Chapitre 24

2.4K 287 54
                                    

   Depuis que Loys avait chargé Loïse de lui garantir sa place de capitaine, la tension était montée d'un cran à bord. En effet, Loïse autant que Fabian passaient le plus clair de leur journée à essayer de convaincre l'équipage et à s'assurer de leur vote. Vote qui se rapprochait à grands pas. À trop grands pas...

Bien que Loïse ait assuré à son capitaine que la moitié de l'équipage voterait en sa faveur, la victoire n'était plus aussi sûre... Les avis changeaient d'un jour à l'autre et les pots-de-vin allaient bon train. Un service rendu par ici, une dette par là. La donne n'était jamais stable, et cela durait depuis deux longues semaines. Loïse n'avait pas beaucoup dormi, mais elle s'efforçait de garder l'esprit le plus clair possible. L'espagnole était sauve, bien que son séjour aux cachots lui ait fait perdre beaucoup de poids. Mais elle tenait bon, se raccrochant autant qu'elle le pouvait à la vie. Loys n'avait toujours pas décidé de son sort, attendant la meilleure opportunité pour l'échanger contre une rançon ou s'en servir comme assurance au cas où la marine les mettrait à mal. Le capitaine essayait de regagner le respect et le soutien de ses hommes.

Fabian, lui, devenait de plus en plus insupportable, son ego grandissant telle une monstruosité. Cela renforçait la motivation de Loïse d'aider Loys à conserver sa place de capitaine. Le résultat dépendait directement de leur survie. Elle était consciente que Fabian ne la garderait pas longtemps à bord une fois qu'il serait élu. Tout le contraire du capitaine actuel du Vesta, dont le visage palissait à vue d'œil. Ses nerfs étaient à vif et ses réactions devenaient imprévisibles. Un trop plein de stress qui inquiétait Loïse. Elle avait l'habitude d'un Loys fort, autant physiquement et que psychologiquement. Elle ne se souciait pas de son propre avenir, mais de celui de son capitaine.

Enfin, Pat devint très distant vis-à-vis de Loys. Un vent polaire soufflait entre eux. Se doutait-il qu'il avait perdu la confiance de son capitaine ? En tout cas, Loïse ne s'en plaignait le moins du monde.

— Alors ? demanda Loïse à Tom, tous deux assis à une table dans la cale du navire.

— Pas grand-chose malheureusement, soupira celui-ci. Stuart a dit qu'il voterait pour le capitaine mais, de toi à moi, on sait ce que vaut la parole d'un homme comme lui... Il a changé cinq fois d'avis ces trois derniers jours !

Lorsque le bateau tangua, Tom retint la bougie au centre de la table pour ne pas qu'elle tombe. Réflexe de marin.

Des tables sans pied étaient suspendues par des bras de fer accrochés aux poutres de la cale. Les bancs raccordés par dessous tanguaient au rythme de la houle. Au fond se trouvaient les hamacs. À cette heure tardive, Loïse et Tom étaient les seuls éveillés, mis à part l'homme de guet en haut du mât qui attendait avec impatience la fin de son quart.

Loïse réfléchit, la situation était délicate, le vote approchait. Selon ses estimations, Loys et Fabian étaient quasi à égalité, le problème étant que l'équilibre des deux parties était des plus fragile. Il suffirait peut-être d'un seul vote pour faire pencher la balance.

— Il faut que je prenne l'air, finit par lâcha Loïse dans un soupir. J'ai l'impression que je vais devenir fou...

— Tu te surmènes beaucoup trop, remarqua Tom pendant qu'elle montait les escaliers. Tu as vu ta tête ? T'es pâle comme un linge.

Sans prendre la peine de répondre, Loïse continua son chemin. Arrivée sur le pont, elle prit une grande inspiration. C'était vrai. Ces temps-ci, d'imposants cernes sombres se dessinaient sous ses yeux, soulignant encore un peu plus sa mine cadavérique. Malheureusement, elle n'y pouvait pas grand-chose. Bien entendu, le vote jouait un rôle dans son actuelle condition, mais la véritable cause était une fatalité. Face à cela, Loïse ne pouvait s'en prendre qu'à Dieu. Pourquoi a-t-il fallu qu'il fasse autant souffrir la femme, même lorsqu'elle ne donnait pas la vie ? Cela durait depuis maintenant trois jours. Bien qu'elle arrivait à son terme, sa période demeurait toujours extrêmement dangereuse pour garder le secret de son véritable genre. Elle avait dû voler des chiffons dans la cabine du médecin lorsque celui-ci dormait. Lorsqu'ils étaient souillés, Loïse les lavaient dans la cuisine, au beau milieu de la nuit. Seule Julia, la jeune espagnole, était au courant de son manège, la voyant passer devant sa cellule en allant aux cuisines. L'anémie et la peur d'être percée à jour affectaient grandement la santé de Loïse.

Loïse des VentsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant