Loïse des Vents

Chapitre 12

   — Enchanté, dit Loïse, en tendant la main, je suis Loïs.

Vane empoigna sa main avec force et la serra sans ménagement. Retenant une grimace de douleur, elle se tourna vers Rackham, le quartier -maître.

— Loïs ? Loïs comment ? demanda-t-il.

— Euh... répondit-elle embarrassée, je n'ai jamais connu mon nom de famille.

Rackham hocha la tête d'un air compatissant.

Lorsque Loïse voulut saluer Bonny, cette dernière ne bougea pas d'un millimètre et elle la fixa d'un regard intense, comme si elle voulait s'assurer de quelque chose.

— Anne... commença Rackham. Sois gentille avec le jeune homme, s'il te plait.

Bonny se décida enfin à serrer la main de Loïse, sans cesser de la fusiller du regard.

— Jeune homme, hein... ? marmonna-t-elle de façon à ce que seule Loïse puisse l'entendre.

Le sang de la jeune fille ne fit qu'un tour et elle devint livide. Il lui fallut quelques secondes pour retrouver ses esprits, puis elle adressa à Bonny un regard suppliant dans l'espoir qu'elle ne dénonce pas son véritable genre.

— T'as quel âge ? demanda Bonny sans lui lâcher la main.

— Voyons Anne, dit Rackham, on ne demande pas son âge à une personne qu'on vient de rencontrer !

— La ferme, Jack ! cracha Bonny, qui attendait toujours la réponse de Loïse.

Le capitaine Vane regardait la scène en silence, curieux et intrigué. Tom ne pipa également pas un mot, mais Loïse devina qu'il était en réalité très intimidé par la présence du capitaine et de ses deux bras droits.

— Alors ? insista Bonny.

— Je... J'ai dix-sept ans.

Soudain, la poigne de la femme pirate se desserra et finit par ne presser que très légèrement la main de Loïse. Son regard s'adoucit et on pouvait clairement déceler de la compassion au fond de ses yeux.

Cette preuve de soutien que seules les deux femmes pouvaient percevoir fit monter les larmes aux yeux de Loïse. Juste en l'observant, Bonny avait découvert le secret de la jeune fille. Malgré son apparence rustre et nonchalante, Loïse ressentit toute la commisération de cette femme qui avait compris ses souffrances. Et cela lui réchauffa le cœur, à tel point qu'elle eut bien du mal à ne pas laisser ses larmes couler.

Rackham se racla bruyamment la gorge. Bonny lâcha brusquement sa main et croisa les bras sur sa poitrine. Apparemment, elle n'aimait guère qu'on découvre ses sentiments. Était-ce cela, le secret pour survivre dans un monde interdit aux femmes ? Ne pas montrer ses émotions ?

— Il... Root a été empoisonné selon vous ? demanda timidement Tom.

Loïse refit surface et tourna son regard vers Vane pour écouter sa réponse.

— Ce n'est pas « selon moi », dit-il, c'est évident qu'il a été empoisonné.

— Pourquoi ça ? demanda Loïse.

— Les raisons peuvent être nombreuses, poursuivit Rackham en parlant avec assurance, comme s'il avait longuement réfléchi à la question. Mais la plus probable est sans doute que quelqu'un devait avoir une dent contre lui. Après tout, il était conseiller de Barbe-Noire et il s'agit d'un poste à risque et très convoité, alors forcément...

— Comment ça ? fit Loïse.

Rackham haussa les épaules, comme si cela était évident.