Chapitre 24

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J'écope de quinze jours de dispense de sport, jusqu'à ce que tous mes points soient retirés. En ce qui concerne Maxence, il n'a pas le nez cassé, mais souffre de diverses contusions et coupures au visage. Il va devoir rester sur le banc de touche pendant au moins trois semaines. Ça ne va pas plaire à notre capitaine d'équipe et encore moins à notre entraîneur. Je me prépare à me faire sévèrement remonter les bretelles. Cela a déjà été le cas avec mon père, je ne suis plus à ça près. Même si mon vieux s'est montré très indulgent devant le médecin, j'ai prix cher en rentrant à la maison : il m'a une fois de plus mis plus bas que terre. Ma relation avec lui se limite désormais à des engueulades et des insultes, nous ne parvenons plus à nous comprendre ni à communiquer. Je n'en ai plus la volonté. Son comportement me dépite, probablement autant que je le déçois moi-même.

Maxence et moi ne nous sommes pas reparlés depuis que nos parents sont venus nous chercher chez Alice. Qu'aurais-je de plus à lui dire ? Maxence est un égoïste qui ne pense qu'à lui, incapable de se remettre en cause. Ce qui le rend aujourd'hui vulnérable, ce n'est pas ce qu'il a pu faire aux trois filles, mais bien les conséquences de ses actes qui compromettent son avenir. Sa carte m'intrigue encore. Elle est liée à celle de Romane et celle de Fleur. Mais je me questionne sur cette troisième lycéenne. Peut-être s'agit-il tout simplement de Maëlle. Après tout, il s'est plus que foutu de sa gueule, je pense qu'il est même à l'origine de son surnom « Babine ».

Inconsciemment, j'associe Fleur à mes réflexions. Dès que je songe à Maxence, elle apparaît. Je n'ai pas eu de nouvelles d'elle depuis hier soir, malgré les deux SMS que je lui ai envoyés avant de m'endormir et les deux de ce matin. Je m'inquiète, même si je ne devrais pas, mais je perds tous mes moyens quand elle arrive sans prévenir dans ma tête. Ses traits prennent toute la place et m'obsèdent. Est-ce parce que c'est la première fille qui résiste aussi longtemps ou bien ai-je vraiment des sentiments pour elle ?

L'envie de la revoir est plus forte que moi. J'ai le visage en feu et je ne suis pas du tout à mon avantage aujourd'hui. J'ai la bouche raide, et même du mal à articuler à cause des points qui me tiraillent à la commissure des lèvres, mais tant pis.

Encore un peu choqué par l'assaut de Maxence, je choisis de rendre visite à Fleur en début d'après-midi, avant la nuit. Tant que toute cette histoire ne sera pas dénouée, je ne veux plus me balader dans l'obscurité. Entre mes illusions nocturnes et l'attaque d'hier soir, la peur du noir grandit et un malaise m'envahit au fur et à mesure que les heures passent et que j'avance dans la ruelle où je me suis battu. Au coin de chez Fleur, je tombe nez à nez avec Alice.

Tandis qu'elle marche en lisant son smartphone, la brune semble préoccupée. Ses yeux sombres très maquillés fixent l'écran avec inquiétude pendant qu'elle mord sa lèvre inférieure. Elle sait se mettre en valeur. Je constate de suite qu'elle a forcé sur le trait noir qui dessine à la perfection ses sourcils et porte sa jupe courte qui moule son corps de rêve. Heureusement qu'elle est belle, car elle ne me paraît pas très intéressante comme fille. Elle a peu de conversation en dehors de ce qui tourne autour de la mode et de ses jugements sur le physique des autres...

— Bonjour, la salué-je en m'avançant vers elle.

Avant de me tendre la joue, elle marque un temps d'arrêt et regarde autour d'elle, comme pour vérifier que personne ne nous voit. Je trouve cela assez surprenant de sa part et me souviens de son attitude méfiante d'hier au soir devant chez elle. Alice, habituellement exubérante, se veut soudain plutôt discrète.

— Coucou, comment tu vas depuis hier soir ? me demande-t-elle en avançant sa bouche couleur carmin. Merde, je t'ai mis du rouge à lèvres...

Elle m'essuie délicatement la joue avec ses doigts pendant que je me laisse faire. Je fais une grimace en la voyant lécher son pouce pour frotter mon visage toujours sensible à cause des coups de Maxence. J'en profite pour l'interroger sur celle qui me préoccupe :

— Tu as des nouvelles de Fleur ?

