[IronFrost] Le Mirage

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JE SORS ENFIN CE TEXTE ! C'en est un très long que je n'ai pas pu relire donc rip l'orthographe.
ATTENTION ! Mention de traumatismes et de stress post-traumatique, des sujets sensibles.

Deux yeux noisettes s’ouvrirent sur l’étendue orange. Tout autour n’était qu’une couche monochrome de gouache étalée. Les premières sensations qui le parcoururent furent la douleur du crash. Récupérant peu à peu sa vision, il aperçut finalement les bouts de métal éparpillés autour de lui. Il se souvint alors de comment il en était arrivé là sans savoir où il était. Il y avait la présentation réussie, le convoi, la photo avec le militaire, la discussion qui avait suivi, et puis l’explosion, la grotte, la torture, les demandes répétées pour qu’il construise une nouvelle bombe, les terroristes, l’armure qu’il avait finalement construite, Yinsen et ses yeux vides, le feu, la destruction, la mort qui le suivait partout, l’envol, et enfin le crash. Ici. En Afghanistan. Dans le désert.
« Bordel, jura-t-il en se redressant, époussetant le sable de ses vêtements déchirés. »
Lui, le grand Tony Stark, le playboy milliardaire philanthrope et patron de la plus grande entreprise d’armement, était bloqué dans le désert, sans possibilité de se sortir de là vu les dégâts de son armure. Une bouffée d’angoisse lui tordit les entrailles et bloqua sa respiration un instant. Il se concentra sur les restes de fer pour ne pas faire de crise. En plein milieu du sable et de la chaleur étouffante, ce serait fatal.
Tony avait mis de côté quelques pièces qui pouvaient être réutilisées à l’avenir mais il dut se résoudre à laisser le plus gros là, à l’endroit de sa chute. Il ne pouvait pas rester à côté, il mourrait avant qu’on l’ait découvert, et il ne pourrait jamais déplacer un tel tas de métal. La décision fut vite prise et, glissant les bouts dans sa poche, il se mit en route. Le sable était chaud sous ses pieds et il s’y brûlait les mains dès qu’il tombait, ce qui arrivait souvent à cause de toutes ces dunes et de sa propre faiblesse. À mesure qu’il avançait et chutait, des soufflettes apparurent sur sa peau déjà rugueuse grâce au travail manuel. Mais il continuait, sans faillir, avec pour seul but de trouver quelqu’un pour le ramener aux États-Unis. Il savait que, s’il ne gardait pas son objectif en tête, il serrait la proie de la panique et finirait dévoré par elle, donnant son corps au désert et aux charognards. Ce qu’il ne voulait décidément pas.
Après un certain temps de marche, il finit par se laisser faillir sur les grains brûlant, ses jambes ne pouvant plus le supporter. Il regarda droit devant lui : il n’y avait rien. Et impossible pour lui de savoir combien de temps s’était écoulé depuis qu’il avait commençait à marcher. Il n’avait aucune mesure du temps là où tout se ressemblait et aucune ombre ne venait l’aider. Il savait seulement qu’il ferait bientôt nuit à la vue des couleurs rougies que prenait le ciel quand le soleil descendait à l’horizon. Tony avait peur de la nuit. Pas que le noir l’effrayait, mais il ferait un froid glacial, et il n’avait rien d’autre que les vêtements qu’il portait pour se réchauffer. S’il passait cette nuit mais ne trouvait rien le lendemain, il serait certain de mourir. Sa condition ne lui permettrait pas de tenir plus longtemps. Et puis avec tout ça, il y avait aussi les souvenirs qui le hantaient. Ceux de ces fichus terroristes.
Au loin, une forme se dessina alors que l’heure dorée baignait de lumière le désert. C’était un point noir qui se détachait du fond orangé, mais elle restait floue. Stark se releva avec peine et entreprit de rejoindre ce point. Ce n’était même plus sa force qui le portait – il n’en restait rien – mais bel et bien l’espoir d’avoir trouvé une quelconque caravane. Plus il avançait, plus il lui semblait que la forme était loin, mais il ne faillit pas. Quand il vit ses dernières ondulations avant qu’elle ne disparaisse, il retomba net dans le sable qui se rafraîchissait déjà et se prit la tête dans les mains. Un tas de questions assaillaient son esprit et il avait tellement mal au crâne… Tous ses muscles étaient douloureux et sa bouche était sèche. Si ses yeux avaient voulu pleurer, ils n’auraient pas pu.
Il s’endormit là, le sable collant à sa peau recouverte de sueur, incapable de bouger. Son repos fut de courte durée car bientôt le froid de la nuit transperça ses os et le força à se réveiller. Son corps tremblait violemment, ses doigts et ses lèvres devenaient bleus, ses poils se hérissaient sur son corps entier, si bien qu’il essaya de s’enterrer pour se réchauffer. Cela lui permit de se rendormir et de profiter d’un véritable sommeil. Enfin, véritable, c’était sans compter sur son esprit traumatisé par sa captivité et ses cauchemars plus vicieux les uns que les autres. Il se réveilla plusieurs fois, mais se força toujours à se rendormir. D’habitude, s’il avait une insomnie, il serait allé bricoler dans son atelier, mais là, dans le désert, c’était compromis…
Quand il se réveilla pour la dernière fois au petit matin, il y avait de nouveau la tâche noire et floue. Tony fronça les sourcils. Il ne faisait pas encore chaud pourtant, pourquoi les mirages le tourmentaient-ils déjà ? Il se redressa, cligna des yeux, se les frotta, mais l’ombre était toujours là. Il tourna sur lui-même pour regarder au loin, à peine visibles, les montagnes qui l’avaient gardé captif et qu’il fuyait maintenant. Le temps qu’il revienne à la forme sombre, elle avait disparu. Il jura en se relevant, se dégageant du sable chauffant, et décida de repartir. Pendant qu’il marchait, il se parlait à lui-même, faisant état de sa condition, de ceux qui l’attendaient en Amérique, et se répétant qu’il les retrouverait. Sa voix était enrouée et sa gorge lui piquait douloureusement à cause de sa soif grandissante. Il ne rêvait que d’un peu d’eau pour l’étancher et pouvoir continuer à monologuer pour ne pas tomber dans la folie.
À force de marcher, il aperçut quelques maisons au loin. Enfin, c’était plutôt des cases en terres sèches et un peu ce que les habitants avaient pu trouver, mais c’était suffisant pour gonfler le cœur du milliardaire d’espoir. Il accourut jusqu’à la première maison, appréciant l’aménagement des routes, bien que faible, qui l’empêchait de s’enfoncer dans le sol à chaque pas. Il croisa un homme qui gardait des chèvres dans une espèce de cour fleurie. Il s’approcha et observa un instant les animaux en les enviant.
« Salaam alaykum, salua-t-il du peu d’arabe qu’il connaissait. »
L’homme lui répondit des mots qu’il ne comprit pas. Ce dont il était sûr, c’est que ce n’était pas de l’arabe. Un homme plus jeune s’approcha, il ne devait pas frôler la quinzaine.
« Salaam alaykum, sourit-il. »
Tony en profita pour le détailler. Il avait le crâne rasé, de petits yeux transperçant l’âme de sincérité, le nez plat et un large sourire dévoilant des dents plus ou moins blanches.
« Salaam, reprit l’américain en hochant la tête. »
Le garçon lui parla un peu en arabe, mais ne fut pas compris. S’en rendant compte, l’afghan reprit avec des signes. Il montra d’abord le berger.
« Faiz. Hazâragi. »
Il se désigna ensuite.
« Ahmad. Alearabia. »
Il montra ensuite sa langue et Tony comprit : l’homme ne parlait pas arabe, mais le gamin si. Par contre, de là à savoir ce qu’hazâragi signifiait… ce devait être un dialecte. Il acquiesça pour montrer au jeune garçon qu’il avait compris et ce dernier sourit alors.
Le village était effectivement aussi petit que Tony l’avait pensait à première vue. Il n’y avait là qu’une dizaine de maison mais il possédait un puit, donc de l’eau. C’est dans l’une de ces maisons qu’il fut emmené par Ahmad. Faiz les avait regardé partir avec méfiance mais n’avait rien dit. Le garçon se repointa du doigt une fois dans la maison et répéta :
« Ahmad. »
Puis il pointa son invité qui sut qu’il devait se présenter.
« Tony. Tony Stark. »
Le jeune homme acquiesça avant d’appeler sa mère qui était dehors avec deux autres enfants en bas âge. Ces derniers approchèrent avec curiosité de l’homme blanc et prononcèrent quelques mots dans une langue qu’il ne comprit pas, de l’hazâragi sûrement. Pendant ce temps, Ahmad et sa mère discutait, puis la femme s’en alla dans un coin de la pièce fouiller un placard. Stark tourna un regard interrogateur vers son nouvel ami.
« ‘Akl, lui indiqua-t-il en mimant le verbe ‘’manger’’.
-Shukraan, sourit largement Tony en se courbant. »
Riant, le garçon le fit se redresser et lui indiqua un endroit où s’asseoir, qui n’était autre que quelques coussins empilés. Pendant que sa mère préparait un peu de nourriture, il servit de l’eau à son invité qui but d’une traite le premier verre, assoiffé comme il était.
Le plat qui fut servit à l’ingénieur était simple mais il ne lui en mettait pas moins l’eau à la bouche. Ahmad pointa un pain en forme de galette.
« Naan, dit-il. »
Tony essaya de répéter et le garçon acquiesça.
« Shukraan, répéta-t-il. »
Il goûta, apprécia, et mangea à sa faim. Parfois, les deux plus jeunes venaient et essayaient de voler un peu naan – la viande ne semblait pas les intéresser – mais leur mère le leur interdisait. Alors Stark leur en donna un peu à chacun quand elle eut le dos tourné avec un clin d’œil et ils filèrent se cacher. Quand il eut fini de manger, il se sentit considérablement mieux. Il décida alors de faire le tour du village – et ainsi soulager les besoins de la nature.
Les maisons étaient toutes les mêmes, bien que les tailles variaient. De peu, certes, mais elles variaient tout de même. L’américain remarqua un puit et des toilettes sèches où il décida d’y passer sans autorisation. De toute façon, certaines choses devaient être faites. Et se soulager dans les toilettes miteuses d’un village en plein milieu du désert afghan au risque de se faire mordre le cul par un scorpion de la taille de son poing en faisait parti. Les scorpions étaient de sales bêtes. Pendant son tour, Tony salua chaque personne qu’il voyait d’un signe de tête et d’un « Salaam ! » enjoué, de la grand-mère dont on ne distinguait plus les yeux à cause de ses paupières tombantes jusqu’au bambin qui jouait avec la terre à côté de sa mère en train de coudre. Quelques mouches volaient autour du puit et deux enfants s’amusaient à les chasser. Il y avait aussi ce groupe d’adolescents qui, en cercle, parlaient en une langue que Tony ne distingua pas. Et pourtant, il était resté un peu auprès d’eux à écouter les syllabes étranges qui ne ressemblait ni à l’arabe, ni à aucune autre langue que l’étranger connaissait. Il abandonna finalement pour retourner à la maison d’Ahmad et sa famille.
Le garçon se trouvait à l’extérieur, derrière l’entrée qui semblait être celle de l’arrière de la maison. Il avait un mont de pierres à côté de lui et était en train d’en empiler avec une espèce d’enduit . Stark le regarda faire un moment avant de s’approcher de lui et se pencher sur lui, montrant le tas de cailloux. Ils étaient un peu ronds et donc pas très pratiques pour bâtir des murs. Ahmad comprit la question muette et montre l’outil qui devait lui servir à tailler les pierres, brisé un peu plus loin.
« Maksur, précisa-t-il en mimant de casser quelques chose en deux. »
Il fendit l’air de ses deux mains en face de lui, en arc de cercle, pour ajouter qu’il ne pouvait pas le réparer. Tony sortit alors un morceau de métal plutôt tranchant qui, bien qu’il n’avait pas résisté au crash, était tout de même très solide. Il alla récupérer l’ancien outil dont seul la lame était cassé pour récupérer le manche – un manche incurvé qui permettait une prise plus simple pour le travail, un brin grossier – et en un tour de main, il lia les deux parties sous les yeux brillants de son ami. Il ne lui tendit cependant pas l’outil mais vint plutôt près du mur le plus bas et commença à aplatir les pierres. Ahmad comprit ce qu’il faisait et décida de se concentrer sur l’enduit qui avait séché pour le laisser terminer.
Quand Tony releva les yeux de son travail, il aperçut de nouveau le point noir, mais bien plus proche qu’avant. C’était une forme longue et verticale qui ressemblait fortement à un homme d’un mètre soixante-dix environ. Gothique, vu le noir qu’il portait, et le noir de ses cheveux, et est-ce sa peau qui reflétait le soleil ? Il le fixa un moment puis fit signe à son ami qu’il allait revenir pour s’avancer vers le mirage. Il put apercevoir les traits fins et le regard inquisiteur mais surtout incroyablement vert. Le soleil tapait directement dans son iris et le rendait d’une pureté certaine qui aurait relevé de l’innocence s’il n’avait pas l’expression si dure. Mais au fur et à mesure que l’ingénieur avançait, quelques détails le fit tiquer. Le mirage avait de larges cernes autour de ses yeux, le visage creusé, ses longs cheveux noirs en bataille qui lui arrivaient aux omoplates, sa peau mortellement pâle si bien qu’on pouvait y retracer son système sanguin, il avait tout d’un homme exténué en tout sens. Et une certaine folie émanait de lui à la manière dont il se tenait. Il semblait droit, mais ses épaules étaient voûtées, il avait ses mains dans le dos pour paraître nonchalant, mais semblait prêt à partir par la position de ses pieds. Quand Tony arriva à cinq mètres environ de son hallucination, Ahmad l’appela : l’enduit était prêt. D’un signe, il lui répondit qu’il arrivait, et se retourna vers l’homme. Il n’y avait rien d’autre que le sable et, au loin, les montagnes qu’il avait fuies. Soupirant, il retourna à son travail non sans se demander pourquoi bordel il voyait cet homme comme mirage ? Pourquoi ne voyait-il pas Rhodey, Pepper… ou même ses parents ? Ça, il avait encore à l’élucider.
À la fin de la journée, Stark se sentait sale. Il avait énormément transpiré et se trouvait plein de terre et d’enduit, les yeux brûlants appelant au sommeil. Ahmad partagea son repas avec lui et lui montra ensuite une salle de bain précaire. Il y avait une baignoire et une espèce de lavabo. Lui faisant signe de l’attendre, le garçon disparut puis revint avec deux seau d’eau relativement propre. Il les versa dans la baignoire puis disparut en s’inclinant. Dès qu’il eut refermé la porte, le mirage revint à l’américain qui doutait de plus en plus de sa santé mentale. Il ne faisait pas chaud, il était dans une pièce fermée, ce n’était décidément pas un mirage. Peut être que les Six Anneaux avaient fini par avoir sa santé mentale…
Haussant les épaules, Tony se détourna du regard inquisiteur de ce drôle d’inconnu. Il n’avait pas envie de réfléchir à ça, il était trop fatigué… Alors il se déshabilla simplement, ignorant le plus possible son hallucination, avait d’entrer dans l’eau pour se laver réellement, la première fois depuis des mois. Il y avait une petite table à côté du bac de fer sur laquelle il posa la batterie de son cœur à aimant. C’était la première fois qu’il prenait la peine de le regarder depuis sa sortie de cette fichue grotte. La batterie semblait tenir, il en était reconnaissant. Et bien que Yinsen lui ait affirmé que le cache de son cœur était étanche et qu’il l’ait vérifié lui-même après coup, il ne se plongea pas jusqu’à la poitrine dans l’eau tempérée et évita de le mouiller.
