Chapitre 38

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   — La demeure est très bien surveillée. Il va falloir faire preuve d'habilité si on veut entrer sans se faire remarquer.

Au centre de la grange des esclaves, on avait installé une table sur laquelle s'étalait une carte de l'île. Aux quatre coins y étaient disposées chandelles et dagues afin de maintenir à plat le parchemin jauni. Jule avait réclamé toutes les informations en leur possession et avait envoyé des éclaireurs à la maison des Sansay. Il était indéniablement devenu le leader de cette opération de reconquête.

— Il va falloir faire couler du sang, déclara-t-il en fixant la carte, bras tendus sur la table.

Et faire des sacrifices. Mais cela, il se gardait bien de le leur dire. Certains d'entre eux mourront, il n'y avait pas d'autre solution. Mais tous étaient déterminés à reprendre l'île des mains de Pember et la plupart étaient prêts à y laisser leur vie, sans aucun doute.

— Et l'intérieur de la maison ? demanda le pirate en scannant la foule autour de lui. Quelqu'un connaît-il la disposition des pièces ?

On chercha du regard Gwendoline qui était le seul membre du groupe de rebelles à avoir vécu chez le gouverneur mais, de toute évidence, elle n'était pas là. Jule se souvint qu'on l'avait envoyée plus tôt au village avec d'autres glaner des informations sur l'avancement des recherches.

Quelqu'un, recroquevillé au fond de la grange, leva à demi la main. Loïse. D'énormes cernes noirs s'étaient formés sous ses yeux et sa peau était d'une pâleur de nacre. La nuit passée à s'inquiéter l'avait beaucoup plus affectée que ce que Jule pensait.

Après leur discussion au clair de lune, on les avait cachés dans la grange avec des sacs de sucre. Ni l'un ni l'autre n'avait fermé l'œil de la nuit et la jeune femme s'était fait un sang d'encre, tant et si bien qu'elle avait contracté une crise de panique. Jule l'avait calmée comme il avait pu lorsque les hommes de Pember étaient entrés dans la grange.

Afin de rendre leur recherche plus ardue, les rebelles avaient feint de ne pas avoir de torche à leur disposition afin d'éclairer les lieux À la seule lueur d'une flamme, le groupe de recherche avait fait une rapide inspection de la pièce. Les deux hors la loi avaient retenu leur souffle pendant ce qui leur parut une éternité, Jule serrant dans sa main un poignard qu'on lui avait confié à la hâte. Finalement, les hommes de Pember étaient repartis, mais sûrement allaient-ils revenir dans peu de temps.

Voilà pourquoi, dès les premières lueurs du jour, on s'était réuni pour décider d'un plan d'attaque.

Loïse se leva et se dirigea d'un pas las vers la carte. Du bout du doigt, elle passa en revue les différentes pièces de chaque étage.

— Là, c'est le bureau... Enfin, c'était le bureau de mon père. Pember doit sûrement toujours l'utiliser.

Jule se gratta distraitement la barbe, réfléchissant. Il avait un mal fou à se concentrer. L'état de Loïse l'inquiétait, peut-être plus que de raison, mais quelque chose n'allait pas, il le sentait.

— On n'a pas assez d'informations, dit-il enfin. Il faudrait des espions parmi le personnel de la maison. Il faut du temps et...

— MAIS ON N'A PAS LE TEMPS !!!

De stupeur, Jule suspendit son geste. Il mit quelques secondes à réaliser que s'était Loïse qui venait de hurler ainsi. Incrédule, la jeune femme se rendit compte immédiatement de ce qu'elle venait de dire.

Le groupe tout entier s'était tourné vers elle. L'incompréhension générale fit peser un lourd et long silence. Seul le chant des oiseaux vint troubler le malaise.

Loïse des VentsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant