Jour IIII : Ou comment les choses semblent se calmer.

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On devient tous bipolaire sur cette plage, sans déconner.

Je regarde au loin pour voir où ma bagarreuse du dimanche se trouve. Elle n'est plus qu'une petite tige floue au loin et j'en déduis qu'elle en a encore pour une bonne dizaine de minutes avant de revenir. Je jette trois branches de la réserve dans le feu pour l'alimenter et m'éloigne du brasier. Je marche lentement vers la voiture. Le cratère d'impact dans lequel elle reposait n'a pas résisté au ponçage intensif de la dernière pluie. Elle semble maintenant au tiers engloutie par les grains de sable, comme si elle avait été là depuis toujours.

Je contourne la carrosserie et ouvre la portière du siège conducteur. Je me glisse tant bien que mal derrière le volant et reste assis là, sans rien faire. Après quelques minutes à regarder dans le vide, je pose mes mains sur le volant, enroulant mes doigts fermement autour du cuir.

J'aime conduire. Enfin, j'aimais. Sentir le moteur monter dans les tours, s'essouffler avant de passer la vitesse et rugir à nouveau pour atteindre sa pleine puissance, oui, j'adorais ça.

Je ferme les yeux et appuie sur la pédale des gaz. Rapidement cependant, je me rends compte du ridicule de mes gestes et souffle, dégouté. Je laisse mes mains tomber le long de mon corps, les poings serrés.

J'ai l'impression de devenir taré, c'est insupportable.

Je lève les yeux vers le miroir central. Je l'aligne avec mon visage pour y voir mon reflet.

Yeux verts et courtes boucles brunes sur un visage aux traits fins mais secs, je me redécouvre comme si j'étais un étranger. Je passe mes doigts dans mes cheveux asséchés par le sel et les laisse cascader le long du creux de mes joues. Les griffures ont tant bien que mal cicatrisé malgré la douleur et les brûlures causées par l'air salin et le sable.

Je me regarde sans broncher, le visage neutre.

J'ai toujours eu du succès avec les filles. Souvent, c'était même trop facile. J'aimais beaucoup ma vie avant d'atterrir ici. Né le cul dans le beurre de parents cadres dans une grande entreprise, j'ai navigué entre les années de collège et de lycée sans trop de problèmes. Plus intéressé par les soirées étudiantes que par les cours, j'ai fini diplômé d'une licence de commerce sans forcer. Avant l'incident nous ayant parachuté ici avec les autres, je vous avoue que je vivais donc une vie plutôt douce pour un jeune homme de vingt-deux ans. Et si rien n'était arrivé durant ce maudit covoiturage, j'aurais continué sur cette voie princière pour deux années supplémentaires, le temps d'un Master en marketing gracieusement financé par mon paternel.

M'enfin bon, tout ça me semble tellement sans intérêt maintenant. Je donne un coup de poing dans le volant et un fort klaxon retentit. Avant que qui que ce soit ne s'alarme, j'hausse la voix par la fenêtre cassée.

« Rien de grave, ce n'est que moi ! »

Je doute que de là où elle se trouve, Cynthya m'ait entendu. Au pire, elle reviendra plus tôt. Je penche la tête sur ma gauche par reflexe pour regarder dans le rétroviseur.

Sauf qu'il n'est plus là.

Je fronce les sourcils et tourne vivement la tête vers celui de droite. Ce dernier est fissuré en de multiples endroits mais bien présent. Je plisse les yeux.

Le verre du miroir n'est pas brisé en mille morceaux comme le verre trempé des fenêtres et du pare-brise. Il présente des fissures nettes, fines et bien droites, délimitant quelques éclats de taille conséquente. Je tourne à nouveau mon regard vers le rétroviseur de gauche.

« La garce... »

Harmony. Ça ne peut être qu'elle.

J'ouvre la portière et sort de l'habitacle. J'inspecte le sol et gratte le sable dans les alentours du rétro pour confirmer qu'il a bel et bien disparu. Mes conjectures se confirment, impossible de mettre la main dessus.

Biohazard - Disparus [ Tome 1 Terminé ]Where stories live. Discover now