Leur combat ( Partie 1/2 )

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Il y a des jours où tout s'enchaîne avec la même précision et la même clarté que l'emboîtement des pièces d'un puzzle pour enfants de trois ans. Le genre de journée où quoiqu'il arrive, l'évidence des péripéties de ta vie se confond avec la monotonie d'une partie de scrabble entre octogénaires nourris à la lecture d'éditions Larousse obsolètes.

Puis il y a, comme aujourd'hui, des jours où quoique tu fasses, t'es complètement largué.

J'ai beau passé en revue les évènements antérieurs encore et encore dans la moulinette de mon cerveau, je n'y trouve absolument aucun sens. Le même genre de frustration ressentie par un gamin qui n'arriverait pas à faire rentrer un rond dans un carré me fore les intestins et fait grincer mes dents sans discontinuer depuis que le rover dans lequel je me trouve a démarré.

L'engin se débat contre la forêt en slalomant entre les troncs pour se frayer un passage au travers de son épaisse végétation ; manœuvre qui ne manque pas de me filer la gerbe ; disposant ainsi avec grand soin la pierre angulaire au sommet de l'arche de ma détresse physique et morale.

Je tourne la tête vers l'extérieur pour mettre le grappin sur quelques bouffées d'air frais et ainsi soigner les remontées gastriques qui tentent de se faire la malle par ma bouche, non sans me brûler amèrement le fond de la gorge au passage.

La bâche couleur camouflage qui recouvre les arceaux métalliques de l'arrière du rover dans lequel nous nous trouvons volète légèrement en même temps que le véhicule se fraie un chemin au travers des nombreux reliefs du plancher de la jungle.

Nous nous déplaçons très lentement, un coureur serait plus rapide, j'en suis sûr.

« Difficile de se frayer un chemin dans ce foutoir avec un bolide pareil, hein ? » Commente Jung, comme s'il venait de lire dans mes pensées.

Je ne me retourne pas pour le regarder, de peur de tapisser le sol d'une épaisse couche de vomi. Je me contente de hausser les épaules.

De toute façon, je m'en fous. Je commence doucement à abandonner l'idée que mon avis ait une quelconque valeur dans toute cette affaire.

J'en ai marre.

Jung pose sa main sur mon épaule mais je le chasse dans la seconde en m'écartant encore un peu plus vers l'arrière de l'engin. Je me fiche qu'il s'inquiète pour moi, je me fiche qu'il essaye de me rassurer et surtout je me fiche de ses explications.

Je ne le connais pas ce type. Je ne connais personne ici. Moi, ma vie, c'est avant tout ma bande de potes, mes coups d'un soir, mes parents friqués, le soleil et l'eau de mer. Ça fait plus d'un mois que je me bats contre des choses qui me dépassent et que j'essaye absolument de tout comprendre et de tout contrôler. Mais la vérité derrière tout ça, c'est que ce n'est pas mon monde, ce ne sont pas mes conflits, alors pourquoi est-ce que je devrais m'inquiéter et participer à toute cette merde ?

Je serre très fort le poing en même temps qu'un intense sentiment de peine me prend le cœur en grippe.

Un souvenir de voyage aux îles Canaries avec mes parents ressurgit dans ma mémoire, larguant sur mon esprit déjà blessé une bombe de nostalgie qui finit d'enrayer la circulation de mon sang.

Ils me manquent.

Je frotte avec vivacité mes paupières d'un revers de paume pour empêcher la moindre larme de pointer le bout de son nez sur mon visage. Sans succès. A peine je retire mes mains qu'elles inondent à nouveaux mes prunelles pour déborder sur chacune de mes joues.

Pourquoi est-ce que je ne me réveille pas de ce cauchemar ? C'est bon, ça a assez duré, j'en ai assez bavé, je devrais pouvoir rentrer maintenant, non ? Je n'en peux plus, je ne veux plus de tout ça.

Biohazard - Disparus [ Tome 1 Terminé ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant