Je suis Z

Chapitre 10 - Jason et Lucas

- ...Et si ça n'est pas le cas, demanda Jason avec hargne.

- Alors, vous n'aurez plus nulle part où vous enfuir. Répondis-je abruptement.

- Parce que tu te crois le centre du monde... hurla-t-il

- Non, répondis-je froidement, parce que je suis objectivement la seule personne assez dénuée d'instinct de préservation pour m'enfoncer seul dans une ville bourrée de créature monstrueuse pour aller tuer leur chef.

Ça lui cloua le bec.

Improbablement, je vis un mouvement sur le visage de Lucas. Il ouvrit les yeux en grand.

- JE TE HAIS... hurla-t-il au visage de Jason.

Je n'eus pas le temps de réagir qu'il avait sauté sur son frère pour lui arracher la gorge avec les dents. Alors que Jason tombait à la renverse, Lucas sautait à travers la fenêtre barricadée de planche de bois, survolait les barbelés et attaquait férocement un zombi dans le groupe qui marchait dans la rue.

Emma, affolée, tenta d'approcher de son frère. Je lui pris l'épaule pour l'en empêcher.

- Il n'y a rien que tu puisses faire pour lui. Il est déjà mort. Le coup qu'il a reçu au visage lorsque Lucas a pris son élan pour sauter par la fenêtre lui a brisé la colonne vertébrale. Il est mort instantanément du double choc métabolique.

Pendant ce temps, le garçon faisait une boucherie dans l'armée des morts. Ceux-ci tentaient bien de l'agripper, mais ils n'étaient ni assez vifs ni assez fort.

- Qu'est-ce qu'il a ? demanda Emma en larmes.

- Il est encore en cours de transformation. Il évacue sa haine. Il a reçu les informations de la part de Raphaël, certainement plus que ce que tu en as vu consciemment. Il vient de détruire plusieurs zombis que vous connaissiez, si j'arrive à lire correctement dans son esprit perdu dans le chaos. Il se calmera une fois qu'il aura fini de manger.

Je soupirais.

- Tu ne devrais pas regarder ça. Il ne restera pas ainsi, il est revenu trop tôt. Je ne sais pas ce que la charge virale va provoquer sur lui.

- Tu penses qu'il peut mourir, lui aussi.

Elle posa les yeux sur Jason et porta la main à sa bouche.

- Non, mais je ne peux pas te dire s'il sera sain d'esprit une fois la transformation achevée.

Je reçu de plein fouet une vague de pensée qui me fit vaciller.

- COMMENT ONT-ILS PU ?

Les mots étaient accompagnés d'images de visage pleurant ou suppliant, déformés par la douleur de fillettes ou de garçonnets qui subissaient les assauts du frère ou du père de Lucas. Les autres visages ne me rappelaient rien, mais... Raphaël se cachait le visage dans les bras d'Emma.

- Qu'est-ce qui se passe ? demanda-t-elle.

- Lucas est en train de découvrir la vérité sur vos familles. Je vais éviter de te donner des détails. Ce n'est pas nécessaire.

- Ils étaient tous pervers alors ?

- Dois-je vraiment ? Tu es en train de vivre un moment horrible de ta vie. Dois-je réellement te fournir des informations qui pourraient la détruire un peu plus ?

Elle me regarda dans les yeux sans répondre.

- Je vais seulement te dire que la perversion humaine se transmet d'une génération à l'autre. Ça n'excuse rien, mais ça explique. Ton frère avait le choix. Il n'a pas fait le bon.

Lucas revenait vers nous, couvert de sang, de chair putride, d'humeur poisseuse et noire. Son regard était éteint, comme si la haine était partie dans la violence et dans la mort. Il avait mangé, trop. Il mutait maintenant bien plus vite encore qu'il ne l'aurait dû. Je notais pour moi-même que la charge virale ne semblait pas produire les mêmes effets que pour Nancy ou Grace.

Un chien zombi lui sauta dessus, mais il rencontra une forme de bouclier solide qui répliqua avec une force décuplée et inverse. Celui-ci explosa comme un fruit trop mûr.

Il sauta les barbelés et entra dans la maison par la fenêtre détruite. Il attrapa le corps de son frère et le balança dehors comme un morceau de chiffon. Une lueur de haine vint alors briller dans son regard. Il se retourna vers Emma.

- Comment peux-tu n'avoir rien vu, Emma ? dit-il d'une voix normale.

Elle resta bouche bée, pleurant à chaudes larmes dans le plus tragique des silences.

- Tu savais, parce que tu étais une victime toi aussi... feula Lucas.

Je sentis sa colère disparaître comme une allumette s'éteint une fois qu'elle a brûlé son carburant. Il corrigea :

- Tu ne savais pas, mais tu le supposais et c'est pour ça que tu passais ton temps à me faire une place dans ton "loft". Tu as tenté de me protéger.

J'interviens.

- Regarde mieux.

Il fronça les sourcils.

- Tu ne te souviens de rien... mais tu as tenté de me protéger au mieux... sans le savoir.

- Reviens aux réalités, tu viens de tuer ton frère et de manger une partie du reste de ta famille. Te rends-tu compte de ce que tu as fait ?

- J'ai administré la justice. Dit-il froidement. Mon père était bien un salopard, mais pas un lâche, comme vous me l'aviez dit. Il vous a utilisés, consciemment, Jason et toi. Ton esprit a fait en sorte d'oublier, celui de Jason a assimilé. J'aurais été victime moi aussi, si je n'étais pas tombé de skateboard, de mon père ou de mon frère. BORDEL.

Je le regardais dans les yeux.

- Et maintenant ? demandais-je

- Mon corps me dit qu'il faut que je fasse une pause et que je dorme encore un peu, mon esprit, ou appelle ça comme tu veux, me dit qu'il faut que nous sortions d'ici au plus vite. J'aurais tendance à croire le second.

- Tu as raison, mais c'est risqué. Tu as absorbé tant de nourriture que la mutation provoquera une inconscience pour intégrer tout ce que tu as acquis. Dans ce cas, ta sœur et ton ami seront en danger. J'ai vu tes pouvoirs, je ne connais pas ceux de Raphaël.

- Alors, autant se barrer tout de suite ! rétorqua-t-il.