Chapitre 28

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   L'annonce de la sentence eut pour effet de décupler l'excitation de la foule. La soif de sang des hommes du Vesta était pratiquement palpable et on lançait des paris afin de deviner quel châtiment les traîtres allaient subir.

Pour Loïse, peu lui importait la façon dont Fabian et Pat allaient mourir, le principal était qu'elle avait réussi. Elle avait assuré sa survie ainsi que celle de son capitaine, et c'était le plus important. La vision de ses adversaires, à genoux devant Loys et sans aucune échappatoire, représentait le résultat de son travail acharné des dernières semaines.

Loys, lui, jubilait. Enfin ! Ce chien de Fabian était à sa merci ! Quelle satisfaction d'avoir son ennemi juré à genoux devant soi. Il allait lui faire payer. Puis, son regard s'arrêta sur Pat, l'homme qui l'avait trahi, après tout ce qu'ils avaient traversé et accompli ensemble. Une profonde tristesse l'envahit alors. Et les souvenirs enfouis refirent surface.

Dix ans auparavant, lorsque Loys était arrivé à Nassau, le jeune garçon qu'il était n'avait nulle part où aller. Il n'avait qu'un but : réussir. Réussir quoi ? Lui-même n'en avait pas une idée précise. Mais son enfance marquée par l'extrême pauvreté lui dictait qu'il lui fallait devenir riche, et puissant. Et quoi de mieux pour atteindre son objectif que de s'engager dans la piraterie ? L'idée était séduisante, et beaucoup plus tentante que de devenir marchand. L'aventure lui tendait les bras ! Ainsi, ce jeune garçon rempli de rêves et d'espoirs croisa la route de Patrick Chad, pirate de longue date, récemment renié par son équipage pour insubordination.

Ce même homme, avec dix ans de plus, leva les yeux et les plongea dans ceux de son capitaine. Le regard rempli de terreur, où pouvait se lire une supplication silencieuse. Ce même homme qui l'avait aidé à devenir ce qu'il était aujourd'hui.

Mais que suis-je en train de faire ? Ne pouvant en supporter davantage, Loys mit fin à la contemplation de son allié de jadis. Sa détermination vacillait. Pat était un élément pivot de son histoire, de sa vie. Mais il l'avait trahi en connaissance de cause. Devait-il pour autant le faire mourir ?

Son dilemme intérieur prit subitement fin lorsque Fabian poussa un hurlement bestial. La surprise de l'équipage fut telle en entendant ce rugissement venu des Enfers que plus personne n'osa prononcer un mot. Bien que le silence fût tombé sur le pont, il n'en était rien de la tension qui, elle, était toujours présente.

Fabian, épuisé par sa tentative réussie de se faire entendre, lançait des regards mauvais autour de lui en soufflant comme un bœuf. Il inspira un grand coup, puis cria :

— Je demande un procès ! Toute cette histoire n'est qu'un complot, un coup monté pour m'évincer du vote ! Je demande... (il prit à nouveau une grande inspiration) UN PROCÈS !

Loïse en resta pantoise. Un procès ? Cela allait compliquer les choses. Elle n'avait pas anticipé une telle réaction de la part de Fabian. Ce dernier était loin d'être intelligent. L'adrénaline lui aurait-t-elle permis de réfléchir assez bien pour trouver une échappatoire ?

L'assemblée, elle, fit part de son mécontentement. Les hommes sentaient déjà l'ennui de ce genre de procédure. Une mise à mort était bien plus efficace et intéressante !

— Nous avons des preuves, Fabian, répondit calmement Loys comme s'il s'adressait à un enfant en bas âge. Et elles parlent d'elles-mêmes.

Fabian ouvrit la bouche, puis la referma. À croire que ses capacités mentales étaient mises à rude épreuve afin de trouver un contre argument. Mais rien.

— Ces preuves ne valent rien.

Loïse mit un moment à comprendre que c'était Pat qui venait de parler. Ce dernier fixait le sol et le son de sa voix était rauque, presque méconnaissable.

Loïse des VentsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant