Chapitre 17

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Lorsque j'ai ouvert les yeux, elle était là, allongée, les yeux presque sortis de ses orbites. Elle ne bougeait plus, sa langue bleue pendait lamentablement. Et j'ai finalement compris. La lave-savon a encore giclé...

J'ai compris que lorsque Jean reviendrait, il la verrait. Alors, j'ai pris le carnet au sol, celui qu'elle avait pris, et j'ai écrit des mots, mais je ne sais plus lesquels. Ça n'a pas d'importance de toute façon. Il va me haïr, et je retournerai à une vie horrible. Je l'ai bien mérité.

Puis j'ai pleuré. Beaucoup pleuré. Encore une fois, la chose en moi a attaqué. Sans que je puisse y faire quoi que ce soit. Je suis faible... si faible... si faible et ridicule...

Il est là, en face de moi, et pourtant je ne peux pas lever les yeux. Ou je ne veux pas. Ou je ne peux pas. Je n'en ai pas la force. Ni le courage. Ni la volonté. Encore moins l'envie. Alors, je prends conscience une seconde fois de... de ce qu'il s'est passé. Encore une fois, j'ai fait le mal... malgré moi... mais j'aurais pu l'arrêter si j'avais fait un peu plus d'efforts... Je suis le pire... le pire de tous...

Et maintenant, il s'avance vers moi. Qu'est-ce que...

Qu'est-ce que j'ai fait ? Mon Dieu, qu'est-ce que j'ai fait !? Je ne voulais pas, non, je ne voulais pas, c'est arrivé comme ça, sans raison ! Je n'ai jamais voulu ça, je le jure ! Le rouge était plus fort, plus fort que moi, et je ne voulais pas l'étrangler. Mais c'est de sa faute aussi ! Elle le défigurait, le massacrait, l'humiliait, Jean, le beau Jean, cet artiste du goût, ce créateur... Elle le méritait, ils le méritaient tous, tous ! Tous, ces monstres affreux qui détruisent le monde avec leurs mots !

Il se rapproche. Que va-t-il faire ? Par pitié, ne me hais pas, je t'en supplie. Je ne veux pas, je ne le supporterais pas ! Oh Jean, comprends-moi ! Je t'en prie ! Si j'avais été plus maître de moi-même, ça ne serait jamais arrivé ! Crois-moi, je t'en prie ! Je ne recommencerai plus, je te l'assure ! Ah... Pourquoi mes mots ne veulent pas sortir, pourquoi est-ce que cette situation me poursuit jusque-là ! Pourquoi mes mots ne veulent pas sortir pour tout expliquer ? Pourquoi ?

Je vois alors sa main se rapprocher de moi. Pourquoi ? Est-ce pour m'étrangler, comme la lave-savon l'a fait pour cette intruse par terre ? Je sens ses doigts froids décaler quelques-unes de mes mèches pour dégager ma vue.

Veut-il que je le regarde droit dans les yeux pour entendre sa sentence ? Fais-le. Si tu estimes que je dois être puni, brise-moi, casse-moi les membres, arrache-moi les cheveux, arrache-moi les ongles mais je t'en prie, ne me hais pas ! Ta haine me ferait encore plus mal que tout ce qu'on a pu m'infliger jusqu'à présent, et pourtant, je sais que je mérite tout cela, je le sais... Mais... je ne veux pas de cette haine qui me pend au nez... non... je n'en veux pas...

Si seulement tu pouvais te contenter de me punir ! Je sais que j'ai fait quelque chose de mal ! Je le sais bien ! Est-ce que ça suffira ? Est-ce que reconnaitre mes torts pourrait te suffire ?

Pourquoi tiens-tu maintenant mon menton dans le creux de ta main ? Tu me fais lever la tête, et j'évite autant que je le peux tes yeux. C'est trop pour moi. Surmonter ton regard accusateur... c'est beaucoup trop, je n'y arriverai pas, je le sais.

— Je ne sais pas quoi dire... C'est...

Horrible, monstrueux, abominable. Oui, je sais tout cela, je le sais ! Ne le dis pas ! C'est suffisamment clair pour moi ! C'est suffisamment clair pour tout le monde ! Tout le monde !

— C'est ce qu'il fallait faire. Exactement ce qu'il fallait faire.

Pardon ? Qu'est-ce que ça veut dire ? Je... je ne comprends pas... Non, ce n'est sans doute pas ce qu'il a voulu dire... Oui, c'est certain, il a voulu dire tout autre chose, j'en suis certain. C'est certain. C'est certain.

SilenceWhere stories live. Discover now