Jour IIIII / II : Ou comment tout bascule. (Zénith)

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Je sens la fraicheur de l'eau imprégner ma poitrine de l'intérieur au fur et à mesure que le liquide descend le long de mon œsophage. Après presque une journée entière sans boire, je savoure ces gorgées avec le même plaisir qu'un verre de fervex un matin de gueule de bois. Je conclus ma dégustation avec un bruyant soupir d'extase.

« T'es vraiment obligé de simuler un orgasme ? »

Je ne réponds pas tout de suite et reporte la gourde à mes lèvres, non sans en mettre la moitié à côté.

« Crois-moi, j'suis pas loin de jouir. »

« Quelle finesse. »

« C'est pas toi qui vient de marcher trois heures avec cinquante kilos sur le dos. »

Loin d'être perturbé par les élégies de la blonde, je remplis une nouvelle fois la ferraille qui nous sert de contenant et lui en propose. Installée contre un tronc de palmier, elle accepte ma donation sans broncher.

« Merci. »

« T'inquiète. »

Je me retourne et accroche du regard un rocher qui m'a l'air ma foi fort confortable. Sans réfléchir plus longtemps, je décide de m'y poser. Ainsi assis sur mon trône, je prends le temps d'admirer le point d'eau qui me fait face. Le même que celui que je prenais plusieurs jours plus tôt pour un étang, et où les expéditions faisaient escale pour remettre nos stocks d'eau à niveau. Maintenant que je le revois et que je prends le temps de l'analyser, je me rends compte de sa profondeur. C'est sur ce constat que je m'aperçois de mon erreur de jugement. Un souvenir de vacances remonte à la surface.

« C'est une cénote, non ? »

Harmony met quelques secondes à répondre.

« Correct... Je suis étonnée que tu aies déjà entendu parler de ce genre de choses. »

Je m'explique.

« Je me souviens d'en avoir déjà vu lors d'un voyage au Mexique avec mon père, il y a cinq ans. »

« C'est vrai, il y en a aussi à Madagascar et sur certaines îles d'Indonésie. C'est une aubaine qu'on en ait trouvée une ici, la couche d'eau en surface est d'une pureté sans pareille. Et douce, surtout. »

Alors qu'elle parle, une idée germe dans mon esprit. Une idée qui risque de ne pas plaire à la jeune femme. Me doutant de l'altercation qui ne manquerait pas de se produire si je lui en parlais, je me déshabille en quatrième vitesse. En caleçon, j'ai à peine le temps de l'entendre grogner quelques mots que mon plongeon finit sa course dans le trou d'eau. L'immersion de mon corps et la couverture aqueuse sur chaque centimètre carré de ma peau me fait frémir de bonheur. J'oublie instantanément la chaleur âpre qui me ronge depuis plus d'une semaine. Je reste sous l'eau, vidant tout l'air de mes poumons en faisant pression avec mon diaphragme. Comme en stase dans le liquide, je garde les yeux fermés pour profiter de cette sensation d'apesanteur factice. Pendant un court instant, je me surprends à croire que je suis dans ma piscine du sud de la France, et qu'en sortant la tête de l'eau, je retrouverais mes amis ou ma famille autour de la table de la terrasse, à l'ombre du store. Je commence à remonter vers la surface, sûr d'y être accueilli par la signature musicale du chant des cigales propre à l'été provençal. Mes boucles brunes fouettent l'eau hors de mes cheveux en même temps que je prends une grande inspiration en sortant la tête de l'eau.

Pas de cigales.

Je barbote encore un petit temps et tente de toucher le fond de la cénote à plusieurs reprises sans succès. Rapidement refroidi par ces changements de thermoclines successifs, je décide finalement de regagner le plancher des vaches. En même temps que je grimpe sur les rebords du bassin naturel, j'entends sans surprise la voix de la blonde retentir non loin de moi.

Biohazard - Disparus [ Tome 1 Terminé ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant