[Army] Renouveau

96 9 0
                                    

Arnaud Tsamère, à quarante ans passés, avait tout pour lui : une femme aimante qui partageait sa passion de la vitesse, un adorable garçon, une carrière au sommet, il était heureux. Enfin, pas tant que ça. Arnaud était un homme que la routine agaçait, malgré ses sketchs et tournées, malgré son travail fait d'imprévus. Et puis, ses potes lui manquaient. Il n'avait presque pas eu l'occasion de les voir, entre Florent Peyre avec qui il avait presque coupé les ponts, Baptiste Lecaplain qui avait bien d'autres choses à faire – et qu'il n'osait pas déranger -, et les autres... et puis ses potes hors du métier qu'il voyait trop peu depuis le début de sa nouvelle tournée... Il avait l'impression de passer tout son temps avec son équipe... Et ça ne lui plaisait pas. Il était de plus en plus stressé, angoissé, il pouvait complètement péter un câble et insulter la terre entière si on le cherchait dans ses cas-là... En gros, il faisait sa crise de la quarantaine à sa manière...
Il dormait profondément quand son téléphone le tira de là avec la délicatesse d'un éléphant. Il frotta ses yeux pour regarder l'écran qui n'affichait rien d'autre que le prénom de l'un de ses meilleurs amis et sa merveilleuse gueule de con qu'il s'était promis de changer un jour depuis le changement capillaire de celui-ci. Pourquoi diable Jeremy l'appelait-il en pleine nuit ? Râlant un peu, il décrocha.
« Allô ? fit la voix de Jeremy Ferrari à l'autre bout du fil.
-Pourquoi tu m'appelles si tard ? s'enquit la voix ensommeillée d'Arnaud.
-Je vais bientôt rentrer du Liban, c'est pour savoir si tu voudrais pas venir prendre un verre avec moi, répondit-il. Je sais que ça va pas fort en ce moment...
-En fait tu veux que j'aille te chercher à l'aéroport et que je fasse le chauffeur ? demanda le plus vieux en riant légèrement d'une voix un peu enraillée encore.
-Exactement ! avoua l'autre ironiquement en riant aussi.
-Et tu es venu me demander ça à... »
Arnaud suspendit sa phrase pour regarder l'heure sur sa montre.
« À quatre heures du matin ? acheva-t-il.
-Pour moi il est cinq heures ! se défendit Jeremy.
-Ce qui explique pourquoi tu es déjà levé... remarqua le bouclé.
-Oh et puis j't'emmerde, je fais encore ce que je veux ! se plaignit-il. »
Un fou rire commun secoua les deux hommes.
« Oui, tu fais encore ce que tu veux, mais ce serait sympa que tes envies ne soient pas de me réveiller en pleine nuit pour me demander si je veux boire un verre avec toi quand tu seras rentré. En plus tu sais déjà que j'accepte, sourit Arnaud. Tu fais ça juste pour emmerder le monde.
-Un peu... répliqua sur le même ton le fervent adepte d'humour noir. »
Ils se donnèrent rendez-vous à l'aéroport à l'heure du débarquement du cadet.
Les jours passaient avec la même monotonie pour le jeune quarantenaire. Ce fut alors avec joie qu'il prit le volant pour se rendre au lieu de rendez-vous. Il entra dans l'aéroport et attendit son ami. Ce dernier lui envoya un message au bout d'une demi-heure qui disait :
« Salut ma patate, je sors de l'avion bientôt, je serais porte E. »
Le disciple de l'absurde sourit au surnom et se dirigea à la porte indiquée. Il resta debout, au milieu, même quand les passagers sortirent en flots incessants. Enfin, il vit la personne qui l'intéressait : un méditerranéen au cheveux bruns, bronzé, lunettes de soleil sur le crâne et tenue légère. Il avait un grand sac noir avec lui. Arnaud fit des signes jusqu'à ce que son ami le voit et se dirige vers lui. Ils se firent la bise.
« Alors, comment s'est passé le voyage ? demanda l'aîné.
-J'avais envie de balancer des gens par la porte de secours... se plaignit l'autre, ce qui amusa son ami. »
Ils discutaient de tout et de rien – enfin essentiellement du voyage – en allant chercher la va lise de Jeremy. Une fois le bagage récupéré, ils sortirent de l'aéroport...
Ils traversèrent la ville en voiture, parlant toujours et riant un peu ensemble. Ça faisait un moment déjà qu'ils ne s'étaient pas vus et ils comptaient bien profiter pleinement de leurs retrouvailles. Ils se rendirent donc à un café-restaurant qu'ils connaissaient bien et s'installèrent à une table, commandant bière sur bière, discutant, oubliant les gens autour. Ils étaient absorbés l'un par l'autre, comme deux amoureux.