Lorsque l’étranger sortit du bain, son hallucination avait disparue. Il décida alors que ce n’était qu’un mauvais tour de son esprit malade et qu’il avait vraiment besoin de sommeil. Ahmad lui montra un lit bancal et lui donna un drap et un oreiller propre pour la nuit. Quelques remerciements plus tard, Tony Stark dormait profondément dans la maison d’un petit village perdu en Orient, à des milliers de kilomètres de son confort et de sa notoriété, et pour lui ce fut un sommeil sans rêve lors d’une nuit sans étoile.
Tony ouvrit les yeux quand sa tête fut hors de l’eau. Il essaya de respirer avant d’y être replongé mais il n’y parvint pas et s’étouffa. L’un des hommes qui le tenait dit quelque chose dans une langue qu’il ne comprenait pas et on le lâcha, le laissant se remettre. Il ne le remercia pas, il savait pourquoi ils ne le tuaient pas et la seule raison pour laquelle il ne s’était pas encore donné la mort, c’était Yinsen qui le regardait dans les yeux. Il lui hurlait « Tu es vivant ! » avec son regard. Et puis soudainement il eut devant lui le corps inanimé de son ami que les terroristes jetèrent à ses pieds. Pris d’une hargne folle, il voulut se jeter sur tous ceux qui se moquaient de lui. « Enfoirés ! » leur criait-il, mais c’était comme s’ils ne l’entendaient pas. Il était attaché, torse nu, et il sentit une sensation gelée contre son corps...
Il ouvrit subitement les yeux en prenant une profonde respiration. La sensation gelée venait d’un courant d’air mais il ne savait pas d’où, comme il n’y avait qu’une porte à la pièce où il dormait. Il était essoufflé, les yeux écarquillés, avait la bouche sèche et les yeux écarquillés. C’était comme s’il était cloué à son lit, il n’arrivait pas à bouger de peur que ce soit une illusion autour de lui et qu’il se trouvait toujours dans la grotte. Il tourna cependant la tête et fronça les sourcils en remarquant la silhouette connue qui le regardait. Il regarda de nouveau le plafond et réussit à se frotter le visage. Ignorant encore son hallucination, il s’assit sur le lit en jurant.
« Vous êtes impressionnant, résonna une voix. »
Stark releva subitement les yeux vers l’homme en noir. Il paraissait toujours plus exténué et toujours plus fou.
« Q-quoi ? bredouilla-t-il, incrédule. »
Il parle ! se dit-il.
« Enfin, votre capacité à m’ignorer est impressionnante, se corrigea l’homme. Je ne suis pas quelqu’un qu’on ignore, Stark. »
Oubliant la sensation désagréable à l’entente de son nom dans la bouche d’un inconnu, le susnommé se leva.
« T’es qui, alors ? demanda-t-il.
-Préférez-vous la version officielle ou personnelle ? interrogea la vision en retour. »
Tony l’inspecta de haut en bas.
« J’ai jamais rien eu d’officiel en moi, répliqua-t-il en haussant les épaules. »
L’homme fit un pas vers lui avec un large sourire et l’américain dut faire un effort pour ne pas s’enfuir à l’autre bout de la pièce parce qu’il était mal à l’aise. Cette… chose le regardait dormir putain.
« Je suis la destruction, siffla-t-elle avec une voix basse et dangereuse, les yeux d’un vert poison. »
Mais Tony ne put s’empêcher de lever les yeux au ciel.
« Je crois que j’aurai plus d’information avec la version officielle, soupira-t-il.
-Très bien. »
L’homme commença à faire les cent pas dans la petite pièce, les mains dans le dos, ne regardant plus Stark.
« Je suis Loki Odinson, prince d’Asgard, fils d’Odin, cracha-t-il comme si le nom de son père avait un goût infect, dieu de la malice, du chaos et du feu, puissant sorcier…
-Comme Harry Potter ? le coupa son interlocuteur. »
Il se prit un regard noir et agacé.
« Ouais, hum, désolé, s’excusa Tony. Mais attends… Odin… c’est pas le dieu de la mythologie slave là ?
-Nordique, le corrigea Loki. C’est cela, mais sachez que nous existons. »
L’autre passa sa main sur son visage avec un soupir fatigué.
« Attends, fit-il. T’es une hallucination, t’es pas réel, mais pourquoi je te vois toi ? »
Le dieu se retourna vers lui et leva un sourcil, l’air pas impressionné.
« Je ne suis pas réel ? répéta-t-il. Vérifiez donc. »
Sans hésiter, l’ingénieur s’approcha et voulut passer sa main au travers de son torse mais il heurta sa poitrine à la place. Il ouvrit grand les yeux de stupéfaction en contemplant sa main qui était juste posée là, sur le torse d’un dieu nordique qu’il voit depuis plusieurs jours. Il était là, réel. Il recula d’un pas.
« Putain, jura-t-il. Ok, c’est trop d’information pour moi là… Bordel mais comment ?
-Soyez plus précis avec vos questions si vous voulez vraiment que j’y réponde, répliqua Loki, agacé.
-Comment ça se fait que tu existes ? répéta Tony. Je veux dire, tu viens de contes et- oh bordel tu m’as vu à poil, réalisa-t-il soudainement. »
L’asgardien eut un rire à ça. Un rire qui vrillait, un rire un peu fou, mais un rire tout de même.
« Vous n’êtes pas le premier que je vois nu, sourit-il. »
Et étonnamment, ce sourire ressemblait moins à quelque chose de psychotique mais plutôt… lubrique, un peu en coin, avec un peu de malice peut être. Et Stark se dit que là, peut être que le dieu avait l’air un peu sympa. Il lança :
« Et tu n’es pas le premier à me mater chéri… maintenant sors de là, je veux dormir.
-Je ne comptais pas m’éterniser, répliqua Loki. »
Et il disparut, ne laissant aucune trace de sa venue. Tony jura encore, est-ce qu’il venait vraiment de flirter avec lui ? Il fallait vraiment qu’il contrôle mieux ce qui sort de sa bouche.
Le lendemain, dès l’aube, Stark rejoignit Ahmad sur le chantier car ils n’avaient toujours pas fini ne serait-ce que les murs. Il ne faisait pas encore chaud, heureusement, et la famille d’Ahmad semblait reconnaissante de son aide, bien qu’ils ne pouvaient pas se comprendre. La langue était la plus grande barrière entre l’ingénieur et les habitants du village, bien que Tony apprenait chaque jour un peu plus grâce à son ami.
« Stark agha, l’appela ce dernier alors qu’ils travaillaient. »
Le susnommé se tourna donc vers lui, se détournant de son travail de lissage des pierres. Ahmad lui montra l’enduit qui avait séché et le seau d’eau vide. D’un geste, l’américain lui indiqua qu’il allait chercher de l’eau, et il s’exécuta. Ce n’était pas la première fois qu’il allait puiser l’eau au puit, il allait chaque fois qu’il pouvait. Parce que, ouais, il était clairement redevable envers la famille d’Ahmad et Faiz. Alors il aidait parfois aussi Sanaubar, la mère, bien qu’ils ne se parlaient strictement jamais. Elle était toujours très effacée et silencieuse, mais ne refusait jamais l’aide de l’étranger, aussi bien pour la cuisine – Tony faisait ce qu’il pouvait – qu’avec les enfants. Enfin, il essayait, surtout, parce que ce n’était certainement pas ses domaines de prédilection. Lui, il était clairement fait pour les travaux qu’il réalisait avec Ahmad. Loki ne se manifesta pas de la journée.
L’ingénieur fut la proie de l’insomnie ce soir-là. Impossible de dormir pour lui, alors il resta assis sur son lit à ne rien faire. Le problème, c’est que quand il ne faisait rien, il pensait trop. Et ses pensées le ramenèrent aux États-Unis et à son ancienne vie. Obadiah, qui l’avait envoyé là-bas, s’inquiétait-il ? Et Pepper, Rhodey ? Le grand public ? Il eut soudainement peur de ne plus rien signifier pour personne là-bas, dans son pays. D’être juste seul. Il mit sa main dans sa poche et tâta les morceaux de métal qui lui restait de son évasion. Son regard se posa tristement sur la batterie, seule chose qui le gardait en vie à cet instant parce qu’il y avait cette présence douloureuse dans sa poitrine, ce shrapnel qui prenait en otage son cœur. Il se demandait combien de temps allait encore tenir cette vieille batterie que Yinsen lui avait équipé en le sauvant.
Alors qu’il s’abandonnait à ces idées, un homme apparut devant lui. Toujours fatigué, toujours fou, son état était de plus en plus préoccupant.
« Tu dois vachement t’ennuyer, chez toi, pour venir me voir aussi souvent, remarqua Tony d’un air pas du tout impressionné.
-Je dois avouer que ma situation actuelle n’est pas très amusante, répliqua Loki, il leva ensuite un paquet de carte. J’ai pensé que vous aimeriez une occupation. »
Il les déploya entre ses doigts.
« Comment ça ta ‘’situation actuelle’’ ? tiqua son interlocuteur. Et tu connais des jeux terriens ? »
Le dieu resta un moment silencieux, en pleine réflexion. Il avait les sourcils froncés et ses yeux perçants étaient fixés sur l’homme en face de lui comme s’il cherchait à lire dans ses pensées. Il dût être satisfait de son observation puisqu’il répondit :
« Je suis… emprisonné, à Asgard. Il me semble que vous jouez à… comment cela s’appelle déjà… le huit américain ?
-Je suis plus partisan du poker mais ouais, je sais jouer au huit américain, répliqua Stark. T’es emprisonné pourquoi ?
-Je n’ai aucun jeton – je crois qu’il en faut, déplora l’alien, nous devrons nous contenter d’autres jeux. Pour une affaire mineure de laquelle ils font trop grand cas si vous voulez mon avis. »
C’était une discussion des plus étranges, aussi bizarres que les apparitions répétées d’un dieu nordique face à un humain déchu.
« Bon, va pour ton jeu, capitula ce dernier. »
Il s’installa dans son lit, se servant de son oreilles comme dossier, et invita Loki à s’asseoir face à lui. C’est ainsi qu’ils jouèrent aux cartes une bonne partie de la nuit, durant laquelle Tony apprit à son mirage un autre jeu de cartes. Au petit matin, il avait disparu et l’ingénieur commença une nouvelle journée de travail.
Ahmad devait se rendre en ville pour se réapprovisionner en quelques ressources car le village n’était pas autonome. Il pria l’étranger de venir avec lui, de l’accompagner dans son vieux Land Cruiser. Tony vit alors l’opportunité de rentrer aux États-Unis, chez lui, donc il accepta.
Si l’américain trouvait qu’il faisait chaud, ce n’était rien comparé à la température élevée à l’intérieur de la voiture. Elle faisait un bruit inquiétant en cahotant sur les pierres des routes de campagne afghanes et ses suspensions semblaient à peine supporter chaque choc. Elle était vraiment vieille et ne devait jamais avoir été réparée par un professionnel, si bien qu’elle tomba en panne sur la route. Les deux hommes en sortirent pour jeter un œil au moteur mais Ahmad ne comprenait pas grand-chose alors que Stark voyait déjà plein de problèmes. Impuissant, le cadet décida d’aller se reposer dans la remorque car lui aussi n’avait pas beaucoup dormi et rouler sur ces routes était éprouvant. Tony se retrouva seul à réparer la voiture, mais heureusement il trouva des outils dans la boîte à gants et des pièces à l’arrière.
« Bonjour Stark, le salua une voix reconnaissable à côté de lui. »
Loki se tenait droit à côté de lui.
« Que dis-tu de m’appeler Tony comme tout le monde ? proposa l’autre sans lever les yeux de son travail.
-Non, répliqua le dieu, tranchant. Stark c’est mieux. »
Ils restèrent silencieux pendant que le susnommé démontait une partie du moteur. Il remarqua que la batterie n’était plus à sa place d’origine et jura vaguement, quelque chose comme ‘’putain de salope de batterie de mes deux’’.
« Vous voulez rentrer aux États-Unis, n’est-ce pas ? devina Loki.
-Ouais, je veux revenir chez moi. C’est sympa l’Afghanistan, mais je n’ai pas de quoi remplacer… quelque chose, se reprit-il en se rendant compte qu’il parlait trop délibérément. »
Encore un silence.
« Savez-vous qui a demandé à ces malfrats de bombarder votre convoi ? demanda simplement l’alien. »
Là, Tony releva la tête d’un coup et le scruta, les yeux plissés.
« Quoi ? finit-il par lâcher. Tu parles des Six Anneaux, les terroristes ? »
Loki acquiesça, le visage lisse de toute expression si ce n’était ses yeux brûlants. L’humain croisa les bras devant lui.
« Je comprends pas, déclara-t-il. Ils ont été payés pour me bombarder ? »
Encore une fois, le dieu acquiesça, puis il s’expliqua :
« Comment vous auraient-ils trouvé sinon ? Cet homme – votre associé je crois – pourquoi vous a-t-il envoyé là-bas ? »
Tony lâcha ses outils.
« Tu veux dire qu’Obadiah m’a vendu à des terroristes ? Pourquoi ?
-Il ne vous a pas vendu, il a payé pour votre mort, corrigea le dieu. Et croyez moi, lui n’est pas triste de votre disparition. »
L’américain le contempla un moment.
« T’es le dieu du Chaos, qu’est-ce qui me dit que tu mens pas pour me monter contre mon associé ? fit-il remarquer. »
Ledit dieu du Chaos sourit à ça.
« Vous pouvez me croire comme vous n’en êtes pas obligé, rétorqua-t-il, nonchalant. Mais je peux peut être vous le montrer… »
Avant que l’ingénieur ne puisse répondre, une image apparut devant lui. C’était celle d’Obadiah, avec Pepper. Il retint son souffle quand elle s’anima.
« Miss Potts, il n’y a plus aucun espoir de retrouver Tony, il faut être réaliste. Nous devons arrêter les recherches.
-Je n’arrêterai pas. Je suis convaincue qu’il est encore en vie. »
Obadiah baissa tristement les yeux et montra à son employée l’explosion du convoi.
« Il était dans l’une de ces voitures, c’est impossible qu’il ait pu survivre. Je ne veux pas que vous vous fassiez plus mal, c’est fini. Il faut continuer et porter Stark Industries en son nom. »
En voyant ça, Tony fulminait. Évidemment, Loki ne pouvait pas avoir si bien imité la manière de parler et de bouger de ses proches, ça devait être réel, mais il ne voulait pas le croire.
Pris d’un vertige, il s’appuya contre la voiture en jurant.
« Comment j’ai fait pour pas m’en rendre compte bordel ? demanda-t-il, énervé contre lui-même mais surtout Obadiah. »
Lui, sa figure paternelle, le grand ami de son père, l’avait trahi et juste tenté de le tuer. Eh bien, il n’y était pas parvenu, et il le paiera.
