36.1. Nothing left of us

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MIKA

— Soulève avec moi.

Nous transportons un énorme vase en céramique que monsieur Blanco a commandé pour refaire la décoration du magasin de l'entrée du magasin jusqu'à la petite salle d'attente que nous avons aménagée, Aya, moi et le petit-fils de notre employeur qui doit avoir mon âge. Malgré ma fatigue et mon manque de sommeil, je l'aide de mon mieux avant d'aller chercher les fleurs à l'arrière pour commencer à confectionner un bouquet en silence.

Je détache les muguets de leur enveloppe de plastique en réprimant un bâillement qui allait me décrocher la mâchoire à coup sûr. En frottant d'une main mes yeux qui ne se sont pas fermés depuis des jours, je place les fleurs symétriquement sur le pourtour du vase.
À l'extérieur, Juan, le petit-fils de monsieur Blanco, redémarre son camion pour partir dans la seconde qui suit.

Entre-temps, Aya attache ses cheveux lissés sur sa nuque avant d'enfiler des gants pour manipuler les roses tout en me couvant d'un regard circonspect.

— Tu as fini ton dessin, finalement ?

— Oui.

— Et... tu l'as envoyé ?

J'acquiesce en fermant un instant les yeux, prise de vertige.

Ses mains se posent sur mes épaules et elle me fait pivoter sans sa direction avant de me dévisager avec inquiétude.

— Ça va ? Tu as l'air morte.

Je force un petit sourire et frotte son bras dans un geste que je veux rassurant.

— Je suis un peu fatiguée. Je dors mal, depuis quelque temps.

Elle grimace et m'ébouriffe les cheveux, taquine.

— Liam n'est pas là pour t'aider à dormir ?

Mon cœur se contracte douloureusement au fond de ma poitrine.

— Il est allé assister à un congrès à Londres. Avec l'université. Il revient demain soir, techniquement.

— Bah c'est pas cool, ça ! Commencer 2019 l'un loin de l'autre, ce n'est pas le top.

Je souris légèrement pour toute réponse avant de me détourner pour continuer à aménager le vase et mettre fin à la conversation avant que ça n'aille trop loin. Je suis encore trop inconfortable à dire que Liam et moi c'est fini. Je n'arrive pas à m'y faire et plus ça avance, plus ça me tue à petit feu.

Même nos amis proches ne le savent pas.

Je n'ai pas osé en parler, pas même à Isabelle lorsqu'elle me faisait un soin de visage au salon, hier, et qu'elle déplorait l'état lamentable de ma peau. Elle l'a mis sur le coup du stress, mais n'a pas insisté pour savoir ce qui se passe réellement. Et je l'en remercie.
Parce que si j'en viens au point de lui dire que nous ne sommes plus ensemble, ce sera beaucoup trop réel.

Je ne veux pas y croire maintenant.

Je bâille, exténuée, en poursuivant ma journée de travail comme je le fais habituellement. Je résiste plusieurs fois à la tentation d'appeler Liam pour prendre de ses nouvelles sachant qu'il ne m'a pas appelé depuis qu'il est parti. Je ne sais même pas si son avion est arrivé sain et sauf en Angleterre, je ne sais pas ce qu'il mange, où est-ce qu'il dort, qu'est-ce qu'il fait.
C'est comme lorsqu'il est parti il y a quatre ans et demi. Je ne sais rien à son sujet depuis deux jours.

Mais nous n'avons jamais été aussi loin l'un de l'autre, autant physiquement qu'émotionnellement.

Aya tente de me remonter le moral avec un cappuccino vers quinze heures avant de finir son shift. Monsieur Blanco arrive pour la remplacer une demi-heure plus tard et ne manque pas de remarquer ma tête, lui non plus. Il plante un poing sur sa hanche en me regardant compter l'argent de la caisse, la tête baissée, une main frottant pensivement sa barbichette blanche. Et il va même jusqu'à mettre de la musique et me tirer sur mes pieds pour danser et me redonner de l'énergie. Je ris malgré moi, me laisse faire et des larmes me picotent les yeux lorsqu'il m'embrasse sur le front avec tendresse lorsque le morceau de trois minutes s'achève et qu'il murmure « sonríes » – souris.

Sixty Shades of a Unicorn - T2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant