Acte I, scène 5.

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Diril et Jihan.


Tandis que le Duc s'étouffe, un homme athlétique et élancé entre en trombe, le regard inquiet.

JIHAN Est-ce que tout va bien ?

DIRIL C-C'était... C'était il y a-a... Dix ans !

Le nouveau venu tapote le dos du plus âgé, qui se remet peu à peu. Le Duc se laisse tomber au sol et son second suit le mouvement.

DIRIL, yeux écarquillés, choqué Cette pierre, la pierre au dessus de nous, me fait plus d'effet que les dires de cette folle. Immaculée, froide, planant au-dessus de nous inlassablement. C'est effrayant. A tout instant, elle pourrait s'écrouler sur nous et, impuissants, nous péririons. La vie est futile. A chaque coin de rue, elle peut nous échapper. Notre corps est si fragile et le monde dangereux. Qu'importe ce que nous faisons, qui nous sommes, nous mourrons tous. Et c'est effrayant. Je me suis rendu compte trop tard que la vie est précieuse et qu'il ne fallait jamais la perdre, sous aucun prétexte.

JIHAN, indécis Je ne suis pas sûr de comprendre, Monsieur. Pourriez-vous être plus clair, je vous prie ?

DIRIL Jihan, Marquis de Forestrallo, mon ami, toi qui m'as épaulé à mon arrivée ici, tu m'assistes depuis des mois maintenant et je t'en remercie.

JIHAN, les lèvres pincées Vous parlez de mort et vous me remerciez. On dirait des adieux, Monsieur. Veuillez éclairer ma lanterne parce que je ne saisis point le sens de vos phrases.

DIRIL Tu connais mon histoire, tu sais que je ne suis rien de plus qu'un Prince déchu, destitué de son titre principal, un traître de la Couronne. Tu sais qu'être Duc était ma dernière chance pour survivre à Ethrian. Je prie tous les soirs les Anges puisqu'ils ont été cléments envers moi. Seulement, en cette heure horrible, je pressens que la mort serait préférable.

Le second est perdu et n'ose intervenir de peur d'interrompre cette torpeur.

DIRIL J'ai commis une épouvantable erreur, mon ami. Et je présage que le jour de payer est advenu.

JIHAN Allons ! que dites-vous ?

DIRIL Un enfant.

JIHAN Celui que j'ai vu sortir tantôt, est-ce de cet enfant qu'il s'agit ?

DIRIL, effrayé L'as-tu aperçu ? Et sa mère, la diablesse ?

JIHAN Oui, je trouvais que recevoir une petite bourgeoise était étrange. J'en ai discuté avec le Baron et il m'a averti de son affaire. Qu'avez-vous décidé ? Allez-vous aider sa famille ? Elle paraissait triste en sortant, je suppose que vous avez refusé.

DIRIL, terrorisé Je ne peux plus refuser ! Il en va de mon honneur ! De ma fierté ! De mon devoir !

JIHAN Je ne suis toujours pas certain de comprendre.

DIRIL, vidé d'émotions Neuf ans, l'enfant a neuf ans. C'était il y a dix ans... Une fille de médecin... J'ai connu une fille de médecin... La coïncidence ne peut être ignorée...

JIHAN Eh bien... Hum... Vous êtes père, n'est-ce pas ? Est-ce bien ce que vous désespérez d'avouer ? Si telle est la situation, je vous félicite, Monsieur le Duc !

DIRIL, affolé Ne me félicite pas ! C'est affreux !

JIHAN C'est génial ! N'aimez-vous pas les enfants ?

DIRIL Pas celui-là ! Pas le mien, voyons !

Le second éclate d'un rire franc et aide le Duc à se redresser.

JIHAN Je commence à saisir.

DIRIL, anxieux Mon ami, aide-moi ! Dis-moi quoi faire ! Elle veut un père pour cette créature, mais ce n'est pas mon rôle. Je ne peux pas ! Je ne le désire pas ! Mais elle m'a pris au piège. Croyez-vous qu'elle pourrait en répandre la nouvelle ?

JIHAN, d'un ton doux Monsieur, Monsieur, respirez. Ce n'est pas un cauchemar auquel vous vous confrontez. Sérendipité.

DIRIL Sérenquoi ?!

JIHAN Un admirable rêve qui vient éblouir vos journées. Les saisons défilent et pourtant, vous n'avez ni femme, ni descendant.

DIRIL Toi dont les conseils sont toujours les meilleurs, donne m'en un sur le champ.

JIHAN Je crois que vous devriez aider cette famille.

Ethrian V - MarriaWhere stories live. Discover now