« Pourquoi tu m’as dit ça ? Pour que je reste ici, en Afghanistan ? C’est juste une raison de plus pour que je parte. C’est soit je reste ici et je crève comme le voulait mon cher associé, lança Stark d’un ton plein d’ironie, soit je retourne là-bas et je me bats pour que ce fils de pute paie !
-Je vous l’ai dit pour que vous soyez au courant et ne retombez pas entre ses griffes, intervint Loki. »
Tony releva vivement la tête vers lui, ne saisissant pas vraiment le sens de ces mots. Et quand il observa le visage de son vis-à-vis, il y avait une certaine bienveillance dans ses traits et une détermination dans ses yeux.
« Ok, c’est le moment des questions, décréta l’humain. Pourquoi tu t’intéresses autant à moi ? Je veux dire, t’es un putain de dieu nordique, alors ok t’es enfermé et tu te fais chier mais sérieusement ? Pourquoi ça ? »
Comme pris au dépourvu, l’alien écarquilla les yeux, se posant lui-même la question.
« Je… crois que c’est… parce que je vous trouve plus intéressant que vos contemporains, hésita-t-il. »
À ça, son interlocuteur ne put que rire. Et Loki semblait plus gêné qu’autre chose, ce qui semblait être un sentiment rare chez lui vu comment il avait l’air d’être en colère contre lui-même.
Tony retourna à la réparation du véhicule, conscient du regard du dieu au-dessus de son épaule mais nullement impressionné. Finalement une main passe devant sa vision et il paniqua en pensant finir étranglé, mais elle ne fit que passer, pointant un réservoir.
« N’est-ce pas ce que vous cherchez là-dessous ? demanda-t-il d’une voix blanche d’émotion et l’ingénieur frissonna à sa pureté si proche de son oreille. »
Il fronça les sourcils en voyant que le réservoir avait été déplacé et mal raccordé ce qui avait causé une fuite expliquant pourquoi il ne pouvait pas rouler à plus de vingt kilomètres heure. Il le déplaça beaucoup trop facilement et vit en dessous des pièces éclatées – on avait forcé pour faire rentrer le réservoir. C’était un miracle que la voiture ait pu rouler jusqu’ici, mais maintenant, ils étaient baisés. Tony jura peut-être un peu trop fort puisqu’alerté, Ahmad se réveilla et vint à lui en se frottant les yeux, demandant silencieusement ce qu’il se passait. Soudainement, Loki avait disparu. Encore.
« Maksur, lança-t-il en se remémorant le mot pour ‘cassé’. »
Le garçon sembla dépité. Il soupira lourdement et montra le chemin pour retourner au village. Stark interpréta ça comme revenir au point de départ, mais il ne voulait pas. Il avait quelque chose à accomplir, une vengeance à exécuter, et elle se trouvait de l’autre côté. Il secoua négativement la tête en montrant l’autre côté, vers la grande ville dont il n’avait pas retenu le nom. Ahmad parut encore plus triste à ça mais haussa les épaules en regardant le sol.
« Wadaeaan, ldhlk, salua-t-il tristement en se penchant en avant. »
Ce qui était horrible, c’est que Tony ne savait même pas comment lui dire adieu alors qu’il sentait qu’il le devait, parce que son cœur se tordait, juste un peu, et que ses yeux devinrent humides. Il en était venu à sacrément l’aimer ce petit, même s’ils communiquaient très peu, et il se sentait un peu mal de le laisser comme ça. Alors, pour la première fois de sa vie, il initia un câlin. Il l’attrapa par les épaules après avoir fait un pas et l’attira contre son torse. Ahmad l’entoura de ses bras et posa son front contre l’épaule de l’américain, se retenant visiblement de pleurer. Stark fut véritablement reconnaissant qu’il ne le fasse pas, il ne savait pas du tout comment gérer. Finalement le garçon recula, reprononça ces mots lointains pour celui qui ne les comprenait pas, et avec une dernière prompte révérence, s’en alla vers son village avec le sac qu’il avait. Tony le regarda partir jusqu’à ce qu’il ne puisse plus le voir.
Lorsque l’ingénieur tourna la tête, il n’y avait que l’étendue déserte et il fut un petit peu déçu, il s’attendait à ce que le dieu revienne. Tant pis, se dit-il en haussant les épaules. Il avait un but, et savait où allait pour s’en rapprocher et c’était tout ce qui importait, alors il se mit en route.
Loki ne réapparut qu’à la tombée de la nuit. Tony avait marché jusqu’au crépuscule, suivant la route défoncée qui menait à la ville.
« Eh bien, sourit-t-il. Le néo-gothique est de retour. »
Ledit néo-gothique fronça des sourcils à l’appellation, ne sachant sûrement pas le sens. Il reprit vite un visage lisse, relativement neutre, si ce n’était son air misérable.
« Je suis à peu près certain que je dois me sentir insulté, remarqua-t-il avec un regard dur.
-C’est plutôt une constatation dans ton cas, démentit Stark en le regardant de haut en bas. »
Loki roula des yeux avant de les reposer subitement sur l’humain quand il lâcha une exclamation indéfinissable, entre la douleur, la peur, la colère et l’angoisse. Il regardait avec consternation la boîte qu’il traînait à sa ceinture avant de l’attraper pour fixer quelque chose, l’air horrifié. Une foule de sentiments se battait sur son visage et ne laissait que plus évidente l’effroi qu’il ressentait.
« Qu’y a-t-il ? s’enquit le dieu. »
Tony ne répondit pas, commençant à respirer lourdement tout en continuant à observer la boîte. Il se laissa tomber dans le sable en la serrant contre sa poitrine qui se soulevait et s’abaissait difficilement.
« Stark, l’appela le néo-gothique, hésitant entre s’accroupir devant lui ou rester debout à une distance respectable. »
Quand des larmes roulèrent sur les joues du susnommé, il opta pour le premier choix.
« Que se passe-t-il ? questionna-t-il de nouveau. »
Seuls des sanglots lui répondirent. Il semblait que l’ingénieur ne l’entendait pas, passant ses mains dans ses cheveux, les agrippant anxieusement. Face à l’attente d’une réponse, Loki se mit à genou dans le sable. Il posa ses mains prudemment sur les genoux de l’humain, le faisant relever la tête.
« Anthony, souffla-t-il, plantant son regard dans celui de Stark, l’air concerné. Il y a un problème. »
C’était plus une exigence d’avoir la vérité qu’une question.
« Je suis juste un idiot, répondit l’autre les mots tremblants. Laisse moi. »
Le dieu retira lentement ses mains, les pressant contre son torse. Il fixa encore l’ingénieur jusqu’à ce que celui-ci ne lui lance un regard dur. Il disparut alors dans une lueur verte, ne laissant que des étincelles de la même couleur.
Tony était recroquevillé dans le sable quand il se réveilla le lendemain. Ses paupières collèrent à cause de ses pleurs. Il fixa la boîte à côté de lui avec des yeux noirs qui auraient pu la faire exploser, cette fichue batterie qui allait bientôt lâcher. Il se redressa et ramena ses genoux contre son torse, réalisant lentement qu’aujourd’hui serait certainement son dernier jour. Et il ne pourrait même pas tuer Obadiah, que la vie était cruelle. Après avoir échappé à un groupe de terroriste surarmé, il allait mourir dans le désert d’Afghanistan d’une panne de batterie. Ce n’était certainement pas ce genre de mort qu’il se réservait et, en regardant vers la ville qu’il pourchassait, il se dit qu’il devait au moins essayer, juste pour avoir la tête de ce fils de pute de Stane sous sa main quand il l’égorgera.
L’humain se leva, le sable roulant le long de son corps là où il y était enfoncé, et trébucha en voulant avancer. Il resta à peine une seconde face contre terre avant de se relever encore et de marcher d’un pas décidé le long de la route déserte. Il tapotait anxieusement la boîte à sa ceinture, essayant de calmer son angoisse avec une respiration lente et profonde mais n’y parvint pas et resta dans cet état de peur.
Tony marchait toujours, le soleil au dessus de lui semblait être au zénith, quand une douleur lancinante lui prit le cœur. Il regarda par réflexe la batterie et inspira bruyamment.
« Elle est vide… murmura-t-il pour lui-même. Bordel ! »
Il la jeta dans le sable, les fils qui le liaient avec se détachant. Pourtant, il voyait déjà au loin la ville, des formes rectangulaires se découpant sur le paysage escarpé de l’Afghanistan. Et il allait crever là, si près de ce qui pourrait le sauver. Il ne pouvait pas se résoudre de mourir là alors il avança plus vite mais déjà son cœur accélérait. L’aimant ne fonctionnait plus, il pouvait sentir le shrapnel s’enfoncer dans sa chair.
« Qualité Stark Industries, se moqua-t-il avec un rire amer. »
Il fit plusieurs mètres ainsi avant de tomber à genou, prit d’une douleur lancinante à la poitrine. Il agrippa sa main au niveau de son cœur tandis que celui-ci se débattait entre ses côtes, comme si battre à folle allure pourrait lui faire échapper l’inévitable. Il sentait la crise cardiaque arriver et se laissa tomber en avant mais n’atteint jamais le sol.
Deux bras fins mais puissants redressaient l’ingénieur mourant. Quand il bascula la tête en arrière, il croisa deux yeux verts vifs et remarqua même les fils rouges qui ondulaient dans l’étendue émeraude.
« Anthony, murmura Loki, vif. Que vous arrive-t-il ?
-La batterie… a lâché… souffla lourdement le susnommé. »
Le dieu le considéra un instant avant de disparaître. L’humain heurta le sable dans un bruit sourd et resta là, son cœur battant follement, sa respiration lourde. Il voyait déjà les étoiles dans le ciel bleu sans nuage, s’en foutant du soleil brûlant ses yeux. Les bords de sa vision s’assombrissait progressivement et il ne savait pas si c’était à cause de sa crise cardiaque ou de sa crise d’angoisse. Une ombre noire revint à ses côtés, un boîtier dans la main, et s’agenouilla au dessus de son torse. Ses lèvres remuaient mais il était impossible d’entendre quoique ce soit pour Tony. Le monde n’était que bruits sourds et alarmes et il se remémora la grotte dans sa chute. Il ferma un peu les yeux, certains qu’il ne les rouvrirait pas, et se laissa tomber hors de lui… Tout ça pour rien. C’était fini.

« Ce n’est pas fini Anthony, réveillez-vous ! »
Cette voix venait de loin, comme si ce n’était qu’un pensée au fond de son esprit. Tony voulut l’ignorer mais il fut violemment secoué.
« Même mort on veut pas me foutre la paix, marmonna-t-il. »
Un soupir fut entendu, loin lui aussi.
« S’il faut que je vous poignarde pour vous prouvez que vous n’êtes pas mort, je le ferai mais par les Nornes Stark, ouvrez les yeux ! s’énerva la voix. »
Les paupières papillonnant, le susnommé obéit puis fronça les sourcils à la forme familière qui se dessinait devant lui.
« Stark ? Je préférai quand tu m’appelais Anthony, lança-t-il. »
La gifle qu’il se prit fut monumentale et lui laissa une large marque. Force de dieu, hein ?
« Bordel, j’ai compris, je suis en vie, pas besoin de me battre, râla-t-il. »
Il y eut une seconde de silence durant laquelle il fut pensif.
« Attends, en vie ? se reprit-il. »
Clignant des yeux, l’humain considéra le dieu devant lui. Il était agenouillé gracieusement sur le sable bien que son apparence était pire encore que la dernière fois. Pourquoi ne l’avait-il jamais questionné là-dessus restait un mystère. L’un de ses yeux tiraient ostensiblement vers un rouge des plus sanguinaires et des lignes bleus striaient son visage, un bleu s’étalant sur le côté gauche de sa mâchoire.
« Imbécile, siffla-t-il. Pourquoi ne l’aviez-vous pas dit plus tôt ?
-Qu’est-ce qu’un dieu qui a plus d’un millénaire peut bien avoir à foutre d’un humain de quarante piges mourant ?
-Mourant, répéta Loki d’un ton dangereusement neutre. »
Tony ne comprenait pas ce qu’il voyait devant lui. Le néo-gothique s’était présenté à lui tout en arrogance et répondant, et il était maintenant quelque chose se rapprochant de vulnérable.
« Loki, l’interpella l’ingénieur en remarquant son regard pensif dirigé vers son aimant, son cœur artificiel.
-Qu’est-ce qui vous tue ? demanda le susnommé sans relever les yeux, posant même une main comme s’il voulait capturer la faible lumière blanche. »
Stark baissa lui-même les yeux dessus et fut surpris de voir qu’il fonctionnait de nouveau, bien qu’il ne devrait vraiment pas si son réveil était quel qu’indice. Il suivit les fils qui sortaient de ce cœur jusqu’à sa batterie et vit qu’elle avait été changée.
« Anthony, l’appela le dieu et cette fois-ci, il le regardait dans les yeux. »
L’humain déglutit en croisant son regard intense. Il s’y perdit quelques secondes quand la main de Loki appuya plus fort sur son torse. Il se décida, face à ces pupilles perçantes mais attentives, à tout lui dire.
« Je suis fabricant d’armes, commença-t-il, trouvant que, eh bien, vu son stress actuel ce n’était pas mauvais. J’en fabrique toute sorte et notamment des missiles. Si j’suis ici, c’était pour présenter ma nouvelle invention. J’étais dans le convoi qui me ramenait à l’aéroport quand un missile est venu l’exploser. Ne dis pas connaître l’ironie avant d’avoir vu ton nom sur l’arme qui allait te tuer. Il m’a pas raté, et maintenant j’ai plein de bouts de shrapnel là, lança-t-il en montrant un endroit sur sa poitrine quelque part entre son cœur biologique et son cœur artificiel.
-Cet objet planté dans votre torse permet qu’ils n’arrivent pas à votre organe, devina le dieu qui l’avait laissé parler en le fixant sans rien laisser paraître. »
Tony acquiesça.
« C’est un aimant alimenté par une batterie, précisa-t-il.
-Celle que j’ai changé, le coupa son interlocuteur. »
L’américain passa sa main dans ses cheveux, se sentant soudainement nu et nerveux.
« Ouais, merci d’ailleurs, sourit-il faiblement. Tu m’as littéralement sauvé la vie. »
Il ne reçut aucune réponse alors que les yeux de Loki étaient redescendus vers l’aimant. Il le contemplait avec une curiosité non-feinte qui attendrit un brin l’humain. L’intérêt vif lui donnait un air un peu plus sain malgré son apparence pitoyable.
« C’est Yinsen qui me l’a installé, expliqua Tony.
-Je l’ai vu, approuva le dieu avant d’ajouter quelque chose à l’air consterné de celui en face de lui. Je vous observe depuis que vous êtes entré dans la grotte, Anthony.
-Euh, ok, accepta le susnommé, ahuri. Un peu bizarre mais je vais pas juger. Bref, l’aimant est plutôt bricolé, je pense que tu as vu qu’on avait pas beaucoup de moyens là-bas.
-J’ai surtout remarqué votre prouesse, Iron Man, sourit le néo-gothique. »
Stark sourit en retour, attrapant son poignet pour éloigner sa main resté sur le cœur artificiel.
« À toi de me répondre maintenant, lança-t-il à voix basse. Pourquoi ta peau devint bleue ? Tu as même un œil rouge…
-Ce n’est pas vos affaires, feula Loki, se braquant immédiatement, vite debout et à trois pas de l’humain comme s’il venait de le frapper.
-Je viens plutôt de t’exposer ma pire faiblesse là, ça mérite une contrepartie, contra-t-il. »
L’immortel resta un moment devant lui, interdit. Il le fixait avec des yeux écarquillés et la bouche pincée de mécontentement. De toute évidence, il n’aimait pas cette situation.
« Une prochaine fois peut-être, offrit-il avant de disparaître. »
Tony se leva pour essayer de le retenir, mais il fut accueilli tête la première par le sable devant lui.
Arriver à la ville qu’il pourchassait depuis plusieurs jours ne fut pas le soulagement que Stark espérait. Le contraste était impressionnant pourtant : il y avait des gens partout, des voitures qui essayaient d’avancer alors que la foule prenait toute la rue, des immeubles hauts et larges où s’entassent des habitants sur les balcons pour s’intoxiquer aux vapeurs des vieilles voitures, du bruit mélangé à la musique, des enfants courants dans tous les sens… quelque chose auquel l’américain était beaucoup plus familier que le calme presque pesant du village, mais quelque chose le gênait. En avançant parmi les gens, étrangers comme natifs, il se rendit compte que ce calme lui manquait justement. Les dernières années de sa vie s’étaient résumées à courir de gala en gala, de conférence en conférence, de pays en pays pour promouvoir la grandeur de son entreprise, marcher dans les pas de son père pour être le parfait petit héritier qu’il avait voulu qu’il soit, le tout contrebalancé par le sexe, la boisson et le jeu. Une existence rapidement consommée, en somme, et il se rendit également compte que cela faisait près de cinq mois qu’il n’avait pas couché, qu’il était sobre, et qu’il n’avait pas touché de près ou de loin à de l’argent. Ce fut un choc pour lui si bien qu’il eut un vertige. Il s’arrêta à côté d’un terrain de sport où des adolescents disputaient une partie de foot, s’adossant au grilles qui l’entouraient. Il regarda un peu la foule comme une mer noire allant et venant jusqu’à ce que son vertige passe puis se retourna.
Les gamins étaient vifs. Un grand avec un t-shirt rouge et or faisait rouler la balle devant lui. Il fit une passe rapide et précise à l’un de ses coéquipiers, plus petit, qui marqua un but, la cage de but étant délimitée par des vestes et des hauts seulement. Les poteaux utilisés normalement étaient entassés dans un coin, brisés. Sûrement que les enfants s’y étaient accrochés au point de les faire céder. La partie reprit quand un garçon d’une quinzaine d’années fit aller et venir le ballon entre ses deux pieds, brouillant l’adversaire à propos de sa prochaine action. Il la passa finalement à quelqu’un derrière qui le dépassa prestement avant de lui repasser. Un joueur de leur équipe fit apparition au milieu de la défense adverse alors qu’un jeune adulte large d’épaule tentait de prendre la ballon. Il réussit à le prendre et l’envoya dans la cage de but devant.
Tony devait regarder cette scène depuis trop longtemps puisque le jeune adulte s’approcha justement de lui et lui parla en arabe. Face à l’expression confuse de son aîné, il répéta en un anglais quasi parfait bien qu’un accent arabe se glissait dans chaque mot :
« Vous voulez venir jouer avec nous ? »
Stark refusa d’abord, mais l’afghan insista.
« Allez, la fille là-bas aimerait jouer, lança-t-il on montrant une jeune ado assise au coin du terrain, tête baissée, si vous venez on pourra faire du six contre six. Puis vous avez l’air envieux, rajouta-t-il avec un sourire moqueur. »
L’américain sourit aussi.
« D’accord, capitula-t-il. C’est une habitude pour vous de demander à de vieux étrangers de jouer au football avec vous ?
-Il y a une première fois à tout, rétorqua le jeune homme en revenant vers les autres enfants. »
L’ingénieur fit le tour du terrain pour rentrer par une porte haute et grillagée. Tous les gamins le fixaient, sans animosité heureusement, exceptée la jeune fille qui ne releva les yeux que lorsqu’on l’appela. On lui lança quelques mots arabes et son visage s’éclaira. Elle se joignit en courant à eux.
La partie fut intense, surtout pour le plus vieux qui n’avait pas joué à ça depuis son lycée, et à la fin ce dernier était essoufflé, assis sur le macadam défoncé du terrain. Le jeune adulte qui l’avait accosté vint s’asseoir près de lui.
« Vous allez rester combien de temps en ville ? demanda-t-il, se doutant que l’américain n’était que de passage.
-Jusqu’à ce que je puisse rejoindre les États-Unis, répliqua Tony. Mais j’ai pas d’argent, j’ai… rien, en fait. Je sais même pas où je vais dormir ce soir. »
L’afghan réfléchit un instant.
« J’ai un studio plus au nord, je pense que je peux vous hébergez jusqu’à ce que vous trouviez l’argent pour un hôtel.
-Je connais même pas ton nom, rit son interlocuteur.
-Je m’appelle Amir Sahin, se présenta-t-il alors. Et vous ? »
Stark le regarda un instant, reprenant son souffle. Il hésitait car cette ville n’était pas un village et cette ville pourrait le reconnaître. Et depuis quelques temps, il n’avait plus envie d’être reconnu.
« Tony Stark. »
Amir lui sourit et tendit sa main pour lui serrer.
« Ravi de vous rencontrer, agha Stark.
-Tu peux m’appeler Tony, remarqua le susnommé. »
Il rendit son sourire au cadet.
Le studio était petit et l’américain fronça les sourcils en ne voyant aucun lit. Il n’y avait que deux pièces : le séjour et la salle de bain. Amir le rassura en transforma son canapé en lit. Et le laissa s’installer en lui disant qu’il devait faire quelques courses mais qu’il reviendrait bientôt. Tony le regarda partir puis se mit à observer son nouvel environnement.
« Spartiate mais fonctionnel, remarqua-t-il pour lui-même, même s’il avait depuis longtemps revu sa définition de spartiate, avec les derniers mois. »
Il resta silencieux ensuite, à moitié allongé sur le lit, se questionnant sur comment récupérer de l’argent. Peut-être pourrait-il proposer son aide en tant que réparateur et constructeur ?
L’américain fut interrompu dans ses pensées par une brise glaciale glissant sur peau. Il s’attendit au frisson qui suivait, en vain. Le froid ne fit que passer, mais il ne l’atteignit pas. Fronçant les sourcils, il se redressa, alerte. Le vent était plus fort et une fine couche de gel était en train de recouvrir le sol. Stark écarquilla les yeux à ce spectacle plus qu’étrange, se demandant si c’était Loki, et si c’était lui qu’est-ce qu’il foutait bordel ? Le susnommé apparut finalement, brièvement, comme un flash devant ses yeux. Il crut avoir rêvé d’abord, mais la forme désordonnée du dieu revint et resta un peu plus longtemps cette fois-ci, laissant à l’humain le loisir de l’observer : sa peau était d’un bleu très pâle comme celui d’un ciel sans nuage. Il avait deux cornes qui lui avaient poussé sur le front et ses yeux étaient d’un rouge vitreux, presque saumon. Il se tenait encore plus courbé que d’habitude, presque accroupi, prêt à se mettre en position fœtal. Tony comprit que quelque chose n’allait pas quand il croisa le regard blessé de son ami – s’il pouvait l’appeler ainsi – avant qu’il ne disparaisse de nouveau. Réapparaissant plus proche de l’ingénieur, il essaya de le toucher mais se téléporta plus loin avant de pouvoir. Stark tendit la main pour l’attraper, convaincu qu’il pouvait le faire, mais il vit alors que le gel avait commencé à grimper le long de son corps comme des murs et des meubles. Le vent formait un tourbillon glacé et de la neige remplaça le gel au sol. Le cœur du milliardaire battait follement dans sa poitrine, le tirant là où les éclats menaçaient de le tuer.
« Loki ! appela-t-il en apercevant son visage une nouvelle fois. »
Mais le dieu ne semblait pas l’entendre, disparaissant et réapparaissant à des endroits improbables.
Plusieurs minutes passèrent à essayer de se toucher quand Loki réussit à rester plutôt stable. Tony attrapa son bras et le serra fort – il fut serré aussi fort en retour. La peau de l’alien ondulait, elle grésillait même, pas loin de s’évaporer d’une minute à l’autre. Sans s’en empêcher, le dieu tira son cadet contre lui et le tint avec toute sa force, manquant de lui briser les os. C’est là que l’humain sentit tout le froid lui transpercer la poitrine et il eut soudainement peur pour son cœur artificiel. Il tenta de se dégager jusqu’à ce que Loki le lâche en s’en rendant compte. Il murmura quelque chose d’intelligible, dans une langue totalement incompréhensible avec des syllabes hachées.
« Loki, qu’est-ce qu’il se passe ? s’enquit l’américain, gardant une main sur la peau glaciale. »
Dans son inquiétude, il ne se rendit même pas compte de la tempête qui faisait rage autour d’eux.
« Ils se sont… rendus compte… de… mes escapades, souffla difficilement le dieu, la mâchoire crispée de douleur.
-Tes escapades ? répéta Tony, ne comprenant pas tout de suite. »
Quand les connexions se firent dans son cerveau, il jura. Loki se mettait clairement en danger à venir le voir, pourquoi continuait-il putain ? Était-il aussi autodestructeur que ça ? Autodestructeur comme lui.
« Putain d’idiot, lui murmura le milliardaire. »
Il n’entendit que son prénom avant que le dieu ne disparaisse pour de bon, laissant le studio dans le même état qu’avant son arrivée précipitée. Toute neige, tout gel et tout vent l’ayant quitté. Seule preuve de sa venue : le corps engourdi de Stark et ses extrémités bleues.
Lorsqu’Amir revint, les deux hommes dinèrent tout en échangeant des banalités.
« J’étudie pour devenir professeur d’anglais ici, à Chéberghân, lança le jeune homme à son invité. J’habite ici depuis que je suis né et je me suis jamais vu autre part. Ce que je préfère, c’est aider les enfants en difficulté, c’est pour ça qu’on me voit souvent jouer au foot avec eux.
-Complètement un boulot pour toi, remarqua son aîné en buvant un peu d’eau. »
Il était détendu avec lui, il ne sentait pas le poids de sa future vengeance sur ses épaules et arrivait même à oublier ces derniers mois. Vint cependant la question redoutée :
« Et vous, vous faites quoi ? »
Tony marqua un temps d’arrêt, ce qui fit hausser un sourcil à son interlocuteur.
« Je ne suis pas sûr que ce soit une histoire que tu as envie d’entendre, rétorqua-t-il en secouant la tête.
-Oh, allez, on a tous des histoires intéressantes à raconter ! insista l’étudiant. La gamine que tu as vue, par exemple, elle s’appelle Zaleh. Elle est orpheline car ses parents sont morts d’une attaque terroriste. Une bombe qui a explosé. »
Oh, ne serait-ce pas la culpabilité qui rampe dans les entrailles de l’américain ? Il jura à voix basse, certain qu’il ne disait ça que pour l’enfoncer.
« Eh bien que tu le crois ou non, continua Amir, elle veut devenir joueuse de football professionnelle. Pas en Afghanistan, sûrement, mais elle repère déjà les clubs, assura-t-il en riant. Elle a pas mal de caractère.
-Elle fera une merveilleuse joueuse, complimenta Stark, sincèrement impressionné par son jeu de plus tôt. »
Après ça, le jeune homme n’insista pas plus que ça sur le passé de l’étranger, ni même ce qui l’amenait ici, comprenant après plusieurs refus que c’était un sujet tabou. Il parla plutôt de sa vie à Chéberghân, son enfance, comment est la ville, les principaux monuments, les manifestations les plus intéressantes…
Après le repas, Tony s’enferma dans la salle de bain. Il décida de prendre une douche bien chaude, secoué par la journée et particulièrement la venue de Loki. Se déshabillant, il entendit quelqu’un psalmodiant des mots incompréhensibles à son oreille mais quand il se retourna, il n’y avait personne. Pourtant le son persistait. La voix était brisée en un murmure rauque glaçant mais l’ingénieur reconnut la voix, ce qui ne fit que hérisser ses poils davantage. Encore une fois il sentit un vent frais sur sa peau qui ne le pénétra pas. Une douce odeur de neige fraîche et de forêt de pins s’insinua dans ses narines et il sentit le goût de la cannelle et du miel sur sa langue. Seule la vue lui manquait, il n’y avait rien d’autre à ses yeux qu’une étendue de carreaux saumon et de tuyauteries plus ou moins usées. Il termina de se déshabiller sans ignorer toutes les sensations vivifiantes qui le prenaient, comme s’il était dans une forêt de Sibérie.
« Je me souviens de la dernière fois que vous m’avez offert ce spectacle, déclara une voix presque mort tant elle était rocailleuse derrière lui. »
L’humain ne sursauta même pas, mais il ne se retourna pas.
« T’apprécies toujours autant ? lança-t-il, amusé. »
Il essaya de ne pas penser trop fort à l’accent que prenait sa voix, roulant les r comme un hispanique.
« Je sais apprécier les belles choses, renchérit Loki. »
Tony ne pouvait pas laisser passer ça. Il se retourna sans une once de pudeur et croisa les bras quand le dieu le détailla de haut en bas.
« Loki, regarde là-haut, ordonna l’américain, arborant un rictus quand le susnommé obéit. Tu vas me dire ce que c’était tout à l’heure ? »
Le susnommé se figea un instant en revenant à ses yeux acérés.
« Comme je l’ai dit, ils se sont rendus compte de mes escapades, répliqua-t-il.
-Alors qu’est-ce que tu fais là ? demanda impatiemment Tony.
-Le suis-je ? lança le dieu et il y avait quelque chose d’étrange dans sa voix, comme de la douleur, mais ce n’était pas quelque chose de physique. »
Pour vérifier, l’américain s’approcha et essaya de passer sa main au travers de son torse, comme la première fois qu’ils avaient eu cette discussion. Il regarda avec horreur sa main enfoncée jusqu’au poignant dans la forme immatérielle de son ami. Il retira vivement son bras, comme brûlé.
« Qu’est-ce qu’ils t’ont fait ? interrogea-t-il immédiatement. »
Loki s’assit sur le rebord de la baignoire avant de répondre :
« Ils ont essayé de me retirer ma magie encore une fois. C’est pourquoi je ne peux pas être là présentement. Mais je la retrouverai, comme la première fois, ce n’est qu’une question de temps et ils le savent. »
Pendant que le dieu parlait, Stark fit couler l’eau dans la baignoire et s’y glissa.
« C’est pourquoi mon apparition était si… chaotique, ajouta l’alien.
-J’ai l’impression que tout chez toi est chaotique Loki, renifla l’ingénieur. »
Le susnommé rit franchement.
« Maintenant explique moi c’était quoi cette forme de… schtroumpf ? ordonna Tony et il n’y avait aucun compromis dans sa voix. »
Il s’était figé quand Loki avait glissé la main dans l’eau, mais il se détendit automatiquement quand il vit qu’il ne faisait que jouer avec le liquide. Il avait l’air pensif.
« Je ne crois pas que cela soit pertinent, refusa-t-il. »
L’américain soupira.
« Tu vois ça ? fit-il en montrant l’aimant. C’est devenu ma pire faiblesse ces derniers mois, et tu la vois à nu devant toi, ce que je ne ferais pas avec n’importe qui.
-Je ne suis pas un asgardien, lâcha le dieu nordique pour point de départ. Je suis un jötunn mais le Père de Toute Chose m’a volé, êtes vous content ? Cette apparence que vous avez vu n’était qu’un monstre qui aurait dû rester terré tout au fond si ce n’est mourir avant d’avoir vu l’aube.
-Donc quand tu n’as plus complètement accès à ta magie tu te transformes en jötunn ? Ça marche comment ? Comme un sort d’apparence, une sorte de masque ? »
Loki écarquilla les yeux aux réflexions de l’humain étonnamment justes.
« C’est cela, acquiesça-t-il. Et si vous avez vu partiellement ma peau bleue et l’un de mes yeux devenir rouge, c’est que je ne pouvais pas assurer complètement le sort. Ils essaient de couper ma magie dans ma cellule, et ils y arrivent partiellement. Me téléporter demande une grande force. »
Tony l’écouta avec attention, retenant tous les détails, et cette écoute réchauffa le cœur du dieu et le conforta dans sa confiance, chose rare. Cependant, l’américain ne semblait pas comprendre quelque chose puisqu’il arborait une expression d’intense réflexion.
« Pourquoi continues-tu de te téléporter à côté de moi, alors ? demanda-t-il. »
L’ase tourna son regard vers lui, semblant légèrement confus. Pendant un instant, l’humain de pu s’empêcher de constater à quel point il avait l’air défait, faible… Son interlocuteur hausse finalement les épaules en détournant les yeux.
« Il n’y a rien à faire en prison. »
Tony baissa le visage sur son eau et voulut répliquer quand il remarqua, en redressant la tête, que Loki avait disparu. Il soupira longuement et décida qu’il avait déjà été bien trop long dans la salle de bain.
Dormir dans le même que quelqu’un d’autre n’aurait pas dû déranger autant Stark, mais ce lit était putain de petit et il n’y était pas habitué. Puis il faisait tellement chaud. Il ne savait pas qu’il pouvait y avoir une telle température de nuit dans le désert afghan et il était des plus sûrs que c’était à cause de la pollution bien plus présente dans cette ville qu’ailleurs. Il eut un petit pincement au cœur en pensant que le village lui manquait, et Ahmad, Sanaubar et ses enfants pleins d’énergie, Faiz toujours très silencieux et humble bien que méfiant… Il tourna la tête vers Ahmad endormi à côté de lui, puis ses yeux se levèrent vers le plafond. Il avait besoin d’air bordel.
Tony se leva et s’approcha de la fenêtre grand ouverte. L’air était lourd mais une légère brise bienvenue rafraichissait sa peau. Il n’avait même pas remarqué qu’elle s’était brunie au soleil, rougissant à quelques endroits. Il n’avait jamais été aussi bronzé, songea-t-il. Un éclair zébra le ciel au loin et une pluie commença à s’abattre, intense, forte. Stark décida de refermer la fenêtre et de retourner dormir, bercé par le bruit de l’orage.
La salle était profondément sombre. Un cliquetis métallique se faisait continuellement entendre au loin, comme un marteau qu’on frappe sans cesse contre une enclume. Il regarda à gauche, puis à droite, sans être maître de ses gestes. D’un coup des pas se firent entendre. Peut être que la lumière était allumée après tout car, après réflexion, Tony sentait une pression sur ses yeux, quelque chose comme du tissu. Rigide et collant, mais la matière était clairement du tissu. Les pas se rapprochèrent et le bruissement d’un vêtement fut juste à côté de son oreille.
« Bonjour, mon prince, railla une voix moqueuse. L’échappée a été belle ? Quel intérêt peut avoir ce petit midgardien pour toi, qui les a toujours méprisés ? »
Il resta silencieux, ne comprenant pas ce qu’il se passe. Ses cheveux furent tirés en arrière et, wow, depuis quand avait-il d’aussi longs cheveux ? On pressa quelque chose de brûlant contre sa joue et il se rendit compte alors d’à quel point sa peau était anormalement fraîche de base. La brûlure était horrible et le fit serrer la mâchoire mais il ne hurla pas.
« Je te ferai supplier, fils de pute, continua la voix. Je te ferai payer pour ta traîtrise prince Jötunn. Un jour, tout Asgard verra, et tout Asgard saura qui tu es vraiment. La question de ton sort ne se posera plus et le Père de Toute Chose te donnera enfin la sentence que tu mérites. »
Il ne parla toujours pas, pourtant il avait envie de crier mille choses. Il comprit peu à peu ce qu’il se passait alors que son esprit se rassemblait, bien que le cliquetis incessant était en train de le rendre fou. La cellule, le garde, ‘’prince jötunn’’, les cheveux longs, il était dans la tête de Loki. Ce n’était même pas un rêve. Énervé, le garde envoya le visage de son prisonnier en avant qui approcha dangereusement du sol…
Ce fut à l’impact que l’américain se réveilla, sans douleur, seulement avec l’angoisse du noir et du bruit et de ce qu’il avait entendu et ressenti. Pourtant, tout lui sembla si lointain. Il avait déjà oublié la douleur de la brûlure et n’avait même pas senti celle de l’impact se résumant à un bruit sourd. Il regarda autour de lui, désorienté, à la recherche d’Amir. Il tomba sur une unique feuille à côté de lui sur laquelle des lettres approximatives lui disaient que son ami était parti en cours et qu’il lui avait laissé un double des clés pour se balader en ville. L’ingénieur en fut immensément reconnaissant et décida qu’après la nuit qu’il venait de passer, il avait vraiment besoin de faire un tour.
La ville semblait être continuellement en effervescence. Elle était toujours remplie de foules et de voitures, d’ânes et de charrettes, un mélange étonnant de la nouvelle et de l’ancienne technologie. Les passants jetaient peu de regard à l’américain qui était pourtant dans un état désastreux avec son visage au de-là de la fatigue, ses joues creusées, ses muscles atrophiés, ses vêtements sales devenus un peu trop grands, ses cheveux longs qui rebiquaient dans tous les sens comme de l’herbe folle et sa barbe hirsute. Ouais, il était vraiment merdique. Et il avait absolument besoin d’exercice, des trucs à réparer, à améliorer, à construire… Il fallait que son esprit travaille et ses muscles également, qu’on lui mette des outils et des plans dans les mains, quelque chose de tangible. Ce fut sa première véritable quête à Chéberghân.
Tony trouva chaussure à son pied quand il croisa un homme penché sur sa voiture. Elle semblait en panne et vu son état, ce n’était pas étonnant. Une palette d’outil était étalée à côté de lui mais il les tenait maladroitement et ne semblait pas savoir quoi faire. S’approchant, l’étranger proposa son aide en anglais mais l’homme fronça les sourcils.
« Maksur ? reprit l’ingénieur. »
L’infortuné acquiesça et s’écarta pour laisser la place à Stark. Celui-ci identifia rapidement le problème et se mit à travailler.
Lorsque l’ingénieur finit, près d’une heure plus tard, l’homme qui somnolait lui donna quelques billets en remerciements et Tony ne fut jamais aussi heureux de sentir la douceur du papier dans ses mains. Après calcul, l’américain conclut qu’il avait gagné deux cents afghanis. Il ne savait pas combien ça faisait en dollars, mais la fierté de recevoir en main propre le pain de son labeur le fit s’éloigner de ce genre de pensée. Et, encouragé dans cette démarche, il continua.
Quand il revint au studio vers quatorze heures, il remarqua qu’Amir était rentré et semblait même l’attendre. Tout heureux, il lui montra ce qu’il avait gagné en réparant un peu de tout : six cents afghanis.
« Cela te fait un peu plus de huit dollars, lui dit l’afghan. »
Là, Tony fut déçu. Il pensait au moins qu’un afghani vaudrait plus que ça. Il demanda immédiatement :
« Il faudrait combien pour un billet jusqu’à New York ?
-De Mazar-ê-Charif, il faudrait plus de mille dollars, calcula l’étudiant. »
Ce fut une déception pour l’étranger. En continuant comme ça, cela lui prendrait près de cent trente jours soient plus de quatre mois pour réunir cette somme. Et il ne savait pas s’il pourrait attendre quatre mois, avec sa batterie, son cœur serait incapable de tenir ! Il se mordit la lèvre en baissant les yeux sur ses mains encore sales et écorchées.
« Qu’y a-t-il ? s’inquiéta le jeune homme. »
Stark ne répondit pas.
« Tu peux me raconter, tu sais, tenta alors Amir. »
Quand l’américain releva le regard, il croisa celui inquiet de son ami. Il ne savait pas pourquoi, cela lui donna un élan de confiance. Alors il lui raconta tout depuis son arrivée en Afghanistan.
Tony n’avait pas pensé que cela serait aussi difficile, raconter son histoire, et le passage de l’emprisonnement en particulier. Il l’avait déjà fait à Loki, mais ça avait été quelque chose de morcelé par les questions emplies de curiosité du dieu. Avec l’étudiant, c’était de l’écoute pure, et même quand les mots mourraient dans la gorge du milliardaire, il attendit. Il ne savait pas si c’était mieux ou non, juste quand il eut fini, il eut à la fois l’impression d’être plus léger que tout mais aussi d’être un poids mort au fond de l’océan. Son cœur battait la chamade, ses mains étaient moites mais il savait que ce n’était pas la chaleur. Il le sentait, si le studio restait silencieux, il ferait une crise d’angoisse. Heureusement, Amir ne lui laissa pas le temps puisqu’il posa une main sur son épaule, le forçant à le regarder droit dans les yeux.
« Je vais t’aider, déclara-t-il, et Tony avait rarement vu autant de détermination dans une paire d’yeux. »
En fait, si, il en avait déjà vu dans les yeux de Loki alors qu’il mourrait. Cette envie de vouloir aider, puissante et en même temps un peu désorientée.
« Comment ? demanda-t-il.
-Tu pourrais essayer au marché : il y a toujours beaucoup de gens qui ont besoin d’aide, conseilla l’afghan. Beaucoup de gens tout court. Avec du bouche-à-oreille, tu récupéreras plus d’argent. Enfin…
-Enfin quoi ? s’agaça Stark à la suite qui ne venait pas.
-Pas dans cette état là. »
Amir regarda son t-shirt en disant cela. En baissant les yeux, il remarqua qu’effectivement, son débardeur sale et troué ne devait pas faire d’envieux. Et c’était pire plus bas.
« J’ai pas d’argent pour acheter des vêtements, fit-il remarquer.
-Je peux t’en prêter tant que tu n’achètes pas des chemises de velours et des costards hors de prix, railla le jeune homme. »
Tony rit à ça, parce que c’était exactement ainsi qu’il s’habillait, avant tout ça.
« C’est pas du tout pratique pour travailler ça, lança-t-il. Je penche plutôt pour un débardeur et un nouveau jean. »
L’étudiant laissa son regard dériver vers les clavicules et la ligne musclée des épaules de son interlocuteur.
« Je pencherai plutôt pour ça aussi, acquiesça-t-il en revenant à son visage. »
Le playboy ravala un sourire et opta plutôt pour le sérieux, ne tenant pas rigueur de cette divagation.
« Mais je ne parle pas arabe, d’ailleurs, déplora-t-il. Comment je vais faire pour démarcher les gens ?
-Tu as fait comment aujourd’hui ? demanda Amir. Tu t’en sortiras, et si t’as un problème, passe à quelqu’un d’autre. J’essaierai d’être là le plus souvent avec toi. »
Stark secoua la tête.
« Non, non, non, je veux pas que tu fasses l’impasse sur tes études à cause de moi, refusa-t-il.
-Je ne suis plus un enfant, Tony, rétorqua son homologue. Je sais me gérer tout seul. »
La bouche du susnommé devint une seule droite mécontente parce que, ouais, il aurait dû y penser. Il sentit même un peu de culpabilité poindre pour avoir ne serait-ce que sous-entendu qu’il n’était pas responsable.
« Pardon, s’excusa-t-il. C’était maladroit de ma part, j’ai pas l’habitude de côtoyer des gens aussi jeunes que toi.
-Les vieux avec les vieux ? se moqua l’afghan.
-Et les jeunes avec les jeunes, ajouta le milliardaire avec un sourire sincère. »
C’était tellement domestique, quelque chose qu’il n’avait pas connu depuis des mois. Il ne parlait jamais à la famille d’Ahmad et très peu à ce dernier à cause de leur problème d’incompréhension et la grotte avec Yinsen n’avait rien de civil même. Là, avec Amir, il retrouvait doucement la vie qu’il avait avant, avec toujours moins d’argent, mais c’était déjà quelque chose de plus proche de New York. Et, ouais, ça lui plaisait totalement. S’il devait vivre les quatre prochains mois ici, à Chéberghân, il était heureux que ce soit en la compagnie d’Amir.

Deux semaines plus tard, Tony avait amassé, avec l’aide de son ami, une centaine de dollars. Ce n’était pas encore suffisant, mais ses ‘’clients’’ se multipliaient comme il commençait à se faire connaître chez les habitués du marché. De plus, il allait régulièrement jouer au foot avec l’étudiant et les enfants du quartier. Ça lui faisait une activité physique, ce qui n’était pas de trop pour son corps atrophié, et puis ces gamins étaient vraiment bon. Surtout Zaleh. Il était quand même heureux de rentrer au studio et s’affaler sur le clic-clac, somnolant, avant de rejoindre Amir à table pour le repas. Un soir, cependant, ce fut différent.
Tony était effectivement affalé sur le canapé, sa tête reposant contre le dossier replié, fixant le plafond, quand il sentit un poids à côté de lui. Il n’avait pas besoin de tourner la tête pour savoir que c’était son colocataire qui s’était assis juste à sa droite. Ce n’était pas habituel mais pas assez étonnant pour le faire tiquer. Après autant de jours passés avec Amir, il avait appris que le jeune homme pouvait être tactile et même sans-gêne parfois. Ce qui fit tiquer l’américain par contre, ce fut les doigts qui vinrent dessiner la ligne de sa clavicule. Il sursauta au fond de lui-même mais ne tourna pas encore le regard, laissant les doigts chauds et doux caresser sa peau. Quand ils glissèrent vers sa poitrine, il s’y risqua tout de même. L’étudiant avait la tête dans sa main, appuyé contre le dossier, regardant avec nonchalance ses mains parcourir la peau de son aîné. Sans gêne effectivement. Sentant le regard posé sur lui, Amir releva les yeux et étudia le visage de son homologue avec un grand intérêt.
« Amir ? tenta Tony qui n’était certainement pas habitué à le voir comme ça. »
Le susnommé approcha son visage en le regardant droit dans les yeux. Stark se mit à fixer ses lèvres, les laissant s’approcher dangereusement. Il pouvait sentir son cœur faire des bonds dans sa poitrine face à l’excitation et l’attente, si bien qu’il fut celui qui referma la distance, goûtant à la bouche douce, ses mains plongeant dans les cheveux courts du jeune homme. Ce dernier passa sa jambe par-dessus la taille de Tony pour s’asseoir à califourchon sur ses cuisses.
« Amir, réessaya le playboy entre deux baisers.
-Oui ? répliqua finalement celui-ci. »
Il appliqua une pression en avançant son bassin en disant cela.
« Putain, lâcha son amant en haletant. »
Amir réitéra son action plusieurs fois, lascivement, passant ses doigts entre les mèches trop longues de Stark.
