Épilogue : Leopold

Depuis le début
                                    

Peut-être ne m'en tiendra-t-elle pas rigueur.

Peut-être pourrais-je toujours profiter de l'intimité que je partage avec elle depuis notre séjour dans le lazaret.

Je lui en parlerai la prochaine fois que l'occasion se présentera, si elle se présente.

Quant à la blonde...

J'aviserai.

Je sors de ma courte introspection et desserre mes poings contractés par le malheureux évènement qui vient d'arriver. Au-delà de l'échec, c'est avant tout à moi-même que j'en veux. Pour m'être laissé emporter. Pour ne pas avoir su garder mon sang-froid dans l'application de mon jeu de rôle.

Je ne comprends toujours pas pourquoi, ni comment j'ai pu me laisser submerger par l'envie de l'avoir contre moi.

Ce désir irrépressible de sentir ses lèvres contre les miennes m'agace.

Je ne comprends pas, d'autant plus que je parierais ma main droite – et dieu sait à quel point elle m'est chère – que cette idiote aussi en mourrait d'envie.

Je trouve presque burlesque l'idée qu'une telle attirance ait pu naître entre elle et moi. Dans la vie réelle, il est évident qu'une pareille chose ne serait jamais arrivée.

Jamais.

Sans doute s'agit-il d'une de ces réactions incontrôlables qui arrivent quand deux personnes qui se détestent profondément se voient forcés à être physiquement l'un sur l'autre.

Je souffle de dépit.

Je devrais sûrement rejoindre les autres à l'heure qu'il est, mais je ne me sens pas prêt à affronter de nouveau les aberrations de notre situation et ce sentiment d'impuissance qui m'immerge quand je me rappelle à nouveau que je ne peux rien faire pour m'en débarrasser.

Hèl affirme que c'est moi qui nous ai tous envoyé ici, dans le crétacé. J'aurais aimé qu'il me donne le mode d'emploi d'un tel pouvoir plutôt que d'épiloguer longuement sur les enjeux et les conflits de notre présence ici. Si je pouvais vraiment voyager dans le temps, ça ferait une bonne heure que je me serais tiré d'ici sans aucun remord ni regret.

Je me promets mentalement que dès que l'occasion se présentera et que si j'en apprends plus sur cette singularité au point de pouvoir l'utiliser à volonté, je me tirerai de ce trou.

Ils n'ont qu'à régler leurs problèmes eux-mêmes. Leur guerre, je n'en ai rien à cirer, et leur groupe d'affranchis marginaux, je m'en cogne comme de mon premier bavoir.

Je marche lentement jusqu'à rejoindre l'endroit où se reposent les deux dinosaures. Une nouvelle fois, leur majestuosité me scie les jambes. C'est incroyable. L'un des deux, celui de droite, me transperce du regard avec ses yeux de la taille d'un melon.

Je m'abaisse au niveau de sa tête couchée sur le sol et plante mes prunelles dans les siennes.

Son souffle est grave et sourd. Sa respiration est lente.

« Toi non plus, je parie que tu n'as rien demandé pour être ici. » Je dis en soupirant.

Je suis bien conscient qu'il ne me comprend pas et que ma question restera à jamais sans réponse, mais ça me soulage d'extérioriser mes pensées.

Je pose ma main sur son museau et m'émerveille de sa texture unique, à mi-chemin entre la finesse d'un cuir de crocodile et le rugueux de la peau d'un requin. Un tic reflexe secoue son épiderme et se propage dans son corps au-delà de son énorme cou. Je me retiens d'effectuer un léger mouvement de recul.

Biohazard - Disparus [ Tome 1 Terminé ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant