Chapitre 2

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Christopher

Los Angeles, Californie – 8h00

Christopher regarda depuis ses grandes baies vitrées la voiture d'Adrien disparaître en bas de la colline. En arrière-plan, le célèbre panneau « Hollywood » était encore illuminé en ces premières heures de la matinée. Il sourit en le regardant. Vivre sur les hauteurs de Los Angeles, à proximité de ce fameux panneau et pouvoir le voir à chaque fois qu'il venait aux fenêtres, était l'une de ses plus grandes fiertés. Puis, dès qu'il fut sûr que son manager n'allait pas réapparaître, il changea la chaîne de musique pour un match de soccer. Voir et entendre ses chansons sur une foutue chaîne musicale pour les adolescents le répugnait et l'énervait au plus au point. Mais pour garder son image de star imbue d'elle-même – et rendre fou son manager par la même occasion – il devait effectuer cette corvée pour sauver les apparences. Car les apparences, c'était tout ce qui comptait dans son monde et il n'avait pas de place pour autre chose. C'était l'une des nombreuses choses qui l'exaspéraient, mais ça, qui pouvait l'entendre ? Alors, dès qu'il était en public, il jouait ce jeu que tout le monde trouvait adorable, sans voir qu'à l'intérieur, tout était en ébullition. Même son manager, le mec qu'il côtoyait – malheureusement – le plus dans l'année, ne voyait pas qu'il était au bord du burn-out.

De toute façon, lui, à part sa petite personne et son cœur de glace, rien ne l'intéresse. Je suis presque certain qu'il fait ce métier pour l'argent.

Il soupira, répéta plusieurs fois à haute-voix que ça irait mieux plus tard – en essayant de s'en persuader – et composa le numéro de Maxime. Celui-ci, bien qu'Adrien crût qu'il était qu'un simple ami, était surtout l'homme qui contribuait à rendre sa vie la plus normale possible. Certes, il n'était pas le seul – une autre personne y contribuait également – mais au fil des années, le kinésithérapeute était devenu son confident et ami, puisque Christopher ne voyait quasiment plus ses amis de son ancienne vie ; une vie loin de la notoriété et des paillettes qu'il avait presque oublié depuis dix ans de carrière, tout comme sa véritable identité. Certes, il avait gardé son prénom de naissance, mais il avait dû changer son nom de famille, car celui-ci n'était pas « vendeur ». Et comme il n'utilisait jamais sa carte d'identité – la paperasse, c'était son équipe qui s'en occupait – au fil des années, son nom de scène était devenu son unique identité. C'était aussi pour cette raison qu'il envisageait de faire une pause. Maxime décrocha au bout de la deuxième sonnerie, le sortant de ses pensées :

─ C'est bon, le champ est libre ? Demanda directement le kinésithérapeute.

─ Ouais, répondit Christopher. On a quatre heures devant nous.

─ Parfait ! Je suis là dans cinq minutes !

─ OK, à tout à l'heure.

Il raccrocha en se mordant la lèvre inférieure à la perspective de quatre heures de kinésithérapie d'affiler. Mais il n'avait pas le choix : avec ses tournées, ses interviews, ses photoshoots, ses apparitions en public et ses enregistrements, ses séances de kinésithérapie devenaient de plus en plus rares et ce n'était pas bon pour son corps. Cependant, personne de son entourage – à part son médecin personnel, ses parents, son producteur et son chorégraphe – ne savait que derrière la rock star se cachait un jeune homme atteint de la maladie d'ostéogenèse imparfaite – plus connue sous le nom de maladie des os de verre. Sinon, cette information alimenterait pendant des mois les couvertures des tabloïds et les commérages des plateaux télévisés – car après tout, il ne pouvait pas avoir une confiance aveugle à la centaine de personnes qui s'occupaient de près ou de loin à sa carrière. Ainsi, son kinésithérapeute et son balnéothérapeute ne l'accompagnaient pas durant ses multiples tournées. Parfois, Christopher se demandait ce que dirait Adrien le jour où il apprendrait que le gars qui chantait et dansait devant des millions de fans pouvait se retrouver à l'hôpital à cause d'un simple coup qui serait bénin pour la plupart des être humains, mais pas dans son cas. Son manager rigolerait peut-être, pensant à une mauvaise blague, ou alors, il exigerait de savoir pourquoi, après un an et demi de collaboration, il n'avait pas été mis au courant de cette information capitale qui concernait Christopher. Bien sûr, Adrien avait déjà dû voir la couleur peu naturelle de sa sclérotique, une des caractéristiques de sa maladie, lors des rares moments où Christopher ne portait pas ses lunettes de soleil, mais il ne pensait pas que son manager ferait un jour le lien avec l'ostéogenèse imparfaite. Oui, il savait que c'était irresponsable de ne pas mettre au courant le mec qui le voyait le plus dans une journée, mais il trouvait que cinq personnes dans la confidence, c'était déjà de trop, puisque ces personnes le prenaient pour un morceau de sucre. Oui, bon, dans les faits, c'était ce qu'il était, mais merde, il en avait plus que marre qu'on le lui rappelle sans cesse. Et pis, franchement, qu'est-ce que ça pourrait bien faire à Adrien ? Ce n'était pas en apprenant que son employeur pouvait se casser quelque chose en se cognant contre ne serait-ce qu'un simple meuble qu'il allait changer son comportement envers lui. Donc non, Christopher ne lui dirait jamais ce secret. Et c'était mieux ainsi. Quelques minutes plus tard, on sonna à la porte. Maxime, toujours d'une ponctualité sans faille, se tenait sous le porche de l'entrée, les cheveux dégoulinant d'eau et son anorak trempé.

RockStar ! (BxB)Where stories live. Discover now