Les Psychés

10 - Courage !

J'ai fui ! Comme une gamine peureuse devant le croque-mitaine, j'ai bredouillé en tremblant une excuse à base de :

— Oublié... clé... cuisine... euh.

Et j'ai tourné les talons, laissant derrière moi l'ascenseur et son sinistre occupant. Les portes se sont refermées sans un bruit, pendant que je me préparais à me briser les cordes vocales si l'intrus tentait quelque chose. Mais il ne s'est rien passé. Il n'est pas sorti de la cabine en hurlant après ma cervelle. Sa bouche édentée ne s'est pas ouverte sur un cri bestial. Ses yeux sans vie ne se sont pas injectés de sang. Et l'ascenseur est reparti vers je ne sais quel étage, avec son horrible cargaison.

Le syndic va m'entendre, c'est sûr !

Les jambes encore en coton, je suis appuyée contre la porte de l'appartement. Mon cœur rétropédale à un rythme normal.

Noah ne me croira jamais.

Et moi qui lui loue sans arrêt la sécurité de la résidence ! Je sais que le loyer lui reste en travers de la gorge, et qu'il aurait préféré s'installer dans un quartier un peu plus populaire et plus abordable... alors quand je vais lui raconter ça, je l'entends déjà :

— Même chez les riches, il y a des détraqués. Parfois pire !

Reprends-toi ma fille ! C'était sûrement un retraité de l'immeuble, qui a échappé à la garde de son aide-soignant. Ouais, c'est sûrement ça !

À peine convaincue par mon hypothèse, je dois bien m'y résoudre, car s'il y a bien une chose rationnelle dans cette folle matinée, c'est que je dois aller bosser ! Un souffle, deux, et j'ouvre à nouveau la porte blindée de notre chez-nous. Cette fois, je prendrai les escaliers.