Chapitre 33 : Sernos, vingt ans plus tôt. (4/4)

105 13 27
                                    


En temps normal, les commerçants s'installaient à l'intérieur de la ville dans les multiples places qu'elle comportait. Les paysans qui vendaient leur production étaient les plus nombreux. Mais en plein milieu de la foire d'été, la plaine était remplie de commerçants venus de tous les coins du monde, représentant tous les peuples – à l'exception des drows – parlant plus de deux douzaines de langues et présentant les productions artisanales les plus diverses. Vingt ans plus tôt, c'est exclusivement à Kushan que se tenaient les grandes foires. Avec le temps, la position plus centrale de sa grande rivale du nord et la sécurité apportée par la puissance de l'Yrian avait fini par avoir la préférence des négociants du continent. Kushan restait cependant un grand centre, grâce au commerce qu'il entretenait avec le continent sud et depuis peu avec les jeunes royaumes montants des bords de la Vunci.

Deirane n'écoutait pas les explications historiques de Volcor. Elle n'avait d'yeux que pour toutes les marchandises étalées devant elle sur des centaines de présentoirs. Avoisinaient des bijoutiers, des cordonniers, des tisserands, des ferronniers, de la vaisselle en verre, en argent, en porcelaine, la soie côtoyait le cuir. Des charcutiers, des fromagers, des négociants en vin, bière ou hydromel présentaient leur production. La jeune fille avait devant elle tout ce que deux continents, produisaient, récoltaient ou exploitaient. Tout sauf les esclaves. Quelques royaumes, comme Orvbel, en faisaient commerce, mais les lois de l'Yrian l'interdisaient. En revanche, les filles de joies pullulaient, surtout à proximité des stands qui servaient de la nourriture et des boissons. Jensen avait déjà amené sa fille au marché d'Ortuin, il lui avait paru extraordinaire à l'époque. En comparaison de ce qu'elle voyait ici, il ne paraissait guère plus qu'un bazar de village.

Deirane s'arrêta devant un étal. Dans plusieurs grands paniers en osier tressé, il y avait des petits objets ronds et durs, classés par taille. Elle se tourna vers Celtis. Elle remarqua alors que le reste du groupe s'était dispersé, la laissant seule avec la stoltzin. Elle ne repéra que Jergen à quelque distance de là, en train d'examiner des bijoux en or. Pour Calen certainement. Encore que la Bibliothécaire n'aimât pas tellement ce genre de frivolités. C'était plutôt destiné à sa nièce Satvia. Elle retourna à ses petites billes brunes et mystérieuses.

— Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-elle.

— Ce sont des fruits secs.

— Des fruits ? Ça se mange ?

— C'est même très bon. Tu n'en as pas chez toi ?

— On ne mangeait que les produits de notre ferme. Nous n'avons pas ça chez nous.

— Si vous voulez, je peux vous faire goûter, proposa le tenancier du stand.

Deirane n'avait pas fait attention à lui jusqu'à son intervention. C'était un jeune homme d'un peu moins de quinze ans, un peu plus grand qu'elle, les cheveux sombres et les yeux de la couleur du ciel. Timidement, elle lui sourit, il l'imita.

— Je ne voudrais pas déranger, dit-elle.

— Vous ne me dérangez pas, au contraire. Je suis là pour vous servir. Je viens de m'installer. J'ai besoin de faire connaître mes produits.

Dans un panier, il prit un fruit ressemblant à une noisette, il le posa sur un espace dégagé devant lui et d'un coup sec l'ouvrit à l'aide d'un petit marteau en bois. Il récupéra l'amande intacte au milieu des débris et la tendit à la jeune fille.

— Vas-y, l'encouragea Celtis.

Deirane prit l'amande et la mangea. Le jeune homme observait le visage de la jeune fille.

— Vous n'aimez pas, conclut-il à son expression, essayons autre chose.

Il prit une noix plus grosse dans un autre panier et l'ouvrit de la même façon. Deirane l'apprécia davantage.

La Paysanne (La malédiction des joyaux - livre 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant