Biohazard - Disparus [ Tome 1 Terminé ]

Jour - 1 : Ou comment tout s'arrête.

Début de soirée, autoroute A8...

« Moi vous savez, je suis psychologue, alors quand je ne suis pas au boulot, je n'ai pas envie de commencer à faire le profil des gens que je rencontre. Ça arrive tout le temps. » Commence le type à ma gauche.

Il s'appelle Sébastien, je crois. Mais je ne l'aime déjà pas, ça j'en suis sûr.

Ça ne fait pas dix minutes qu'on l'a rencontré et il nous balance déjà à la figure son métier et donc son statut social, le tout saupoudré de juste assez de condescendance pour me donner envie de lui en mettre une dans le nez. Je compte mentalement les secondes qui nous séparent de sa première tentative de psychanalyse.

« Vraiment ? » Répond la rousse à ma droite. Sa voix aiguë me donne de l'urticaire. « Ça doit être passionnant ! »

Tu parles, il doit passer ses journées à écouter des adolescents faussement dépressifs et des féministes frustrées par leur dernière rupture amoureuse. Je tourne la tête vers elle, lui décochant un petit sourire en coin, façon Clint Eastwood.

« Ouais ! Et puis quelle émotion ça doit être de voir ses patients faire des progrès ! » J'enchaîne.

Pardonnez-moi l'hypocrisie, mais il faut me comprendre : elle est plutôt bien foutue. D'autant plus qu'elle me dévore du regard depuis notre départ, et ce serait une insulte à tous les puceaux de la Terre que de ne pas répondre à ses secrètes attentes. Vous me trouvez arrogant ? Ravalez votre jalousie va, j'en suis conscient et ne vous inquiétez pas pour moi, je le vis très bien. Son regard bovin croise le mien et elle hoche vivement la tête. Le psy, aveuglé par son orgueil de quinquagénaire en manque de reconnaissance, ne comprend pas qu'il ne sert que de prétexte à notre séance de drague bas-de-gamme et continue son discours autobiographique.

« Ça oui ! C'est à chaque fois un vrai sentiment d'accomplissement. Je n'aurai pas pu rêver mieux, être utile aux autres, c'est le plus beau des salaires. »

Tête de nœud.

« Vous avez de la chance en tout cas, moi je suis magasinier dans la vente de batteries automobiles, et question accomplissement, je peux vous garantir que c'est pas un grand cru. » Intervient le conducteur du covoiturage.

J'apprécie la franchise du bonhomme. Il doit avoir la trentaine, un peu beauf sur les bords. Ça ne m'étonnerait pas qu'il ait un tatouage tribal caché sous ses vêtements.

« C'est toujours mieux que d'être au chômage, vous me direz ! » Je tente.

Je suis bien conscient de l'inutilité rhétorique de mon intervention mais je me dois de continuer à jouer mon rôle de mec sociable pour impressionner ma future victime. Je sens son regard sur moi. C'est cependant la copine du conducteur – j'ai oublié son nom d'ailleurs – qui se retourne du siège passager pour me lancer un regard que je trouve agressif.

« C'est surtout super bien payé, Arthur ne disait pas ça en se plaignant. »

Wow. Qu'est-ce qu'elle me veut celle-là avec ses cheveux blonds de retardée et ses fossettes de cadavre. Sorcière.

« Euh... » J'agite mes mains devant moi en signe de paix. « Je ne disais pas ça en mal, je me doute que personne n'oserait se plaindre d'avoir un emploi, quel qu'il soit, surtout à l'heure actuelle. »

Mon numéro de coupable fait mouche et la sorcière plisse les yeux une fraction de seconde avant de se remettre droite sur son siège.

J'ai la désagréable sensation qu'elle se doute que l'image du gars cool que j'essaye d'installer n'est en fait qu'une façade.