Chapitre 40 : Sernos, vingt ans plus tôt (1/2)

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Le départ de Dresil laissa un grand vide dans la vie de Deirane. Elle s'était habituée à ses visites quotidiennes. Et le fait de savoir qu'il repasserait un jour, ne serait-ce que pour vendre sa production, ne la soulageait pas vraiment. Elle prit le berceau d'Hester et monta jusqu'à sa chambre. Quand Saalyn inquiète de ne pas la voir venir à son cours vint aux nouvelles, elle la trouva endormie, son fils à son côté.

La guerrière secoua l'épaule de la jeune fille pour la réveiller.

— Tu n'es pas venue, dit-elle simplement.

Deirane se frotta les yeux.

— J'avais pas envie de travailler, répondit-elle, je suis fatiguée.

Saalyn la regarda longuement. Puis elle s'assit à côté d'elle.

— Qu'est ce qui ne va pas ?

— Rien, tout va bien.

La réponse laissa la stoltzin dubitative. Elle réfléchit longuement à la réponse qu'elle allait donner.

— Cela fait maintenant presque cent-quarante-quatre ans que je suis une guerrière libre. À l'époque, quand nous nous sommes lancés dans l'aventure, nous étions la plus petite nation stoltzt. N'importe lequel de nos voisins aurait pu nous écraser comme un insecte sans même y faire attention. Nous devions donc agir avec prudence. Je devais être infaillible dans mon jugement sur l'état de mes hommes, une erreur aurait signifié la mort. Or, je suis toujours vivante et Helaria est toujours là. Je pense donc être capable de voir si quelqu'un va bien ou pas. Et toi, tu ne vas pas bien.

Saalyn posa la main sur l'épaule de la jeune fille.

— Alors dis-moi ce qui ne va pas.

— Je ressens comme un grand poids sur la poitrine, répondit Deirane.

— Oh ! Il s'agit d'un problème de cœur. Tu es bien jeune pour qu'il s'agisse d'une raison médicale. C'est donc sentimental. Je me trompe ?

Deirane ne répondit pas à cette évidence.

Saalyn se leva.

— Je ne sais pas guérir les maux de cœur qui viennent de l'âme. Mais je peux au moins essayer de t'empêcher de broyer du noir.

Elle alla chercher le petit usfilevi d'entraînement qu'elle avait prêté à Deirane quelques douzaines plus tôt. C'en était un sans décorations spéciales, juste une caisse, un manche et ses six cordes.

— J'ai fini ma chanson, tu vas l'avoir en avant première.

Saalyn reprit sa place auprès de la jeune fille. Elle gratta quelques notes dissonantes, accorda rapidement l'instrument puis commença à jouer. Deirane avait déjà entendu Saalyn chanter, elle l'avait même accompagnée à l'occasion, quand la guerrière avait découvert la jolie voix de la jeune humaine. Mais elle n'avait jamais entendu une mélodie aussi bizarre.

Les paroles racontaient la complainte d'une mercenaire de Nayt, le plus puissant royaume sur la Grande Route de l'Est. Un sujet étrange puisque Saalyn n'était ni mercenaire, ni naytaine, elle n'était même pas humaine. Peut-être une amie de la stoltzin.

La chanson terminée, Saalyn regarda son amie dans les yeux.

— Alors ? ton avis ? demanda-t-elle.

— C'est une amie à toi ? demanda Deirane.

— Non, une jeune femme que j'ai arrêtée il y a quelques années. Peut-être la mission que j'ai le plus regrettée. Tu me fais un peu penser à elle.

— C'est à cause d'elle que tu t'es occupée de moi.

— Non, pas du tout. C'était une meurtrière, ce n'est pas ton cas. Et je ne t'imagine pas tuer quelqu'un, même pour sauver ta vie.

La Paysanne (La malédiction des joyaux - livre 1)Tahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon