CHAPITRE 9

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- r a p p r o c h e m e n t -


Le retour au quartier général fut d'une lourdeur sans pareille. Personne n'osa briser le silence qui s'était instauré depuis l'altercation entre Levi et moi. Pas même Auruo et sa langue pourtant si bien pendue. 
J'avais la haine. Ma seule envie, durant plus de trois heures, fut de descendre de mon cheval et d'arracher le Caporal au sien pour en découdre de nouveau.
Impossible de décolérer, mais je n'étais pas stupide non plus. Me frotter à Levi était inconscient, d'autant plus qu'il m'avait déjà bien amoché... Le coquard que je sentais poindre sous mon œil gauche pour en attester.

Lorsque nous arrivâmes enfin au château, le Caporal céda sa monture à un palefrenier et s'éclipsa sans un mot ni même un regard. Peut être s'était-il calmé ?
Quelle abrutie je faisais à oser croire que la tension était retombée lorsqu'un sous officier vint mander ma présence aux quartiers du Major dans les plus brefs délais. Le bougre avait tenu promesse. J'allais en prendre pour mon grade, pour sûr...
Les punitions allaient me pleuvoir sur le coin de la gueule et les sermons s'annonçaient salés...

Face à la grande porte en bois massif, j'hésitai à toquer. J'aurais pu me barrer. Feindre de m'être perdue. De n'avoir jamais croisé la route du sous officier... mais bien vite, la porte s'ouvrît sur le faciès déconfit du Caporal Chef et sur l'air des plus sérieux, presque effrayant, du Major.
Invitée à m'asseoir en face de Smith, je déglutis difficilement avant de prendre place.
Je m'étais visiblement mise dans une belle merde. Restait plus qu'à s'en dépatouiller.
Adossé à la bibliothèque à ma droite, Levi ne me quittait pas des yeux, jusqu'à ce qu'Erwin commence.

- Bon, raconte moi tout.

- J'imagine que le Caporal s'est fait une joie de tout vous dire, Major... Marmonnai-je en lançant un regard oblique au principal intéressé.

- Arrête de faire la maligne, merdeuse. T'es suffisamment dans la merde.

- Il m'a fait son rapport, en effet. Coupa Smith en relevant une paume autoritaire. Mais j'aimerais entendre ta version des faits.

Ma version des faits ? Depuis quand la hiérarchie donnait crédit à ce qu'une pauvre recrue pouvait bien avoir à dire ? Et surtout, depuis quand Smith remettait-il en doute la parole de son cher bras droit ? Ou peut être était-ce tout autre chose?
À ma droite, Levi fulminait de rage. Je pouvais le sentir rien qu'à l'atmosphère qui régnait autour de nous. Rien que par son silence. Sans même tourner le regard vers lui, j'imaginai aisément la contraction de ses mâchoires et le froncement significatif de ses sourcils.

- Je m'occupais de l'entretien de la zone E, commençai-je platement, celle au dessus de la porte extérieure. Nous nous sommes octroyés une pause à cause de la chaleur après quelques heures et c'est là que l'incident s'est produit, Major.

- Abrège. M'interrompit le Caporal. On n'a pas toute la soirée.

- Levi, s'il te plaît.

Le noiraud, probablement agacé d'avoir été remis en place devant la bleusaille, tiqua de mécontentement avant de s'avachir un peu plus contre les étagères de la bibliothèque. De là, il garda le silence et je pus reprendre ma plaidoirie.

- On a entendu du bruit qui venait des plaines. En m'approchant pour comprendre ce qu'il se passait, j'ai vu ces pauvres gars, en bas... Ils avaient pas d'équipement, Major. Juste un malheureux cheval à bout de souffle et une charrette en piteux état...

- Que s'est-il passé ensuite ?

- Rien du tout. C'est bien là le problème... Personne n'a bougé son cul pour aider ces pauvres types. Maugréai-je.

ICE&FIRE [levixReader]Where stories live. Discover now