L’américain ne se souvint même pas du moment où les vêtements volèrent, il y avait juste eux s’embrassant langoureusement sur le canapé et puis ils furent tout à coup nu l’un contre l’autre. Ce n’était vraiment pas pour lui déplaire, le sexe lui avait vraiment manqué et l’étudiant était juste le parfait prétendant. Il apprenait tellement vite les faiblesses de son colocataire, touchant avec habileté et assurance, et c’était un contraste vibrant avec les amants que le milliardaire avait pu avoir par le passé. Il explorait partout, ne laissant pas une seule zone délaissée. Il y avait quelque chose d’urgent en lui, et Tony se demanda depuis combien de temps il attendait ça. Mais il ne posa pas la question parce que les lèvres et les mains d’Amir étaient très douées pour lui voler son souffle, comme tout le reste de son corps, élancé et fort, pressé contre celui plus trapu et vieilli par ses épreuves de l’ingénieur.
« Putain, souffla Stark en sentant les doigts de l’afghan tenir son poignet et l’amener vers son membre. »
Il voulait être touché et, en croisant son regard, l’américain avait absolument envie de lui donner ce qu’il voulait. C’était à la fois une découverte consciencieuse et une rencontre brûlante qui les laissait tous deux le souffle erratiques, étouffant les gémissements dans la gorge et la bouche de l’autre.
La relation entre Tony et Amir s’était renforcée après cet épisode. Il y avait quelque chose d’étrange entre eux. Ils ne se considéraient sûrement pas comme un couple, tout simplement parce qu’il n’y avait pas de sentiments amoureux entre eux, mais il y avait tout de même un certain attachement. Ils étaient plus qu’amis et moins qu’un couple, quelque chose qui n’avait pas de nom. Mais ça leur allait parfaitement. Ils ne se disaient pas tout non plus. Pas qu’ils n’avaient pas confiance mais ils ne trouvaient pas cela nécessaire. Aussi, l’américain ne dit rien quand il vit pour la cinquième fois de la semaine un homme blond, blanc, aux yeux bleus avec une couverture grossière sur la tête le fixant intensément. Il n’avait même pas peur… Pas trop.
Pendant près de deux autres semaines, Loki ne se manifesta jamais. Pas une hallucination, pas une visite, pas un souffle glacial ni même un murmure, le calme plat. Et cela inquiéta un peu le milliardaire. Beaucoup, en fait. Parfois il croyait le voir à certain coin de rue en ville, mais ce n’était rien qu’autant de mirages que son cerveau créait. Si le dieu était là, pourquoi ne serait-il pas venu le voir après tout ?
Au bout d’un mois sans manifestation mystique, Tony commença à angoisser. Il savait où était l’alien, et surtout ce qu’il subissait. Enfin au moins dans les grandes lignes. Et il avait peur qu’il n’ait atteint sa limite car déjà l’ingénieur n’aurait pas pu subir tout ça, il n’était pas un très vieux dieu nordique puissant et endurant comme lui. Et puis il y avait toujours ce blondinet qui le fixait, bien qu’il se faisait plus rare durant les dernières semaines. Stark espéra qu’il se lassait de ce jeu effrayant. Et en même temps il se dit qu’il devrait tenter de lui parler, mais l’homme disparait toujours avant qu’il ne l’atteigne. Amir avait remarqué son malaise, mais à part quelques perches tendues de temps à autre, il n’insista pas. L’américain était catégorique : il ne voulait rien dire. Même s’il était rongé par l’inquiétude, il avait aussi peur d’être pris pour un fou en racontant qu’un dieu nordique lui apparaissait et l’avait même sauvé. On l’avait déjà traité de malade tant de fois, il n’avait pas envie que ça recommence, pas maintenant qu’il avait l’occasion de construire une nouvelle vie, de recommencer de zéro dans un lieu où presque personne ne le connaissait et, quand c’était le cas, l’ignorait. Parce qu’il s’y sentait bien, il ne voulait pas tout foirer.
Les premiers signes de mort de la batterie arrivèrent sous quelques jours, et ce fut une nouvelle angoisse pour l’ingénieur. Là, Amir fut inflexible, il voulait savoir ce qu’il se passait. Et l’expression qu’il arbora quand il sut ne fit que blesser Tony. Il le savait, il ne pouvait rien pour lui. Il fallait simplement qu’il trouve une autre batterie. Ce qui n’était pas chose aisée comme il ne savait pas parler arabe. Et il ne voulait pas mêler son colocataire à ça, une fierté stupidement suicidaire qui avait sa source en sa peur effroyable que quelqu’un ne touche à son précieux cœur artificiel. Si cela ne marchait pas, il ne voulait pas voir non plus la culpabilité du jeune homme. Parce que, eh bien, c’était lui le constructeur d’armes pris dans son propre piège. Une bombe diablement efficace avec son nom dessus.
Stark ne se souvint pas de comment il se retrouva, chancelant, dans la salle de bain du studio mais le fait est qu’il s’y était enfermé et était affalé sur le carrelage. Il respirait lourdement et suait abondamment. Son cœur se débattait entre ses côtes et un goût de sang avait pris d’assaut sa gorge et sa bouche. La batterie était faible et l’aimant n’était plus assez puissant. Au lieu de retenir les échardes, il ralentissait leur progression. La porte fut déverrouillée de l’extérieur et l’américain jura en se redressant, dos à celui qui venait d’entrer. Fait surprenant, la porte fut de nouveau verrouillée derrière l’intrus. Le mourant ne se retourna pas cependant, il ne voulait pas voir la tristesse dans les yeux de l’afghan. Seulement, des doigts glacées se posèrent sur son bras et le forcèrent à faire volte-face.
« Anthony, murmura une voix incroyablement rauque et basse que le susnommé pensait l’avoir rêvée alors qu’il procédait à se retourner, détournant le regard. »
Un détail le fit froncer les sourcils. Amir ne l’appelait jamais Anthony. Relevant le regard, il tomba nez-à-nez avec un mirage, ou du moins il en avait tout l’air. Sa peau ondulait, allant du bleu terne au blanc maladif, ses cheveux noirs étaient tâchés de sang et descendaient sur sa poitrine, ses vêtements étaient sales, il empestait la sueur et l’hémoglobine à la place de sentir bon le sapin et la neige, ses ongles étaient cassés, certains noir de jais, il avait de multiples blessures un peu partout mais, le plus étonnant, c’était ce bandeau où deux tâches rouge sang remplaçaient ses yeux.
« Bordel Loki, qu’est-ce qu’il s’est passé ?! s’exclama Stark. T’étais où pendant tout ce temps ? Tu vas bien ? Oh mon dieu dis moi ce qui est arrivé à tes yeux, et tes mains- »
Il fut coupé par une seule main levée.
« Tu es en train de mourir, encore, constata le dieu et il y avait une réelle tristesse dans sa voix. Pourquoi es-tu si entêté à mourir ? Ne veux-tu pas te venger ? »
Il ne reçut aucune réponse, ce qui ne le surprit pas.
« Dis moi ce que je peux faire, demanda-t-il. »
Tony réfléchit un instant quand un éclair de génie le frappa.
« Ta magie ! s’écria-t-il, et il fut honteux d’avoir parlé si fort. Peut être que ta magie peut être stockée à l’intérieur de la batterie à la place de l’électricité. »
Loki contempla la petite boîte comme s’il l’analysait tel un robot, et l’humain se demanda comment il faisait avec ce bandeau sur les yeux bordel. Il étendit ensuite la main et laissa passer une magie verte à l’intérieur. L’ingénieur sentit l’aimant repartir. C’était aussi simple que ça.
« Huh, ok, tu m’as sauvé la vie, lança-t-il, impressionné, en regardant la main si pâle et terne de son ami. Encore. Merci. »
Le dieu retira sa main comme s’il avait été brûlé, la pressant contre sa poitrine. Il y avait une certaine réserve dans ses actions, dans sa voix, dans ses mots, qui ne plaisait pas au midgardien. Il récupéra la main entre les siennes et s’avança vers l’extra-terrestre.
« Qu’est-ce qu’il y a ? insista-t-il. »
Loki se tendit dans sa poigne, alors il le lâcha. En une seconde à peine, il fut debout, prêt à partir.
« Je ne reviendrai plus interférer dans votre vie, Stark, déclara-t-il froidement.
-Alors quoi ? Tu viens juste me sauver la vie pour me dire adieu ? s’énerva le susnommé. Merde, si c’était pour ça, t’aurais pu me laisser crever. D’autres se seraient occupés d’Obadiah, mais je veux pas encore vivre dans l’angoisse constante.
-Ne pas me voir t’angoisses ? se moqua sans humour le dieu. »
Tony inspira bruyamment pour marquer son mécontentement.
« Évidemment Loki ! Tu as vu ton état ? Enfin, vu- ouais pardon, s’excusa-t-il maladroitement. Mais t’es vraiment merdique, là, alors ouais, je m’inquiète.
-Je ne peux pas revenir, Anthony, lui répondit Loki d’une voix brisée, et ledit Anthony ne savait pas s’il devait être heureux du retour de cette espèce de familiarité entre eux. Je ne peux pas et toi, agaçant midgardien, tu es tout à fait capable de t’en sortir sans moi. C’était une autre époque dans le désert, tu as quelqu’un d’autre sur qui te reposer aujourd’hui. Adieu, Anthony, et puisse l’avenir t’être favorable.
-Attends ! le retint l’américain. Laisse moi te poser une question avant de partir. »
Il croisa les bras après s’être relevé. L’alien le regarda de ces yeux morbides et aveugles.
« Tu peux me montrer tes yeux ? demanda Stark. »
Tout ce qu’il voulait, c’était la vérité. Il avait assez vécu dans le mensonge pour se laisser berner, même une dernière fois, même par le dieu de la Tromperie même. Il n’accepterait pas ça comme adieux sinon. Si jamais il acceptait les adieux tout court. D’un soupir, Loki ôta le bandeau et dévoila une scène d’horreur qui fit grimacer son interlocuteur de douleur.
« Tu contemples le visage du monstre, commenta-t-il. »
Ses yeux n’étaient que deux brûlures noires, ensanglantées et suintantes d’un liquide étrange.
« Bordel, mais pourquoi t’ont-ils fait ça ? questionna l’humain en s’avançant pour toucher les blessures.
-C’est mon châtiment, répliqua le dieu.
-Qu’importe ce que tu as fait, je suis sûr que tu ne mérites pas ça, déclara Tony avec véhémence. »
Sa main descendit sur la joue de son homologue.
« Tu ne me connais pas encore, lança Loki.
-Je crois que je te connais mieux que quiconque, corrigea le milliardaire. »
L’alien se recula d’un grand pas.
« Adieu, Anthony, salua-t-il. Je ne pourrai plus le faire sinon. »
Et avant que le susnommé ne puisse répondre, il disparut.
« Bordel, jura Stark. »
Et avec la douleur de la vue de Loki, il n’avait même pas remarqué à quel point il allait mieux.
En sortant de la salle de bain, Tony resta majoritairement silencieux. Et les jours qui suivirent aussi. Il voyait le regard inquiet de l’étudiant, mais l’ignorait. Il y avait toujours cet homme qui le fixait, mais il l’ignorait aussi. Ce qu’il n’ignorait pas, c’était la douleur dans sa poitrine qui n’était pas due aux échardes. Il n’allait plus jouer au foot avec les enfants du quartier, il passait ses journées dehors, à travailler, et le soir ne prononçait pas un mot. Il était devenu une tombe, un mort-vivant pour lequel on continuait à nourrir quelques espoirs. Même se venger, il l’avait abandonné. Amir essayait, en vain, de le faire réagir.
« Zaleh a demandé où tu étais aujourd’hui, et les autres gamins aussi. Eux aussi s’inquiètent, Tony. »
Il ne reçut aucune réponse.
« Pourquoi t’es devenu si silencieux ? tenta-t-il. Qu’est-ce qu’il s’est passé ? »
Le silence.
« Réponds moi, tu me fais vraiment peur. »
L’américain ne put prononcer qu’un mot, un seul et unique mot qui pourtant semblait l’avoir écorché à vif :
« Loki… »
Le jeune homme fronça les sourcils.
« C’est qui ? demanda-t-il, sautant sur l’occasion, voyant qu’une brèche s’était ouverte. »
Mais son aîné resta muet et ce fut tellement insoutenable pour lui qu’il quitta la pièce.
Une semaine passa ainsi, quand un événement improbable vint jouer en la faveur du destin. Quelqu’un frappa à la porte du studio avec une poigne forte, sur le point de la briser. Quand Amir ouvrit, il vit un homme excessivement grand, avec de longs cheveux blonds noués en une tresse et des yeux bleus perçants. Il semblait bouleversé et demandait à voir ‘’Monsieur Stark’’. Alors l’étudiant, après un moment de réflexion, le laissa entrer.
L’américain ne leva pas les yeux de sa contemplation vide quand l’inconnu entra dans le salon. Il ne bougea pas non plus quand il parla :
« Êtes-vous Anthony Stark ? demanda l’homme dans un anglais parfait. »
A l’entente de son prénom complet, il daigna relever le visage. Personne ne l’appelait ainsi, excepté une… L’inconnu s’éclaircit la gorge.
« Je, hum, je viens vous demander une faveur qui est… plutôt personnelle, indiqua-t-il, et Amir comprit qu’il ferait mieux de rester hors de portée sonore. »
Tony acquiesça, le laissant poursuivre.
« Je m’appelle Thor, dieu du Tonnerre. Je ne suis pas d’ici mais d’Asgard, expliqua ledit Thor, piquant l’intérêt de l’humain. Vous avez déjà rencontré mon frère, Loki.
-Il va bien ? demanda immédiatement l’ingénieur. »
Le dieu fut pris de court par la question.
« Je… n’ai pas le droit d’aller le voir, déplora-t-il, la mine grave. Mais je sais qu’il en vie. On m’a envoyé sur Midgard car l’on savait qu’il se téléportait dans cette région du Royaume, mais si je connais votre nom, c’est parce qu’il vous a appelé.
-Il m’a appelé ? répéta Tony. Pourquoi ?
-Je sais que mon frère est dans un horrible état et je n’ose même pas imaginer ce qu’ils lui font subir, mais le Père de Toute Chose est la justice et il a déjà été clément en ne le châtiant pas à la mort.
-Je crois qu’il aurait préféré mourir, renifla dédaigneusement l’humain. »
Thor le regarda un moment avant de baisser les yeux, honteux.
« Je le crois aussi et ça me fait de la peine. Il est en train de se laisser mourir dans sa cellule, l’informa-t-il.
-Pourquoi tu le sors pas de là si tu l’aimes tant ? répliqua avec sarcasme le milliardaire.
-Je ne peux empêcher la sentence du Père de Toute Chose… »
Tony le regarda avec dédain.
« T’as l’air vachement droit dans tes bottes. Faudrait que t’apprennes à pas faire tout ce qu’on te dit, remarqua-t-il. Je suis certain que tu pourrais le faire sortir de là, si tu le voulais vraiment. Merde, ils ont brûlé ses yeux, lui arrachent sa magie – et je suis pas magicien mais je suis à peu près sûr que c’est horriblement douloureux, le frappent presque à mort, tu as de quoi te révolter ! »
À ça, le dieu resta profondément silencieux, clairement perdu dans ses pensées.
« J’essaierai, ami Stark, lança-t-il avec détermination quand il releva enfin les yeux.
-Et dis lui de me donner des nouvelles, supplia le susnommé.
