Les Techs - Tome 1 : les secrets du Laboratoire

Partie 117 : complets

Tous les Techs se jettent dans les bras les uns des autres et se serrent fort. Leur lien mental transmet leurs pensées et leurs émotions, leurs corps ne sont que des moyens de se connecter les uns aux autres, et pourtant ils aiment cet instant où ils sont totalement réunis. Tout autour d'eux les humains les regardent. Seuls les professeurs connaissent les sept enfants. Pour les autres invités, c'est un moment étrange de les découvrir formant un tout homogène. Ils sont à la fois une famille et une espèce, ils ont grandi ensemble, ont été élevés de la même manière et dans le même but, et cet environnement uniforme a fait ressortir les particularités de chacun jusqu'à ce qu'ils prennent l'habitude de s'articuler les uns par rapport aux autres. La stabilité de 1 est compensée par l'ambition de 2 qui est compensée par la rigueur de 3 qui est compensée par la sensibilité de 4 qui est compensée par la témérité de 5 qui est compensée par l'intelligence de 6 qui est compensée par l'intuition de 7 qui est compensée par la stabilité de 1. Leur différence d'âge ne leur permet pas encore d'atteindre un équilibre parfait, mais celui-ci s'esquisse, promettant une gestalt composée de sept individus qui dépasserait la somme de leurs capacités propres.

Ces interactions sont trop complexes pour être comprises aussi vite, les humains présents ne font que les deviner avec plus ou moins de perspicacité. Mais aucun d'entre eux ne doute, même Josh Malone qui n'est pourtant pas très attentif à ce qui se passe, que les sept enfants fonctionnent parfaitement ensemble, dans un unisson que la télépathie ne suffit pas à expliquer. Ils forment quelque chose de puissant et d'impossible à détruire.

Seul M. Edmund ne s'intéresse pas à cette touchante réunion. Il observe l'un après l'autre les invités. Ses équipes ont patiemment étudié chaque personne qui croisait ou avait pu croiser la route des Techs et il espérait bien que certains les suivent jusqu'au bout, mais même lui n'aurait pas imaginé un éventail aussi surprenant.

Un tout jeune homme au maquillage et à la tenue dignes d'une gravure de mode, qui vit au gré de ses envies sans prendre la peine de travailler ou de faire semblant de suivre des études. Un membre de la rébellion des HR haut placé qui a fait beaucoup pour ce mouvement et a dû également lutter pour ne pas être poignardé dans le dos par ses alliés, au sens propre comme au figuré. Une espionne du gouvernement au service des HR qui s'est lancée dans la rébellion pour retrouver la trace de sa mère enlevée par la SRAM — une mère qui, depuis qu'elle l'a retrouvée, ne lui a pas adressé la parole. Un célèbre acteur richissime dont le hobby est de rechercher les petits hommes verts. Un enfant né et élevé dans le Ghetto d'Ambton, qui prenait la matière tech pour de la magie il n'y a pas si longtemps que ça. Et l'un de ses propres agents, travaillant officiellement au service du gouvernement et officieusement à renverser la SRAM.

Si ces gens se mettaient à discuter entre eux, ils se découvriraient sans doute quelques points communs surprenants, mais surtout une montagne d'oppositions irréductibles qui les conduiraient très vite à se battre. Et ils ont tous suivi les Techs. Rencontrés par hasard ou par calcul, venus par solidarité ou par curiosité, ils sont là. Un panel invraisemblable et absolument parfait.

Au bout d'un moment, Sanx demande aux professeurs :

« Ils font toujours ça ?

— Pardon ? répond Stones.

— Se parler sans dire un mot. Ils font toujours ça entre eux ?

— La plupart du temps. C'est plus rapide.

— Ben là ça dure.

Choy intervient de sa voix tranquille :

— Ça fait longtemps qu'ils ne se sont pas vus.

— Oui, mais... »

Sanx ne finit pas sa phrase et hausse les épaules d'un air désabusé. Il refuse d'admettre qu'il commence à être jaloux. Il déteste être mis à l'écart, surtout par 1 qui jusqu'à présent le vénérait.

Les enfants séparés s'unissent mentalement, échangent les informations qu'ils n'avaient pas encore transmises et examinent leurs options. Ils se sentent confiants. Ils sont ensemble. Il a fallu cette longue séparation pour qu'ils s'aperçoivent qu'ils ne sont complets qu'ensemble, prêts à faire face à toutes les menaces et tous les pièges que pourrait leur tendre Edmund. Pourtant, la situation reste très délicate. Dehors, il y a la double menace de M. Edmund et de la SRAM, leurs troupes étant en train de s'entre-déchirer en ce moment même sur l'île. Même s'ils arrivent à sortir vivants du Laboratoire, s'échapper de l'île risque d'être bien plus délicat que la première fois. Autant se barricader à l'intérieur jusqu'à ce que ces fous furieux se calment.

À l'intérieur, les agents d'Edmund ne semblent pour l'instant rien leur imposer, si ce n'est d'aller jusqu'à la salle zéro. L'instinct pousserait les Techs, surtout 1 qui a vraiment pris Edmund en grippe, à résister à cet ordre et neutraliser les agents. Ils n'ont pas d'armes, mais à sept, ils se sentent parfaitement capables d'en venir à bout. Et donc de ne jamais entrer dans la salle zéro. Est-ce qu'ils ne risquent pas ainsi de perdre une occasion exceptionnelle ?

Car pourquoi sont-ils tous venus sur l'île, si ce n'est pour lutter contre la présence qui regarde en permanence par-dessus leur épaule ? Si d'autres raisons les ont motivés à faire ce choix, elles sont à présent floues et futiles, en comparaison de l'urgence. Le désir d'aider 7 les pousse à agir, quels que soient les risques. Elle a porté son fardeau aussi longtemps qu'elle l'a pu, du mieux qu'elle l'a pu, mais si elle ne le dépose pas à terre il finira par la détruire, cette pression mentale permanente usera son esprit plus lentement mais au final aussi sûrement que le fameux pont.

Les sept Techs sont décidés. Leur fusion mentale est telle qu'ils ne savent pas de quel esprit vient cette certitude, mais la sensation est parfaitement identique à celle qu'ils ont éprouvée en décidant de se rejoindre et de rouvrir le Laboratoire, et ils sont à présent complets, unis dans un tout qui a besoin d'avancer, de savoir et se battre. Et pour se battre, ils ont besoin de toutes les armes qu'ils pourront trouver. M. Edmund veut utiliser leurs pouvoirs dans la salle zéro pour dominer le monde ? Elle doit contenir de quoi faire face à n'importe quoi.

Une fois le choix établi de ne pas résister, le reste coule de source. Vigilance envers Edmund et ses agents, bien sûr. La moindre occasion de les désarmer devra être saisie. Mais inutile de tenter un coup de force. Autant montrer une attitude docile et le laisser croire qu'il est le maître de la situation. Il ne faut surtout pas se lancer dans une attaque irréfléchie : les Techs ne pourront gagner que s'ils frappent par surprise, au moment parfait.