Epilogue

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Le monde n'a plus de goût. Le monde n'a plus de couleur. Le monde n'a plus d'odeur.

Enfin si. Le monde a le goût de la nourriture infâme de l'hôpital. Le monde est d'un blanc immaculé, un blanc à me rendre fou. Le monde a cette odeur de désinfectant absurde.

Heureusement que mon médecin est là pour moi. Le bon docteur. Le Jésus des profanes.

Il me dit toujours quel médicament prendre quand je vais mal. Oh, bien sûr les gens disent du mal de lui. On le jalouse, et on ne cache même pas cette jalousie. Mais il faut dire que tout le monde dit du mal de ceux que j'apprécie.

Tiens, prenons Jean par exemple. Le monde entier le hait, et ce monsieur Coste lui-même n'en parle plus. Apparemment, ils étaient amis, même plus, mais c'est tout ce que je sais. De toute façon, je ne veux pas en savoir plus. Le monde extérieur est bien trop mauvais pour moi. C'est ce que n'arrête pas de me dire le docteur Leroy, le bon docteur. Et je sais qu'il a raison quand il dit ça.

Il fait de son mieux pour m'aider à surmonter le souvenir de ce jour. Oui, ce jour maudit, où j'ai perdu toute ma raison de vivre. Que s'est-il passé ? Je ne sais plus trop. Il y a eu des coups de feu, du sang je crois, et des plumes éparpillées. Partout des plumes. Partout. C'est tout ce dont je me souviens.

— Alix ? C'est l'heure de vos médicaments.

Ah oui, c'est vrai. C'est le moment où je dois prendre mes petites pilules. Avec elles, fini les ennuis, plus de problèmes, fini le blanc, plus de monochrome effrayant.

C'est mieux comme ça. Et puis au moins, il fait toujours plus agréable autour de moi. Lorsque je prends ces pilules de toutes les couleurs, c'est le monde entier qui prend ces couleurs. Fini le blanc à perte de vue.

Et surtout, surtout, lorsque je les prends, je peux l'écouter. Lui, le beau, le magnifique. Le silence, pur et parfait. Personne ne peut s'en plaindre, il ne fait pas de mal, lui.

Mais je m'égare, le coton qui tue le bruit est de plus en plus épais autour de ma tête. J'aime ça. Dans ces moments-là, il n'y a plus de danger. Plus du tout.Juste le silence.

Aujourd'hui, j'ai rendez-vous avec mon docteur, j'espère qu'il sera content de ce que j'ai à lui dire. J'ai beaucoup réfléchi à ça, mais je sais maintenant que ce sera juste de lui en parler.

Je n'ai pas envie de sortir de là, parce que c'est ici que se trouvent tous mes médicaments. Mais surtout, c'est là que se trouve monsieur Leroy. Je n'ai pas envie de le quitter comme ça.

Les gens ont peur de lui. A cause de sa cicatrice. Moi, je lui trouve beaucoup de charme. Mais mes goûts ne sont pas ceux des autres. J'aime le silence. Juste le silence.

Parce que mon cœur bat pour l'homme à la belle chevelure rousse, je resterai ici. Pour toujours. Pour toujours. Parce que j'aime le bon docteur. Parce que j'aime le silence.

Silence

SilenceWhere stories live. Discover now