-Je n’y manquerai pas, sourit chaleureusement le dieu. Merci pour ta sagesse mon ami. »
Il se dirigea vers la porte mais l’américain l’arrêta sur le pas.
« T’étais pas obligé de me suivre pendant des jours, au fait, fit-il.
-Désolé, s’excusa Thor, même si il ne le semblait pas vraiment. Je voulais être certain que c’était vous.
-Arrête de parler de moi comme un élu, se moqua son interlocuteur, captant brièvement l’expression stupéfaite d’Amir sur le seuil.
-Mon frère ne s’attache qu’à peu de gens, vous l’êtes presque, remarqua l’alien avec sérieux. »
Tony se sentit bizarre à ça. Il opta pour hausser les épaules et lui faire signe. L’afghan regarda le blond partir avec le même visage aux traits étonnés.
Une fois que la porte fut fermée, Amir harcela de questions son colocataire. Stark le fit taire d’un signe de main et répliqua :
« Pas tout de suite, s’il te plaît. »
L’étudiant acquiesça et s’assit sur le canapé. D’abord hésitant, l’américain le rejoignit et posa une main sur sa cuisse.
« Désolé pour les derniers jours, s’excusa-t-il. Je t’expliquerai mais… pas maintenant.
-C’est bon Tony, le rassura le jeune homme. Je suis pas une poupée de porcelaine tu sais. »
Un sourire franc étira les lèvres du susnommé.
« J’l’ai jamais pensé, lança-t-il. Mais je sais ce que j’aurai à dire, et ce serait un choc pour n’importe qui. »
L’afghan se tourna vers lui, son regard allant de ses yeux à ses lèvres avant de l’embrasser.
« Tu m’as manqué, sourit-il en tombant en arrière, attirant son amant à lui. »
Tony se laissa délicieusement tomber en agrippant ses hanches et il ne put que se dire à quel point il lui avait manqué à lui aussi.

Thor réapparut deux jours plus tard alors que l’ingénieur était au marché. Le dieu lui avait fait de grands gestes en souriant, toujours couvert de son espèce de couverture, tandis que Tony parlait avec un client. Il conclut un rendez-vous avec l’arabe que lui avait appris Amir avant le de rejoindre.
« Bonjour ami Stark ! le salua affectueusement Thor.
-Salut, sourit le susnommé. Alors, ça avance avec ton frère ? »
À la mention de Loki, l’alien devint grave.
« Je suis entré dans sa cellule hier, avoua-t-il.
-Et ? l’encouragea l’ingénieur. »
Thor attendait un peu avant de répondre, comme s’il cherchait ses mots.
« Il ne pouvait pas me voir, il avait un bandeau sur les yeux, poursuivit-il. On les lui a crevés. Il avait du sang séché partout sur son corps et il était sous sa forme jötunn. Il faisait chaud Stark, et il respirait tellement fort. Il n’a même pas fait attention à moi, mais je sais qu’il m’a entendu entrer parce qu’il murmurait quand je suis arrivé mais dès que j’ai fait un pas, il s’est forcé à parler plus fort. Sa voix était méconnaissable et si je ne savais pas que c’était mon frère, je ne l’aurai pas reconnu. Sa cellule empestait, mais je ne sais pas de quoi. Un mélange sûrement, de sueur, d’excréments, d’urine, de sang, de chair brûlée. Sa peau n’était pas du bleu jötunn, elle était grise. Je sais qu’il avait bien cette forme car il avait toujours ses cornes et ces dessins étranges que j’ai déjà vu sur des géants que j’ai pu affronter. À un moment, il s’est mis à crier, mais sa voix s’est brisée.
-Qu’est-ce qu’il disait ? s’enquit précipitamment Tony comme s’il n’avait rien entendu d’autre du récit. »
En réalité, il avait tout entendu, et déjà son cœur se serrait, mais il lui fallait quelque chose à quoi se raccrocher.
« Je ne suis pas sûr que ce soit pertinent, hésita le dieu.
-Allez ! le pressa son interlocuteur.
-Il disait qu’il voulait mourir, et tuer tout le monde, se lança alors Thor, l’air véritablement blessé. Qu’il voulait déclencher le Ragnarök, la fin des temps, et qu’Aba-Obadi périsse.
-Obadiah, devina Tony à bout de souffle, suspendu aux lèvres de l’autre. Continue !
-Qu’il voulait vous voir, qu’on l’emmène sur Midgard, qu’on l’exile là, il le préférerait. Qu’on l’enterre sous le sable de l’Afghanistan, qu’on lui amène un jeu de carte, qu’il devait s’occuper d’une batterie, qu’il apprendrait le huit américain à quiconque accepterait, qu’il voulait réparer une voiture dans le désert, qu’il se mourrait et si l’on ne l’achevait pas, il le ferait lui-même, ça n’avait pas de sens !
-Qu’a-t-il crié ? demanda l’américain. »
Thor secoua la tête, se mordant la lèvre.
« Il ne vaut mieux pas vous le dire…
-Allez putain ! s’agaça Stark.
-Il a crié deux choses, craqua l’extra-terrestre. Qu’il avait mal, et qu’il vous aimait. »
La mâchoire de l’humain en tomba. Il se pinça l’arrête du nez.
« Attends, attends, tu es sûr de ce que tu dis ? fit-il, incrédule.
-Je l’ai entendu comme je peux vous entendre, acquiesça gravement le blond.
-Bordel, amène moi sur Asgard, déclara Tony spontanément. »
Thor secoua encore la tête.
« Non, je ne peux pas… déplora-t-il. Asgard est réservée aux dieux. Mais je vous promets que j’essaierai de le faire sortir, Stark.
-S’il te plaît, essaie de le faire venir ici, le supplia l’américain. Il ne veut plus venir mais je dois lui parler. »
Le dieu acquiesça.
« Je le ferai, lui assura-t-il. Ne vous en faites pas. Au revoir, ami Stark.
-Je ne m’inquiète pas, sourit ledit ami Stark en donnant une tape amicale sur son bras. À la prochaine Thor. »
Et le dieu disparut bientôt entre les passants. Troublé, Tony reprit néanmoins sa quête d’argent, préférant s’occuper l’esprit avec quelque chose de tangible.
La vie aurait pu continuer tranquillement pour l’ingénieur mais avec deux dieux nordiques dont il devait s’occuper, il ne s’attendait pas à ce que ce soit le cas. Il avait fini par raconter brièvement l’histoire à Amir qui ne cessait de poser des questions là-dessus depuis. Il avait eu l’air de plutôt bien le prendre, pour quelqu’un qui venait d’apprendre l’existence de déités de la mythologie. Et puis un jour, l’étudiant s’était tourné face à un Tony nerveux et avait juste déclaré :
« En fait t’es amoureux d’un dieu. »
Stark s’était étranglé avec l’air et, les yeux écarquillés, s’était exclamé :
« Qu’est-ce que ?!
-Tu tiens vachement à lui, je veux dire. Et il t’as vachement soutenu, c’est normal, sourit Amir.
-Je ne suis certainement pas amoureux de lui, bouda l’ingénieur en croisant les bras. »
Et le jeune homme avait juste ri.
Une semaine passa depuis la dernière venue de Thor quand une brise glaciale secoua l’américain. Il la connaissait, elle annonçait toujours un visiteur improbable. Il se trouvait dans le salon du studio quand cela arriva, Amir étant en train de se doucher dans la pièce à côté. Un corbeau vint se poser sur le rebord de la fenêtre ouverte. Tony s’approcha de lui lentement, fronçant les sourcils en le regardant. Ça, il ne lui avait jamais fait. Il se transforma soudainement en Loki qui trébucha et tomba au sol avec une respiration lourde. Il resta là, reprenant son souffle peu à peu, alors l’humain s’accroupit.
« Ça va ? s’enquit-il immédiatement. »
Le dieu siffla pour lui signifier que, non, ça n’allait pas. Alors Stark l’aida à s’asseoir à terre, mais il ne s’attendait pas à ce que la divinité reste agrippée à ses bras, le tenant étroitement contre lui. Il tremblait terriblement et ses yeux étaient toujours couverts du bandeau. Il était comme son frère l’avait décrit : détruit.
« Je suis là, Lokes, t’en fais pas, le rassura l’américain quand il raffermit sa prise.
-Ils n’ont pas voulu… souffla ledit Lokes. »
Tony fronça les sourcils, ne comprenant pas.
« Pas voulu quoi ? demanda-t-il alors.
-Me tuer, lâcha Loki avec un frisson. Je… les ai supplié, mais ils ne l’ont pas fait… »
L’admettre semblait difficile pour le dieu. Il avait toujours sa fierté malgré toutes ses blessures. Le cœur de l’ingénieur se tordit et il se surprit à avoir terriblement envie de pleurer. Peut être parce que ça ne lui rappelait que trop bien la situation qu’il avait lui-même vécue… Les yeux aveugles de l’alien se braquèrent sur lui quand il déclara :
« Je voulais te voir plus tôt, mais j’avais peur…
-Peur de quoi ? questionna l’humain
-Que tu t’attaches, répliqua Loki. Que, si je venais à mourir, tu en sois blessé. Tu aurais été le seul que je ne voulais pas blesser en mourant. Mais tu m’as tellement manqué… »
Tony rit nerveusement, parce qu’il ne savait pas quoi dire. C’est à ça que ressemblait une déclaration de dieu nordique ?
Alors que l’humain et le dieu se tenaient étroitement, une porte s’ouvrit et quelqu’un entra.
« Merde, pardon ! s’exclama Amir en retournant dans la salle de bain. »
Stark sursauta et se retourna, mais il n’y avait déjà plus personne dans le couloir. Alors il revint à Loki qui semblait le contemplait avec un grand intérêt, la bouche légèrement entrouverte.
« Je me demande, dit-il, quel serait le goût de tes lèvres… »
L’ingénieur gesticula, légèrement mal à l’aise, le cœur tambourinant. Et ouais, peut-être qu’Amir avait raison et qu’il l’aimait, si la chaleur qu’il ressentit alors qu’il était contre le géant du givre était quelque indice.
« Teste, alors, lança-t-il en un murmure. »
Une main caressa sa joue, se griffant à sa barbe hirsute, puis la déité avança la tête, juste légèrement, et l’inclina pour que ses lèvres rencontrent celles de l’humain. Ce dernier se sentit imploser au contact. Il y avait à la fois le froid de sa peau, la chaleur de sa bouche, ses mains sur lui, dans ses cheveux, sous son débardeur, ses lèvres qui se mouvaient lentement, mais ce n’était pas assez. Ils étaient affamés de l’autre, et rapidement leurs langues se rencontrèrent. Mais Tony se recula, haletant, et murmura :
« Qu’est-ce que c’était que ça bordel ?
-Un baiser, n’as-tu jamais embrassé personne avant ? se moqua Loki, retrouvant son humour. »
Son interlocuteur lui donna un coup de poing amical au torse. Une voix retentit alors :
« Je ne veux pas paraître rabat-joie mais vous êtes dans mon studio et j’ai cours demain et j’ai très envie d’aller dormir alors on pourrait, je sais pas, échanger ? Vous allez dans la salle de bain, moi je récupère mon lit et vous pourrez faire toutes les choses que vous voulez tant que vous êtes pas trop bruyant. »
Le dieu foudroya le mur du regard, enfin de ce qu’on pouvait deviner derrière son bandeau, tandis que son amant riait. Il le serra fort et se téléporta dans ladite salle de bain, faisant sursauter Amir. Tony, déstabilisé, tomba sur les fesses.
« Putain, dieu nordique effectivement, jura le jeune homme en quitta la pièce.
-T’aurai pas pu prévenir ? s’énerva Stark pour la forme quand ils furent seuls. »
Loki arqua un sourcil face à lui. C’est dingue ce qu’il pouvait être expressif quand il ne tenait pas tant à garder un visage impassible, même les yeux bandés. D’ailleurs, l’américain le questionna là-dessus :
« Comment vont tes yeux ? »
Le bandeau disparut magiquement pour laisser place à deux plaies en cicatrisation, ce qui soulagea Tony. Il leva la main et tâta du bout des doigts les paupières fermées face à lui. Ce fut à son tour de sursauter quand le dieu papillonna des yeux, les ouvrant pour le fixer. Il avait un œil rouge et un œil vert, encore, mais ils semblaient explosés cette fois-ci, les vaisseaux traversant le globe avaient dû éclater.
« Tu peux voir ? s’enquit l’humain. »
Loki acquiesça. Son interlocuteur toucha le contour de ses orbites avec une fascination morbide et ils restèrent là un moment en silence.
Les minutes s’écoulaient sans que les deux hommes ne les voient passer. Le dieu finit par gesticuler un peu, le corps endolori, et il lâcha en se rapprochant de l’américain :
« Tu m’as tellement atteint…
-Reste, demanda-t-il, suppliant. »
Loki referma la bouche qui ne devint qu’une ligne mécontente.
« Je ne peux pas, répliqua-t-il. Je ne peux pas, tu le sais.
-Juste cette nuit alors, dors avec moi… continua de le supplier Stark. »
Le dieu soupira en signe d’abandon et son amant l’embrassa de contentement. Cela lui arracha un maigre sourire alors qu’il se faisait guider dans la pièce de vie. L’afghan dormait là, sur son clic-clac déplié, ne prenant qu’un tiers du lit. Tony et Loki s’allongèrent sur les deux autres tiers, serrés l’un contre l’autre. L’alien passa un bras autour de la taille de l’humain pour le tenir plus près et cala son menton sur le sommet de son crâne.
« Bonne nuit Loki, souffla l’ingénieur en fermant déjà les yeux.
-Bonne nuit Anthony, sourit le susnommé pour la première fois depuis longtemps. »
Ledit Anthony s’endormit comme une pierre dans ses bras et le dieu ne tarda pas à le rejoindre, plus apaisé qu’il ne l’a jamais été depuis des mois.
En se réveillant, Tony ne s’attendait pas à ce que Loki soit toujours là, et ce ne fut pas le cas. Il fut, en revanche, caresser par une douce brise, comme un bonjour, et ça le fit sourire. Il avait une drôle d’impression dans son estomac et ressentait quelque chose comme de l’euphorie. Amir le croisa avec un sourire en coin en ouvrant le réfrigérateur.
« Quoi ? souffla Stark à son air.
-Vous avez squatté mon lit hier soir, fit mine de se plaindre l’afghan. »
L’ingénieur leva les yeux au ciel et attrapa le lait qu’il lui tendait pour en servir dans les bols qui étaient déjà sortis. Ils déjeunèrent joyeusement tous deux et sortirent ensemble du studio.
Tony accompagna son ami jusqu’à son école avant de se rendre au marché pour sa journée de travail. Malheureusement, elle ne fut pas calme et simple comme il l’aurait espéré. Il se sentait mal à l’aise, comme s’il était suivi, contrastant avec la sensation du matin même. Il eut la confirmation quand il fut poussé dans un cul-de-sac par deux hommes en costard. En se relevant, il se mit en position de combat par réflexe, mais baissa les bras en remarquant son nom sur les badges qu’ils portaient. Il était vraiment dans la merde, à cet instant précis, et commençait à prier pour qu’un certain dieu vienne l’aider. Une sueur froide ondula le long de sa colonne vertébrale quand un homme grand et chauve, bedonnant, arriva à la suite des gorilles. L’américain retint sa respiration sous le choc.