Comme l'heure avançait, ils commandèrent un repas qui leur fut servi peu après. Ils ne s'éternisèrent pas pour manger, payèrent puis repartirent. Arnaud accompagna son ami jusque chez lui mais ce dernier lui demanda de venir avec lui. Il accepta sans que Jeremy ait besoin d'insister – à sa grande surprise – et le suivit dans son salon. Ils accrochèrent leurs vestes sur le porte manteau puis s'affalèrent sur le canapé. Cependant, un sourire énigmatique se dessina sur le visage du plus jeune. Il avait clairement une idée derrière la tête qui ne déplairait peut être pas à son ami.
Jeremy se leva après un instant, se dirigea vers sa chaîne Hi-Fi et y inséra un CD. La voix de Charles Aznavour s'éleva peu après, ce qui fit rire l'aîné. Le jeune humoriste pouvait être très romantique quand il le voulait, et Arnaud l'avait rarement vu vouloir. Il jouait avec son bouc tout en regardant l'homme devant lui qui commençait à danser sur For me, formidable. Ses sourcils se froncèrent. Une chanson d'amour ? Mais pourquoi Jeremy lui passerait une chanson d'amour ? Les joues du fan d'absurde s'empourprèrent. Son ami s'avança et se pencha sur lui en chantant en même temps que le CD les paroles franglaises d'une déclaration d'amour.
« You are the one for me, for me, formi, formidable ! You are my love very, very, véri, véritable ! »
Il attrapa la main de l'autre et le leva de force. Il le tint contre lui dans une position de valse et les deux hommes se mirent à danser en riant et chantonnant.
« Darling I love you, love you, darling I want you, chanta Jeremy d'un air très sérieux en regardant son ''ami'' droit dans les yeux. »
Arnaud était troublé mais il ne décrochait pas le regard. Ils continuaient de danser comme s'ils avaient tous les deux quinze ans.
« Tu n'as pas compris, tant pis... Ne t'en fais pas et viens-t'en dans mes bras, continua Jeremy alors que l'autre s'était déjà tu. »
Le cadet serra son ami contre son torse musclé par des années d'arts martiaux, ses bras autour de sa taille si fine, leurs visages proches, leurs souffles s'entremêlant. L'adepte d'humour noir ne s'était pas arrêté de chanter et de toute façon, ça n'embêtait pas Arnaud, loin de là...
« Je me demande même pourquoi je t'aime, toi qui te moques de moi et de tout avec ton air canaille, canaille, canaille, how can I love you ? »
La voix de Jeremy au creux de l'oreille de son aîné fit frissonner ce dernier. Ils restèrent un instant sans bouger alors que les dernières notes raisonnaient.
Quand la chanson suivante se lança, le plus jeune des deux hommes s'écarta et posa une main sur la joue de son ainé. Ce dernier sursauta, si peu habitué que son ami se comporte ainsi. Son collègue approcha son visage jusqu'à ce que leurs lèvres s'effleurent. L'autre ne bougeait pas pour plusieurs raisons : il n'en avait pas envie, les yeux bleus le fixant avec insistance le subjuguaient et il voulait ce baiser. Au fond de lui, il n'attendait que ça. Que cette bouche que la comédie lui avait permis d'embrasser se retrouve tout contre la sienne, la dévore. Son cœur accélérait, sa lèvre inférieure tremblotait, il retenait son souffle... Quand enfin Jeremy osa un baiser. Leurs yeux se fermèrent quand il s'intensifia.
Arnaud se recula subitement, ses mains sur la poitrine de son homologue.
« Pardon Jeremy... s'excusa-t-il devant l'air interrogateur du susnommé. Ça me fait juste bizarre...
-À cause de ta femme ? devina l'autre en lâchant son aîné. Ça se comprend... »
L'homme aux cheveux bouclés retint son partenaire et le ramena contre lui.
« Mais au fond... continua-t-il comme s'il n'avait pas été interrompu. J'en ai envie. J'ai envie de t'aimer. »
Il conclut en l'embrasser de lui-même, provoquant la surprise de celui aux cheveux ébènes.
C'était ça, le renouveau dont avait besoin d'Arnaud, le nouveau souffle qu'il lui fallait : une relation exclusive avec celui qui le complétait si bien. Que ce soit un homme n'avait aucune importance, que ce soit extra-conjugal lui importait peu... Laissons les tranquille tant qu'ils se font plus de bien que de mal en retour, tant qu'ils font l'amour.

Alors. Je pose les bases tout de suite. Je ne suis pas contre l'adultère. Je pense que ça se voit au travers de ce texte. Comme Grand Corps Malade a dit (et que j'ai repris à la fin) "tant que les gens font l'amour".
J'espère que ça vous a plu et des bisous !

Recueil de textes gaysOù les histoires vivent. Découvrez maintenant