37. Le Nouvel Éveil (4/4)

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Au même instant, une lueur aveuglante illumine la basilique suivie d'un fracas de tonnerre.

— Père ! hurle Hans.

Il lance un poing vengeur en direction de Giulia et se rue en avant. Un immense filet doré se déploie dans les airs.

Le chaos se déchaîne.

Une incantation résonne dans le chœur ; des formes ailées ténébreuses fondent depuis les hauteurs. Je plonge au sol, évite de justesse des griffes acérées. Un oiseau au corps de femme passe au-dessus de ma tête avec un ricanement à glacer le sang. Partout, des trous béants éclosent entre les dalles et vomissent des hordes de gargouilles aux yeux rouges. L'un de ces monstres ouvre une gueule noire juste sous mon nez. Il bondit, je roule sur les pierres. Sa mâchoire claque sur un pan de ma robe.

Un souffle jailli des abysses me glace la moelle des os. Il emporte les flammes des cierges, voile les vitraux, dévore jusqu'au souvenir même de lumière et plonge la basilique dans des ténèbres impénétrables. Les ricanements des harpies se mêlent au raclement des griffes, aux cris étouffés, aux bousculades. Je m'affole. Guy ! Où est Guy ? Je dois empêcher Giulia de le livrer au Grand Veneur.

Deux yeux de braise se penchent sur moi ; je lève le bras dans un réflexe désespéré. La Toile répond à mon geste en amie fidèle, devinant mes moindres pensées ; un vent violent repousse les points rougeoyants.

Je me redresse et contemple mes mains avec stupéfaction. Dans l'obscurité, des brins de feu apprivoisés dansent autour de mes doigts. La trame est tellement affaiblie que les filaments répondent à mes mouvements à peine esquissés. Une puissance colossale, et même intimidante, se trouve à ma portée.

Un tourbillon éblouissant prend naissance un peu plus loin. En son cœur, je distingue la silhouette de Heinrich aux cheveux d'or. Ses boucles flamboient d'un brasier intérieur. Les gargouilles reculent avec des grognements d'effroi ; les harpies s'élèvent en piaillant. Dans un souffle brutal, l'ensemble des cierges de la basilique reprennent vie et s'illuminent.

À deux pas de moi, un monstre voûté plisse les yeux, aveuglé par l'éclat des flammes. Pedro abat son bâton ferré sur sa tête grimaçante. Le bois traverse la créature sans rencontrer de résistance. Elle disparaît dans un nuage de poussière, effacée comme un mauvais rêve.

Plus loin, João et Torque se ruent l'un vers l'autre, l'épée brandie, un cri de guerre aux lèvres. Mon compagnon saute par-dessus les doigts crochus d'une gargouille, repousse une harpie sous une pluie de plumes, puis heurte la lame de Torque dans un tintement furieux. Les lueurs qui lèchent l'acier luisant les arment de leurs feux. L'Hospitalier arbore un sourire arrogant : il domine le petit Portugais d'une bonne tête. Ses coups de boutoir font sonner le fer comme le marteau sur son enclume. En face, João se jette sur lui avec une rage nourrie de désespoir, se livre tout entier, prend des risques insensés. Son adversaire recule sous la violence de ses assauts. Le rictus de supériorité de Torque se teinte d'incertitude.

Sur ma droite, une rangée de Fabrizio identiques, menaçants avance vers le couple vénitien, bâton en avant. L'homme et la femme, apeurés, battent en retraite. Au même instant, une chaise surgie de nulle part s'écrase à mes pieds avec un fracas de bois brisé. Tout le mobilier de la basilique s'élève dans les airs en une ronde fantasmagorique, suspendu à des fils dorés. Un choc violent me heurte l'épaule ; je roule à terre avec un cri. Mon agresseur de banc vole en éclat contre le mur. Je lève les bras en protection sous une pluie de débris.

Je me relève en secouant la tête et tente de percer le chaos environnant à la recherche de cette garce de Giulia. Un mouvement attire mon attention. L'élégant personnage aux cheveux blancs se faufile vers la porte au milieu de la confusion ; il s'échappe avec sa relique ! Je dois l'arrêter : sans les sept, nous sommes tous condamnés.

Le crépuscule des VeilleursWhere stories live. Discover now