« Évidemment, lança-t-il. Obadiah… »
Forcément qu’il le retrouverait, s’il voulait le tuer. Forcément qu’il se rendrait compte qu’il n’était pas mort, qu’il réessayerait. Et là, Stark n’avait pas d’armure cracheuse de flammes sous la main, il allait devoir s’en sortir seul.
« Tony… soupira Obadiah avec une voix profonde. Pourquoi n’es-tu pas resté dans ta petite grotte ?
-Pour que les Dix Anneaux finissent par me tuer ? Impossible ! s’exclama le susnommé. »
D’un signe de main, le mentor fit reculer ses pantins et s’approcha à la place, enlevant sa veste et retroussant déjà ses manches.
« Comme toujours, je vais devoir m’en charger seul… »
Tony se remit en position de combat et esquiva la première attaque de son adversaire. Il ne fut pas assez rapide sur la deuxième qui arriva presque immédiatement dans son ventre. Obadiah avait le mérite de frapper fort et ses coups étaient précis. S’était-il entraîné pour ce moment ?
L’ingénieur se reprit vite et envoya son point dans le nez de l’autre, le faisant saigner. Il avait senti un craquement sous ses phalanges qui ne lui avait fait que plus plaisir. Avec un sourire en coin, il le nargua :
« C’est tout ce que tu as dans le ventre grand père ? Allez, je m’attendais à un peu mieux… »
C’était sa marque de fabrique, il ne pouvait s’en empêcher… C’était comme demander à la mort de venir le cueillir… et esquiver au dernier moment avant qu’une main ne s’abatte dans sa figure. Il fut soulevé et abattu violemment sur le sol, son dos craquant à l’impact. Il voulut se relever mais on le plaqua au sol, des mains trouvant sa gorge trop rapidement à son goût.
« T’as… rêvé de ça… j’suis sûr.. murmura Tony en cherchant l’air qui ne venait pas. »
En réponse à ça, un sourire fou apparut sur le visage d’Obadiah qui resserra sa prise.
« Tu peux pas savoir, Tony, répliqua-t-il. Depuis qu’Howard est mort… »
La mention de la mort de son père n’aurait pas dû affecter autant le milliardaire mais, eh bien, dans les circonstances actuelles, on ne pouvait pas lui en vouloir d’être nostalgique. Nostalgique d’un temps où il n’avait pas d’entreprise à faire tourner, où ses parents, malgré leur absence, restait une présence vivante dans son esprit, où il lui semblait que l’ami de son père était plus un père que le sien. Mais, au moins, Howard n’avait jamais tenté de l’anéantir.
Tony ferma les yeux en se sentant partir mais au lieu de sombrer dans l’inconscience, il sentait au contraire l’air emplir ses poumons. Le poids sur lui s’était retiré en un fracas effroyable si bien qu’il n’osa pas rouvrir tout de suite les yeux. Sa curiosité était trop grande cependant, et il risqua un œil. Obadiah gisait contre le mur, l’air assommé.
« Loki ? se demanda l’américain. »
En tournant la tête, il eut sa réponse, mais il ne s’y attendait pas. Au lieu de cheveux noirs et d’une peaux bleue-blanche, il avait devant lui une chevelure blonde au dessus d’un homme large et bronzé.
« Thor ! s’exclama-t-il en se redressant. »
Bien qu’il ne ressemblait pas tout à fait à ce qu’il avait connu du dieu du Tonnerre, il restait reconnaissable. Il avait son armure, cette fois-ci, et un marteau duquel des éclairs rejoignaient le sol pendait au bout de son bras. Il avait le regard dur vers l’homme à terre plus loin mais bientôt son expression s’adoucit, rayonnante, en arrivant à Tony.
« Ami Stark, vous êtes en vie ! rit-il. J’ai cru ne pas arriver à temps !
-Merci Thor, le remercia le susnommé. Je te dois une fière chandelle là…
-C’est mon frère qui m’a prévenu de… cet événement fâcheux, avoua le dieu. Je ne suis qu’envoyé par lui. »
Stark écarquilla les yeux.
« Il n’était pas assez fort pour venir vous aider, rétorqua le blond avant que l’humain ne puisse formuler sa question. »
Il aida son ami à se relever.
« Il en est désolé d’ailleurs, continua-t-il.
-Je te dois quelque chose, vraiment, déclara l’américain. Je vais te payer un verre, tu connais la bière ? »
Thor secoua négativement la tête.
« Tu vas m’adorer, rit Tony. »
Un grognement étouffé coupa court à la joie du moment.
« Attends une seconde, j’ai quelque chose à régler, intima l’ingénieur à son ami.
-Faites donc, acquiesça ce dernier. »
Son interlocuteur s’approcha d’Obadiah et attrapa son crâne dans sa main. Il tourna son visage vers lui, lui cracha dessus, et lança froidement :
« Va en Enfer. »
Il enfonça un morceau de métal qu’il avait toujours dans sa poche dans le cœur de son mentor, regardant les yeux convulser puis devenir vide de vie avec une satisfaction effrayante. En se relevant, il reprit un sourire en se tournant vers le dieu qui le lui rendit.
« Donc, la bière, reprit-il en l’emmenant hors du cul-de-sac. »
Et ils laissèrent le corps là, car c’était tout ce qu’il méritait selon Stark.
Tony avait eu raison, Thor adorait la bière. Toute la soirée, il lui en avait chanté les louanges, la comparant sans cesse à l’hydromel qu’il buvait traditionnellement à Asgard. Il lui raconta aussi ses premières visites sur Terre et tout ce qu’il s’était passé avec son frère, mais ne s’attendait visiblement pas à la conclusion que tira son nouvel ami.
« Donc… ton frère a essayé de t’éloigner du trône alors que tu voulais déclarer la guerre à Jötunnheim, a essayé de prouver à ton père que, malgré son ascendance jötunn, il pouvait être un bon asgardien en tuant le roi de Jötunnheim et en essayant d’éradiquer ses habitants et a ensuite tenté de se suicider en comprenant que c’était impossible ? Et pour le punir, ton père le maltraite et l’enferme ? J’en viens presque à regretter Howard…
-Qui est Howard ? demanda le dieu du tonnerre.
-Ça n’a pas d’importance, détourna l’américain d’un geste vague de la main. »
Après ce récit, il était clair que Loki avait merdé, mais eh, lui aussi avait merdé et il avait eu le droit à une seconde chance. Pourquoi pas le dieu de la Malice ? Stark eut un coup au cœur en se rendant compte que sa deuxième chance, il la devait justement à ce dieu.
Il n’y eut aucune manifestation paranormale dans la semaine qui suivit la mort d’Obadiah. Tony n’avait pas voulu expliquer à son colocataire mais celui-ci était bon et avait réussi à lui faire avouer. L’ingénieur ne savait pas s’il était soulagé ou encore plus renfrogné en voyant l’air horrifié d’Amir et il se rendit compte qu’il ne pourrait rien être d’autre qu’un tueur. Il savait que, quoiqu’il faisait, ça le rattraperait. Il avait obtenu sa deuxième chance et avait le sentiment de l’avoir gâché avec ce meurtre de sang froid. À ça vint s’ajouter la honte d’avoir fait passer sa vengeance avant ses nouvelles convictions. Avec ce qu’il savait, il aurait pu le traîner en justice et en disgrâce pour des siècles aux yeux des États-Unis. Mais ça n’aurait pas suffi, cet enfoiré était tenace, et c’était une maigre consolation pour Stark de se dire que c’était mieux ainsi. Son moment de répit, dorénavant, était ses parties quotidiennes de football avec les enfants de Chéberghân. Maintenant qu’il pouvait discuter un minimum avec eux grâce au peu d’arabe que lui a appris l’afghan, il trouvait ça encore plus agréable. Chaque fois qu’il repartait, les enfants s’étaient à lui faire comme à l’étudiant : un câlin groupé. Et il ne se l’avouait pas, mais ça faisait fondre son cœur à chaque fois. Le vrai, pas celui de métal.

Une passe à gauche, un retour de balle, Tony s’en sortait de mieux en mieux en foot. Zaleh lui envoya le ballon et il la récupéra d’un coup d’épaule, avançant vers la cage adverse. Il fit une passe à un garçon à sa droite, Hamal, pour éviter Amir qui était dans l’équipe adverse. Le gamin progressa encore, envoya la balle à Zaleh qui marqua. L’équipe de l’américain se joignit en une embrassade victorieuse autour de lui. Des pas claquèrent le macadam, faisant se retourner tout le monde. Un homme en noir austère approchait. Tous les enfants se cachèrent derrière Amir et Tony, sauf Zaleh qui s’accrocha à la hanche de ce dernier.
« Anthony Edward Stark ? demanda l’inconnu en anglais.
-C’est qui ? demanda la jeune fille.
-Je ne sais pas, avoua ledit Anthony Edward Stark. C’est moi, lança-t-il en anglais, vous voulez quoi ?
-Je suis le directeur du SHIELD, Nick Fury, se présenta l’homme en noir. J’étais un ami de votre père. »
Le milliardaire leva les yeux au ciel et s’extirpa de l’étreinte de l’afghane pour se détacher du groupe.
« Ça ne me dit pas ce que vous voulez, fit-il, méprisant.
-Vous recrutez, répliqua du tac-au-tac le directeur du SHIELD. »
Son interlocuteur éclata de rire.
« Recruter pour quoi ? demanda Amir, les sourcils froncés. »
Nick le regarda de son seul œil, l’autre recouvert d’un cache-œil… noir.
« Cela ne vous regarde pas, monsieur, rétorqua l’homme avant de prendre Tony par le bras pour s’éloigner. J’aimerai vous faire revenir aux États-Unis pour travailler sur une armure améliorée semblable à celle que vous aviez construite dans votre grotte. Nous avons eu vent de votre… exploit, et nous aimerions que vous nous aidiez.
-Je ne connais même pas le SHIELD, soupira l’ingénieur. Comment voulez-vous que je vous rejoigne ?
-Nous sommes affilié à l’ONU et sous le commandement indirect du Conseil de Sécurité, clarifia alors Fury. »
Stark se pinça l’arête du nez.
« Donc l’ONU sait que je suis bloqué dans ce foutu pays, veut me recruter et elle n’était pas foutue de venir me chercher ?
-Nous avons eu du mal à vous localiser après votre évasion, lui expliqua le directeur.
-Dans quel but ? questionna Tony.
-Dans quel but ? Eh bien, le maintien de la paix, à un niveau mondial. »
Là, c’en fut trop, l’ingénieur éclata de rire.
« Vous voyez comment j’ai ‘’maintenu la paix’’ pendant des années ? C’est ça que vous voulez ? Allez vous faire foutre plutôt, je ne construirai plus d’arme.
-On ne veut pas que vous construisez une arme mais que vous enfiliez votre costume pour sauver l’humanité. »
Tony essuya une larme qui perlait à son œil. Il redevint tout à fait sérieux, même grave.
« Allez voir en enfer si j’y suis, je suis la pire personne pour ce boulot, lâcha-t-il avant de revenir vers les enfants. »
Il eut juste le temps d’entendre Nick Fury soupirer, puis les enfants l’assaillirent de questions et l’inconnu avait disparu.
La semaine suivante, en comptant ses économies, l’américain se rendit compte qu’il avait assez d’argent pour retourner aux États-Unis. Il était heureux, bien sûr, mais son cœur se serra à l’idée de quitter Amir, les enfants, le marché, le calme, et l’Afghanistan qu’il était parvenu à aimer. L’étudiant remarqua sa mine soucieuse et comprit.
« Tu pourras revenir nous voir quand tu seras retourné là-bas, sourit-il pour le rassurer. »
Tony releva la tête vers lui.
« Je sais, mais ça me fait bizarre de me dire que je vais quitter… tout ça, répliqua-t-il d’un geste vague de la main.
-Je comprends, mais tu as plein de choses à faire là-bas, non ? Tes amis, ils te pensent toujours morts, tu devrais aller les revoir. »
Pepper, Rhodey et Happy lui revinrent en pleine face. Il avait fini par les oublier un peu, les laisser dans un coin de son esprit, après tout ce temps. Ça faisait bien une dizaine de mois qu’il était parti… Ouais, ils lui manquaient vraiment, et ça serait bon de les revoir. Stark était encore en train de réfléchir quand un vent glacial l’effleura, et il sourit largement sans s’en empêcher quand il ne ressentit pas le froid.
« Salut Loki, lança-t-il au vide. »
Le dieu se matérialisa à côté d’Amir, qui sursauta en se tenant le cœur.
« Putain de bordel de merde je hais les dieux nordiques, jura-t-il. »
Loki eut un rictus.
« Bonjour Anthony… »
Le susnommé aurait voulu lui sauter dessus et l’embrasser, mais son attention était retenue par combien la situation du dieu semblait s’être améliorée. Sa peau s’était recolorée, il n’était plus bleu, ses cornes avaient disparues, ses ongles étaient parfaits, ses yeux avaient cicatrisés, et il était lavé. Même les cernes avaient déserté de sous ses yeux.
Ce fut le dieu qui amorça le mouvement en s’approchant, toujours avec un sourire, de l’humain. Amir s’éclipsa discrètement alors. Dès que Loki posa une main sur la joue de Stark et se pencha, celui-ci réagit enfin et se releva pour entrechoquer leurs bouches. Il s’agrippa à lui, l’embrassant avec délice.
« Anthony, soupira l’alien. »
Le susnommé s’écarta et le regarda dans les yeux. Celui qui était auparavant rouge reprenait doucement sa couleur vert forêt.
« Oui ? murmura-t-il, son souffle s’écrasant sur les lèvres de l’autre.
-J’ai quelque chose pour toi… fit-il mystérieusement. »
Tony s’écarta de lui brusquement en soufflant un ‘’quoi ?!’’ comme un gamin de cinq ans qui recevrait son cadeau de Noël. Loki rit et matérialisa un bout de métal dans sa main. Gris, cabossé, explosé, avec deux fentes comme des yeux scrutateurs et une bouche figée dans le fer.
« Je crois que cela t’appartient, Iron Man. »
Stark attrapa le visage arraché de son casque et le serra entre ses doigts. Il n’avait pas pu le récupérer après le crash car il était trop encombrant. Le dieu était-il retourné le chercher ? Rien que l’idée lui faisait chaud au cœur. Ce dieu ressemblait décidément à un mirage, insaisissable mais tellement addictif, il venait, repartait, comme il le voulait. Une entité frivole qui ne se pliait à aucune autre règle que celles qu’il avait lui-même établi. L’image fracturée d’un rêve à l’horizon. Et pourtant c’était de lui dont il était accro, terrien arrogant et ingénieux. Tony était son mirage depuis sa cellule inaccessible.
« Wow, je- merci, bredouilla-t-il, admiratif. »
Il avait beau être plein aux as, ce bout de métal devint la chose la plus chère à ses yeux en cet instant. À force de le regarder, de penser à tout ce qui s’était passé avant et après, il se dit qu’il tenait sa deuxième chance. Il n’allait pas se vendre au SHIELD, ne ferait plus d’arme, mais il allait devenir un homme meilleur. Il allait enfin pouvoir être sa propre identité plutôt que le fils de et rien ne pouvait le rendre plus heureux. Il lui suffisait juste d’enfiler le costume et de devenir Iron Man.

20K mots. Je crois que j'ai tué wattpad. Mais j'en suis fier putain.

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