Fanfiction Leiftan - Lying Trust

1er Souvenir

La nuit noire. Aux alentours de minuit. Ashkore préférait sortir à cette heure-là.

Non pas qu'il ne trouvait aucun plaisir à se balader en plein jour dans le QG, échappant à la surveillance quasi-inexistante de la Garde et ressentant une amère satisfaction à les humilier ainsi, loin de là... Mais la nuit, il se sentait plus puissant encore que d'ordinaire. Plus dangereux.

L'idée même d'être capable d'évoluer dans la pénombre de façon à jouer avec ses proies, de façon à les traquer pour mieux les abattre ensuite, le faisait toujours trembler d'excitation et de plaisir : le bonheur des uns fait le malheur des autres, et, en ce qui le concernait, faire du mal à autrui était une source de plaisir inestimable au sein de ce monde autrement si barbant. Ashkore aimait être méticuleux dans tout ce qu'il faisait, et plus encore lorsqu'il s'agissait de torturer quelqu'un.

Pourtant, ce soir-là, il n'était pas de très bonne humeur. Pour la première fois depuis bien longtemps, Leiftan lui avait attribué une mission de dernière minute, et il détestait l'imprévu. Pire encore, c'était une tâche d'un ennui mortel : libérer une pauvre humaine tombée d'il ne savait où, qui s'était retrouvée coincée dans une cage en suspension au fin fond du QG, et tout ça sous prétexte d'attirer l'attention de Miiko et des autres crétins le temps qu'il aille substituer des documents de la plus haute importance... Comme si être le bras droit de la kitsune n'était pas déjà largement suffisant pour effectuer ce genre de tâches. Avec un peu de chance, il tomberait peut-être sur Enthraa, ce qui corserait les choses... Dommage que la sirène ne s'aventure jamais hors de l'eau, il était toujours curieux de savoir ce qu'il pourrait bien ressentir en arrachant ses écailles les unes après les autres avec son poignard.

Cette simple perspective suffit à le faire frissonner d'anticipation, et il accéléra sa cadence de marche, soudainement pressé de se rendre dans la prison.

Comme d'habitude, il n'eut aucun mal à passer sous la surveillance des vigiles, et à se glisser jusqu'à la cave. Les obsidiens étaient décidément terriblement incompétents. A chaque fois, il se demandait comment il avait pu supporter ne serait-ce qu'une seconde d'avoir fait partie de cette Garde d'incapables dénués d'ambitions.
Eux qui n'avaient jamais pu comprendre ses ambitions.

En dévalant les escaliers, il se remémora à nouveau les directives de Leiftan : libérer la nouvelle venue pour "gagner du temps", puis voler des vivres au QG, blablabla... Il leva les yeux au ciel de désarroi : quand est-ce qu'il y aurait donc un peu plus d'action ? De violence ? Il commençait à se lasser de la facilité avec laquelle il s'infiltrait dans ce gruyère qu'était le « splendide QG de la Garde d'Eel », et de la monotonie des actions qu'il avait à y effectuer chaque soir. Malgré cela, il accomplissait toujours ces besognes sans rechigner - ou à peine - dans l'attente du grand jour... Et sans doute aussi parce qu'il savait ce qu'il en coûtait de contrarier le Daemon.

Quand il franchit enfin le seuil de la prison à moitié plongée dans la pénombre, son œil expert se posa immédiatement sur la cage dont il était question car il y devina une silhouette, assise au fond. L'humaine n'avait pas encore remarqué sa présence, et il fut surpris de constater qu'elle ne criait pas, alors qu'elle venait vraisemblablement de se faire enfermer sans raison après être tombée dans un monde qui lui était parfaitement inconnu. Elle s'était probablement résignée - personne ne pouvait l'entendre, d'ici.

Silencieusement, il fit quelques pas tout en scrutant scrupuleusement la surface de l'eau, mais il n'y distingua pas la silhouette de la sirène. Enthraa nageait en eaux profondes ce soir.
Dommage... L'action serait sans doute pour une autre fois.

Il s'avança jusqu'à la porte de la cage, sans se faire remarquer : l'humaine était recroquevillée sur elle-même, la tête posée sur ses genoux et ses bras enlaçant ses jambes. Quelles créatures fragiles, ces humains... Il suffisait de si peu pour les briser : les torturer était d'un ennui mortel.
Ils cédaient si vite.

Silencieusement, il ouvrit la porte grâce au double des clés que lui avait fourni Leiftan plus tôt dans la journée. Elle laissa échapper un léger grincement, et la jeune fille tressaillit violemment avant de lever les yeux vers lui. Elle le toisa de sous sa frange, sans un mot, et il l'observa à son tour avec une certaine curiosité : elle avait les cheveux courts, blonds, un nez légèrement en trompette et des yeux gris. Vraiment rien d'extraordinaire.
Ashkore eut un mal fou à cacher sa déception.

Bien qu'il ait ouvert grand la porte, elle restait assise tapie dans le fond, immobile et les sourcils froncés, comme si elle avait pressenti le danger qu'il représentait. Pourtant, ses yeux n'affichaient pas la moindre once de peur. Rien que de la prudence.
Drôle de gamine.
- Qui êtes-vous ? demanda-t-elle enfin, d'une voix rauque. Vous n'êtes pas comme les autres.
Au moins, elle était perspicace.
C'est toujours ça de pris.

D'un geste, il lui intima le silence. Elle s'exécuta docilement, et se décida enfin à sortir, sans le quitter des yeux une seule seconde : malgré son air méfiant, de toute évidence, elle était prête à sauter sur l'occasion de s'enfuir d'ici.

Sa mission était donc accomplie. Avant même qu'elle n'ait eu le temps de se retourner, Ashkore était parti.

Il lui restait encore beaucoup de choses à faire.