21ème Souvenir

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Il rencontra le goût salé des larmes sur ses lèvres, et appuya son baiser, le coeur battant. Il voulait lui donner de quoi oublier. Qu'elle arrête de pleurer...

Il l'embrassait enfin, aussi tendrement que possible et, malgré son appréhension, chercha à montrer par ce geste maladroit qu'il partageait sa souffrance. Quand elle se mit à gémir contre sa bouche, il eut la très désagréable sensation d'être en train d'abuser d'elle dans son état de faiblesse, et se recula immédiatement, honteux d'avoir cédé à ses pulsions.
Mais elle le retint par les pans de sa veste pour enfouir sa tête dans son cou, et il frissonna en sentant leurs deux joues se frôler : sa peau, si chaude, l'avait presque brûlé en effleurant la sienne. Elle murmura au creux de son oreille, d'une voix ébranlée par les sanglots:
- N'arrête pas... S'il-te-plaît...

La détresse qu'il perçut dans ses tonalités finit de lui briser le coeur, et suffit à faire disparaître toute son hésitation : il approcha de nouveau son visage du sien, en la regardant droit dans les yeux, avant de venir déposer de tendres baisers sur chacune de ses lèvres, l'une après l'autre, plaquant sa main droite contre le mur comme s'il avait peur qu'elle ne lui échappe, enfouissant l'autre dans ses courts cheveux blonds. Les doigts d'Adelayd, qui serraient toujours fermement sa cape, tremblaient légèrement, comme si elle avait encore peur qu'il s'en aille, et il appuya son corps contre le sien pour lui signaler très clairement qu'il n'en avait pas l'intention.

Ce rapprochement physique l'électrisa et déclencha au creux de sa poitrine un désir violent : une sensation aussi délicieuse qu'interdite commença à parcourir progressivement chaque pore de sa peau, lui arrachant de légers frissons, et il sentit un appétit féroce et soudain grimper en lui. Il écrasa plus durement ses lèvres contre celles de la jeune fille en tirant inconsciemment ses cheveux vers l'arrière, la gorge soudainement sèche.
Leiftan, arrête-toi...

Mais tous les gestes d'Adelayd lui intimaient, au contraire, de ne pas s'arrêter. Elle serrait toujours fermement le tissu de ses vêtements pour le tirer vers elle, pour l'empêcher de reculer, tout en lui rendant son baiser avec une ardeur bien trop stimulante : son malheur la rendait fougueuse, comme si elle cherchait à évacuer toute sa frustration à travers cet échange charnel. Totalement enivré par sa réceptivité, et conscient qu'il était en train de perdre pieds, il s'autorisa malgré tout à entrouvrir sa bouche sur la sienne, avide de sentir son souffle chaud le pénétrer de part en part. Son parfum... Le goût de ses lèvres...C'était indescriptible. Exquis. Bien mieux que tout ce qu'il avait pu s'imaginer.
Et son corps en voulait plus.

Il exerça malgré lui une pression plus forte sur ses lèvres, haletant soudain contre sa bouche dans une attente abominable : elle finit enfin par les entrouvrir, et il y engouffra subitement sa langue, affamé et curieux, arrachant au passage un nouveau gémissement à la jeune fille ce qui aggrava son état d'excitation. Son pouls s'accéléra de plus belle, et son sang d'Aengel s'agita furieusement dans ses veines : il sentit tous ses muscles se raidir brutalement, et lutta de toutes ses forces pour ne pas perdre le contrôle de son corps.

Il ne voulait pas s'arrêter. Il voulait garder ses lèvres contre les siennes à tout jamais. Cette sensation était si singulière...
Et par vagues, le plaisir continuait à monter bien trop vite en lui.

Elle avait le goût du soleil : ses lèvres étaient sèches et chaudes, et venaient à sa rencontre avec envie. Elle continuait parallèlement à appuyer son corps contre le sien avec une énergie désespérée, et il put rapidement sentir la moindre de ses formes se dessiner contre son torse à travers le tissu de ses vêtements.
Comment résister à ça??

Mais soudain, une douleur vive s'empara de lui, comme une morsure au niveau de l'estomac, et il laissa échapper un grognement insatisfait. Non, pas maintenant...

Son bras, toujours collé au mur, se mit à trembler, et il serra le poing : sa main à la force inhumaine vint s'écraser dans la pierre, et il se rendit compte qu'il préférait prendre le risque qu'elle s'en aperçoive plutôt que de cesser de l'embrasser. Cette intensité, presque douloureuse, cette sensation nouvelle...
Il voulait qu'elle dure longtemps encore.

Mais tout a toujours une fin.

Il était en train de perdre le contrôle, et il le savait.
Il fallait qu'il s'arrête. Maintenant.
Arrête-toi !

La voix de sa propre conscience cherchait en vain à le raisonner, tandis que son démon intérieur, au contraire, l'incitait cruellement à poursuivre, prenait le pas sur ses pensées, et ce combat intrinsèque entre ces deux facettes de lui-même commençait à le rendre fou.
Soumets-la à toi...

Cette pensée désagréable soufflée par ce qu'il abritait de plus sombre au fond de lui le fit rouvrir douloureusement les yeux.
Non, il ne voulait pas la soumettre.
Elle n'était pas son ennemie. Pas encore...
Il ne voulait pas la traiter comme les autres.

Avec le peu de force qu'il lui restait, réalisant soudain combien il était devenu vulnérable à son contact, il utilisa l'appui que lui fournissait son bras droit pour se reculer d'elle, très lentement, en mesurant chacun de ses mouvements de façon à ne pas commettre le moindre impair : il leva brièvement les yeux vers le mur qui lui faisait face, où chacun de ses doigts avaient laissé un trou profond dans la pierre. S'en était-elle aperçue?
Il se désintéressa rapidement de ce triste constat, préférant la regarder à nouveau.

Elle s'était étonnement arrêté de pleurer, et le fixait, les joues en feu, visiblement tout aussi ébranlée que lui par ces sensations désordonnées et chaotiques. Ses yeux étaient toujours humides, comme si elle cherchait à retenir ses larmes.

Il ne supportait plus cette expression de détresse qu'elle affichait, aussi séduisante soit-elle, et lui adressa un regard désolé.
Un regard coupable.
Un regard qui suffit à le trahir...
Et ce fut une terrible erreur.

Elle blêmit soudainement, et ses mains lâchèrent immédiatement sa cape.
- Tu savais...
Il ouvrit la bouche pour répondre, mais sa gorge s'était nouée.
Elle était loin d'être idiote. Elle avait fini par comprendre. C'était inévitable.
Il n'aurait pas pu le lui cacher éternellement, de toute façon.
Sa peau était devenue livide, et son souffle s'accéléra.
Leiftan sentit son coeur se serrer douloureusement dans sa poitrine.
- Tu savais, répéta-t-elle, horrifiée, en se reculant un peu plus.
- J-Je...
Tu quoi? Elle a raison.
Tu savais, et tu n'as rien fait pour la sauver.

Il leva timidement la main vers elle, mais elle le repoussa durement, et il sentit son corps entier se paralyser de dépit.

En quelques secondes, elle passa sous son bras et s'enfuit en direction des escaliers.

Sous le choc, et encore ébranlé par ce baiser, il fut incapable de s'élancer à sa suite.

Fanfiction Leiftan - Lying TrustOù les histoires vivent. Découvrez maintenant