— Non, mais j'y vais. J'ai rendez-vous avec Apollon ! Pourquoi ?

Elle marque un temps d'arrêt et me dévisage, comme si elle venait de comprendre que j'en pinçais pour son amie, la jolie blonde. Un peu gêné, je balbutie un prétexte bateau qui justifie ma présence :

— Je dois lui demander un truc...

Alice lève les yeux au ciel pour me signifier qu'elle n'y croit pas une seconde et conclut en me mettant une petite claque sur la joue :

— C'est bon ! T'as plus rien, B. G.

— Merci.

J'enfonce les mains dans les poches de mon pantalon. Je n'ai pas envie qu'Alice balance à mon capitaine que j'ai des vues sur sa sœur. J'ai assez d'embrouilles avec Maxence et le reste de l'équipe, je n'ai vraiment pas besoin de plus en ce moment.

— Si ça ne te dérange pas, je pars devant... Je ne veux pas qu'Apollon nous aperçoive ensemble, lâche-t-elle en regardant à nouveau autour d'elle.

— T'es sérieuse ?

— Ouais, bon, écoute Paul, je suis à la bourre... Attends deux minutes avant de te pointer !

Elle me plante aussitôt sur le trottoir, me tournant le dos pour s'échapper rapidement.

Je décide de m'allumer une cigarette pour passer le temps, en songeant qu'Alice m'intrigue avec tous ses mystères. Serait-elle l'une des douze ? Il me manque encore trois noms et j'en viens à être complètement paranoïaque et soupçonner tous les élèves de la classe.

Une fois ma clope terminée, je sonne à la porte de la petite maison aux pierres blanches.

Apollon ne met pas longtemps à ouvrir et me fait aussitôt entrer. En découvrant mon visage, je sens qu'il est contrarié. Évidemment que cela ne lui fait pas plaisir que ses deux meilleurs joueurs s'entretuent pour finir sur le banc de touche des trois prochains matches alors que nous sommes en plein milieu de saisons et que le tournoi de dimanche est décisif. Je hausse les épaules et tente de me justifier en prenant un air désolé :

— Excuse, frère, je me suis emporté !

Le beau brun au nez retroussé ne l'entend pas de la même oreille. Sa mine renfrognée me toise pendant que ses yeux noirs me lancent des éclairs.

— Le problème avec toi Paul, c'est qu'en ce moment tu te mêles de la vie des gens au lieu de fermer ta grande gueule !

Il passe nerveusement sa main dans ses cheveux pour leur donner du volume sur le haut du crâne et pince ses lèvres épaisses en signe de mécontentement. De mon côté, je n'en mène pas large et tente de plaider ma cause :

— Maxence m'a tout de même sauté dessus hier soir...

Après tout, je ne dis que la vérité : pour la bagarre, je n'y suis pour rien, je n'ai fait que me défendre et je trouve injuste de tout me mettre sur le dos.

— Ça fait un mois que tu le cherches, alors que je t'avais prévenu ! dit-il en agitant ses mains puissantes sous mon nez.

— Écoute, je pense que cette fois, c'était la dernière ! On s'est réglé notre compte !

— J'espère bien parce que sinon, il faudra que l'un de vous se retire de l'équipe et ce serait vraiment dommage !

Je n'avais pas imaginé pouvoir être mis au pied du mur de cette façon. J'adore le rugby et sa menace me va droit au cœur. Je suis blessé, mais je comprends que pour les autres joueurs la situation devient intenable. Je décide de me soumettre, pressé de retrouver Fleur.

— OK, approuvé-je en m'inclinant devant mon capitaine. Est-ce que je peux voir ta sœur ?

Dans un premier temps, le grand brun semble surpris par ma demande. Il hésite et m'observe quelques instants à la recherche d'informations sur mes intentions.

— Tu lui veux quoi ? Elle n'est pas super en forme !

— J'ai besoin qu'elle m'aide pour un cours...

Je ne trouve aucune autre raison pour justifier ma présence. Apollon se méfie toujours des gars qui tournent autour de sa jumelle, dont il est relativement proche et plutôt protecteur. Je le soupçonne même parfois d'être un brin jaloux. Il finit par m'indiquer d'un coup de menton la chambre à l'étage avant de m'abandonner pour rejoindre Alice, qui l'attend les bras croisés dans le long couloir en pierres apparentes.

Happy Halloween ! (Terminé)Where stories live. Discover now