13. Suspicions (1/2)

Depuis le début
                                    

Le visage de João se referme et je ne parviens pas à deviner ce qu'il pense réellement. Il ne peut être sérieux dans ses accusations ! Comment envisage-t-il un seul instant que la gardienne, ou qui que ce soit d'autre parmi nous, puisse nous trahir ?

Geiléis pose une main apaisante sur mon épaule tandis que mes compagnons me dévisagent avec des degrés divers d'embarras. Je prends conscience de mes poings crispés de fureur et les relâche sur une profonde expiration.

— Je n'accuse personne, glisse João entre ses dents sans me quitter du regard.

Sur ces entrefaites, il se dirige vers la porte, sort d'un pas décidé et fonce droit vers nos chariots. Nous nous précipitons à sa suite.

— Que comptes-tu faire ? hèle Fabrizio.

Le Portugais grimpe dans la roulotte de tête et lui répond sans même se retourner :

— Fouiller nos affaires ! Nos ennemis savaient où nous logions. À n'importe quel moment, ils ont pu se faufiler dans nos carrioles, y laisser un piège, une sorte d'appeau. Plusieurs sont des Veilleurs, n'oublions pas ! Nous n'avons pas de temps à perdre. Si quelque chose attire fra' Torque sur nous, nous devons le savoir au plus vite.

— Je vais t'aider !

Guy avance d'un pas décidé et pénètre dans le chariot que je partage avec Heinrich. Saisi d'une brusque inquiétude, je réfléchis aux affaires contenues dans mon coffre. Mon médaillon pend en sécurité à mon cou ; ma rapière est restée dans la cabine du capitaine. Je laisse échapper un discret soupir de soulagement. Normalement, rien d'autre dans mes possessions n'est susceptible de me lier à ma famille.

Fabrizio glisse des coups d'œil nerveux vers le tapis vierge de la mer en se tordant les mains, puis se dirige vers la dernière carriole.

— Autant nous y mettre à plusieurs, bougonne-t-il.

J'échange un regard intrigué avec Heinrich. Il hausse les épaules devant ma question muette.

— Je ne saurais pas ce qu'il faut chercher.

— Moi non plus, soupiré-je.

Je m'assieds sur le pont, à l'écoute du concert de chaises tirées, de paillasses soulevées et de coffres grinçants.

Un juron étouffé s'élève au bout d'une bonne demi-heure de ce manège.

— Ventrebleu ! Je crois que j'ai trouvé !

Je reconnais les accents assurés de la voix de Guy.

Il ressort du chariot avec, à la main, un fin mouchoir de soie brodé. Alertés par son appel, João et Fabrizio le rejoignent aussitôt. Je m'approche à mon tour.

— Regardez cela ! Regardez... en profondeur.

Suivant ses conseils, je m'Éveille et observe les fils de la Toile autour de la fragile pièce de tissu. Au premier abord, je ne décèle rien de spécial. La trame paraît lisse et régulière, comme partout ailleurs. Puis je passe délicatement mes doigts au-dessus du mouchoir et, soudain, j'entrevois un éclat brillant. En me concentrant, je parviens à isoler un fil plus épais et plus lumineux que les autres qui jaillit des mailles du tissu. Au lieu de se perdre parmi les motifs lointains, il poursuit sa route vers le nord par-dessus la mer. Mes yeux le suivent jusqu'à l'horizon où il disparaît.

— Mazette ! s'exclame Heinrich à côté de moi. Ça ressemble à une longe gigantesque !

— Et très certainement, à l'autre bout de ce fil, se trouve une personne de notre connaissance ! complète Guy d'un ton sentencieux. Nos ennemis ont perdu notre trace quand nous avons franchi le Voile, ce qui nous a permis de leur échapper, mais ils n'ont eu aucun mal à nous retrouver dès notre sortie sur les hauteurs de Douvres.

Le crépuscule des VeilleursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant