Chapitre 5 : Gué d'Alcyan, vingt ans plus tôt.

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Le chant des oiseaux et l'humidité de la rosée réveillèrent la jeune fermière. Elle était allongée dans l'herbe au bord de la rivière. Elle se releva sur un coude, regarda autour d'elle, ahurie. Les seaux étaient juste à côté d'elle, renversés. Elle se demandait comment elle avait pu s'endormir en allant chercher de l'eau. À l'horizon, le soleil se levait. Malgré la fraîcheur du matin, elle était en nage. Son cauchemar l'avait ébranlée, elle en tremblait encore. Ce rêve la hanterait des jours durant.

Elle se dirigea vers la rivière et se rinça le visage dans l'eau, malgré les risques que cela pouvait représenter. Se touchant les joues, ses doigts rencontrèrent de petites excroissances dures. Elle paniqua. Elle délaça si vite son corsage qu'elle en cassa les lacets. Elle regarda les diamants qui constellaient sa gorge et les fils d'or brodés dans sa chair en proie à la terreur la plus profonde.

Elle resta à sangloter un long moment sur la rive. Puis elle se leva et se mit à courir vers la maison familiale en appelant son père.

Les cris alertèrent Jensen. Il laissa tomber sa fourche et sortit de la grange aussi vite qu'il put. Il avait reconnu la voix. Dehors il vit sa seconde fille, qu'il croyait disparue à jamais, qui se précipitait vers la porte de la ferme familiale, relevant sa robe pour courir plus vite. Il s'élança à sa rencontre. Quand il lui attrapa le bras, elle eut un moment de panique. En le reconnaissant, elle s'effondra contre lui, en larmes. Il la serra farouchement sur lui, comme s'il avait peur qu'on la lui enlève à nouveau. Silencieusement, il remercia les dieux pour ce cadeau. Puis il essaya de calmer sa fille par des paroles rassurantes.

Il voulut la ramener à l'intérieur. Les jambes de la jeune fille ne la soutenaient plus. Il la prit dans ses bras et rentra dans la demeure familiale. Il appela sa femme à grands cris. Elle sortit de la pièce qui leur servait de chambre en maugréant. Voyant Deirane dans les bras de son mari, elle resta un moment figée. Puis elle se précipita sur elle en criant son nom et se mit à la couvrir de baisers. Ses doigts frôlèrent les scarifications sur la joue. Elle remarqua alors les petites pierres incrustées dans la peau.

— Qu'est-ce que ça ? murmura-t-elle.

Totalement effarée, elle suivit les fils d'or et les petits diamants incrustés dans les joues. Ramenant les cheveux sur le côté, elle dégagea le rubis qui ornait le front. Elle s'écarta, la main devant la bouche béant d'horreur. Jensen, découvrant ce tatouage à son tour, serra davantage sa fille contre lui. Daisuren, proche de l'hystérie, se mit à suivre le dessin. Arrivant à la base du cou, elle ouvrit violemment le corsage. Jensen détourna brutalement le regard.

— Suffit femme ! s'écria-t-il. Tu vas déshabiller ta fille devant son père, n'as-tu aucun respect pour son honneur et le mien ?

Elle n'écoutait plus. Jensen chercha à l'écarter, en vain. Même son air furieux n'avait aucun effet sur sa femme, habituellement soumise.

Une voix ferme et douce à la fois se mêla à leurs cris.

— Arrêtez de vous disputer, vous ne voyez pas qu'elle a besoin de tranquillité ?

Cleriance, la sœur aînée de Deirane descendait l'escalier. Elle les rejoignit de la démarche sereine qu'elle adoptait depuis qu'elle était enceinte. Elle enveloppa sa cadette d'un bras protecteur, l'éloignant de la cohue familiale.

— Je m'occupe d'elle, dit-elle, rejoignez-moi quand vous serez calmés.

Quand Daisuren apporta une soupe bien chaude, Deirane dormait. Confortablement installée dans le fauteuil que Jensen lui avait fabriqué quand il avait appris qu'il allait être grand-père, Cleriance veillait. Elle posa le plateau sur la table de nuit.

— Comment va-t-elle ? demanda Daisuren en murmurant pour ne pas la réveiller.

— Elle était totalement incohérente. Elle vient juste de se calmer. Elle dort maintenant, répondit Cleriance.

La Paysanne (La malédiction des joyaux - livre 1)Where stories live. Discover now