d'eux et l'atmosphère s'assombrit. George et Léna se figèrent, observant la pluie tomber, sentant l'eau pénétrer leurs vêtements.

Léna leva la tête vers le ciel et se mit à sourire quand elle sentit les gouttes tomber sur son visage. Elle vit flou l'espace d'un instant quand des gouttes entrèrent dans ses yeux mais elle ne cessa pas de sourire. George l'observa avec perplexité puis, sans réellement comprendre pourquoi, il se mit lui aussi à sourire. En cet instant, la pluie et le froid leur parurent si agréable et grisant que cela ne leur traversa pas l'esprit une seule seconde de se mettre à l'abri par des moyens magiques.

Finalement, l'averse finit par se tarir. Les deux jeunes gens contemplèrent le ciel, regrettant presque que la pluie ait cessée. Ils éclatèrent alors de rire. C'était la première fois depuis longtemps que George éclatait d'un rire aussi sincère. Cette soudaine vague de bonheur, un bonheur si simple, le traversa et lui réchauffa le cœur comme un rayon de soleil.

– On devrait se sécher avant de rentrer, proposa Léna quand leurs rires se furent taris.

– Oui, tu as raison... approuva George. On doit ressembler à des chiens mouillés ! Du moins, c'est ce à quoi toi tu ressembles, je ne sais pas pour moi.

– Eh ! protesta Léna avec une indignation qui n'était que très peu convaincante au vu du grand sourire qui l'accompagnait. Pour ta gouverne, tu ressembles à une vieille éponge détrempée.

George éclata de rire.

– Merci, c'est bien aimable à toi ! la remercia-t-il ironiquement.

Ils secouèrent la tête et entreprirent de se sécher. Ils laissèrent la magie opérer puis, quand ils furent finalement secs, ils redescendirent vers la chaumière sans dire un mot, un sourire scotché sur les lèvres. Quand ils poussèrent la porte de la chaumière, Bill et Fleur discutaient dans la cuisine. Ils n'eurent aucune surprise en voyant Léna sourire, cependant, quand ils remarquèrent le même sourire sur le visage de George, ils ne purent s'empêcher de masquer leur stupéfaction.

– Je t'avais bien dit que cette fille était solaire, chuchota Fleur à Bill. Tu te rends compte ? Il sourit !

Le reste de l'après-midi se déroula dans une certaine bonne humeur. Bill et Fleur ne firent aucun commentaire à George. Ils ne voulaient pas risquer de le voir se renfrogner de nouveau, ils ne savaient pas encore très bien comment agir avec lui. Ils préféraient prendre des pincettes. Il avait beau sourire, il n'allait pas pour autant mieux. C'était simplement un signe encourageant. Son cas n'était peut être pas si désespéré que ça, voilà tout.

Léna finit par annoncer à regret qu'elle devait rentrer chez elle quand l'après-midi toucha à sa fin. Elle adressa ses remerciements à Bill et Fleur pour leur invitation avant de saluer George. Elle avait passé une si bonne après-midi qu'elle n'avait aucun désir de s'en aller, mais elle finit par s'y résoudre et transplana.

Le lendemain, elle dut retourner travailler au Ministère, et ce pour la semaine entière. Une masse de travail l'attendait et elle se sentit surmenée avant même de commencer. Tout ce travail ne l'empêcha pas de repenser à ce jeune homme qu'elle avait rencontré, à George. Cette discussion qu'ils avaient eu sur la plage lui revenait en mémoire. Ce que George lui avait dit l'avait marquée.

Cette souffrance qu'il avait en lui, elle n'en avait eu qu'un aperçu, elle le savait. Ce n'était que la face visible de l'iceberg. Ce genre de douleur ne pouvait jamais entièrement s'exprimer, elle se vivait avant tout. Comment comprendre pleinement une douleur tant qu'on ne l'a pas vécue ?

Léna savait que le court instant de bonheur qui avait suivi n'était qu'une faible compensation au désespoir de George. Elle avait néanmoins été si heureuse de voir un sourire illuminer le visage du jeune homme. Elle était ravie d'avoir pu lui apporter au moins ça.

Elle ne pouvait s'empêcher de se dire que, cet instant qu'ils avaient eu sous la pluie, cela avait été un court aperçu du vrai George. Celui qui avait disparu sous cette masse de tristesse. Un George joyeux, drôle, malicieux et souriant. Tout ça à la fois et tellement plus. Et Léna avait vraiment envie de connaître cette personne.

Une éclaircie dans un ciel sombre [George Weasley] Όπου ζουν οι ιστορίες. Ανακάλυψε τώρα