Chapitre 6

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Alors que Clémence est à quatre pattes en train de chercher à tâtons son pantalon et son string rouge que j'ai envoyés voler quelque part pendant nos ébats, je reprends ma respiration. Je retire ensuite ma capote pleine pour la balancer dans le laboratoire désaffecté, du côté des postes de travail.

— Tu veux que j'allume la torche de mon portable pour t'éclairer ? lui proposé-je avec galanterie.

J'estime que c'est la moindre des choses, après le plaisir qu'elle vient de me procurer. Il n'y a rien d'affectif entre nous, pas d'effusion remplie d'amour, juste des baisers chargés de désirs.

— Oublie ça de suite ! refuse-t-elle, probablement par pudeur. C'est bon, j'ai trouvé !

— OK, super !

Rapidement, je remonte mon boxer et mon jean en vérifiant que mon portable est toujours dans ma poche arrière, puis je retrouve mon sac de cours tombé près de la porte. Dans le couloir et au-dessus de nos têtes, les bruits de chaises qui raclent sur le sol m'indiquent que la récréation est sur le point de se terminer. Pressé de déguerpir pour m'éloigner au plus vite de Clémence à qui je n'ai pas envie de faire la conversation, je lui annonce illico que je pars le premier pour éviter que l'on nous voie sortir de la pièce ensemble.

— C'est ça ! Barre-toi ! me répond-elle sur un ton indifférent.

Je quitte aussitôt la salle que tout le monde surnomme La Morgue, laissant ma partenaire dans le noir total tandis qu'elle est en train de renfiler son jean stretch. Je l'abandonne là, comme si je n'en avais strictement rien à faire. C'est faux, je m'échappe, car je ne sais pas comment me comporter avec elle pour éviter qu'elle se fasse des plans sur la comète. Je fuis pour esquiver le dialogue et les questions, je ne veux rien qui puisse ressembler de près ou de loin à une vie de couple.

Je ne suis même pas certain qu'elle ait aimé ça, je la soupçonne d'être une pro de la simulation. Elle pousse parfois avec exagération tellement de « Oh oui, vas-y, plus vite » pendant que je la baise, que je doute fortement de sa sincérité. Je pense qu'en réalité, elle n'éprouve jamais rien, je ne saisis pas vraiment pourquoi elle s'offre comme ça à moi et à tout le monde. Si elle ne ressent rien, pourquoi se donner ainsi ? La prochaine fois, j'essaierai de prendre vraiment du temps pour la faire jouir. J'ai envie qu'elle aussi y trouve son compte, je me sens un peu coupable de ne pas être un bon amant et d'être ce genre de gars.

Finalement, je réalise en sortant que la récréation est largement finie et j'arrive en retard au cours d'anglais. Après m'être excusé, je rejoins Benjamin qui somnole, avachi sur un coin de son bureau, la capuche de son sweat remontée sur sa tête.

— Faut dormir la nuit, « xiao didi* » ! le bousculé-je en m'asseyant.

Il pousse un râle et me fait un doigt d'honneur avant de s'affaler à nouveau.

Clémence me libère provisoirement de mon amertume, je suis désormais d'humeur joyeuse.

Bizarrement, elle ne réapparaît pas en classe de la matinée. Cette fille est assez solitaire et je ne me formalise pas vraiment sur son absence, car elle est abonnée aux heures de sèche. J'essaie de la sortir de ma tête pour me concentrer sur la leçon, malgré le souffle de Benjamin qui respire fort à proximité de moi.

Clem ne se remontre pas de la journée, ni en cours, ni au self et encore moins à l'arrêt de bus. D'habitude, je ne m'alarme pas le moins du monde, mais ce soir, une angoisse trouble mes pensées. J'abuse vraiment de me comporter comme cela avec elle. Je souhaite simplement qu'elle ne s'attache pas plus à moi, ou qu'elle n'espère rien en retour des grâces qu'elle m'accorde ! J'ai sans cesse été clair sur ces points et je n'ai pas toujours eu le sentiment qu'elle voulait la même chose. Ce matin, j'aurais tout de même dû être un minimum plus correct et délicat... Pourvu qu'elle ne soit pas vexée du manque d'attention dont j'ai fait preuve, j'aurais dû attendre qu'elle sorte de la salle...

Alors que je culpabilise et me pose mille questions sur ce que j'aurais dû faire ou pas avec ma sex-friend, Leila, ma voisine, me tire de mes pensées. Je suis assis dans le bus à côté de Benjamin qui souffle sur la vitre pour dessiner des bites quand, de l'autre côté de l'allée, la brune me tapote sur le bras en m'interrogeant à voix basse pour que personne n'entende :

— Paul, t'es au courant pour le test de grossesse retrouvé dans les chiottes des filles ?

— Quoi ?

Le car est plein et les lycéens chahutent pas mal devant nous, j'ai peur de ne pas avoir bien saisi le dernier ragot du bahut que me relate mon amie d'enfance. Pourtant, Leila semble très sérieuse et surtout inquiète. Elle se rapproche de moi pour me chuchoter à l'oreille :

— Bah, je suis tombée sur un test de grossesse positif dans les chiottes !

— Et alors ?

Je continue de la faire parler davantage et afin de connaître le fin mot de cette histoire. J'aimerais bien savoir à qui appartient ce foutu test. Je tends mon cou dans sa direction, pour ne pas perdre une miette de ce qu'elle me raconte.

— Bah, y a une meuf qui se trimballe dans le lycée et qui est enceinte... '

— Ah ! C'est pas toi au moins ?

Je taquine mon amie musulmane qui jure depuis toujours de rester vierge jusqu'au mariage. Je l'admire pour cela, et surtout, je voue un culte à son mec, Maxence, un de mes coéquipiers de rugby !

Elle s'indigne de ma réponse et me met un coup sur la cuisse, puis sourit en levant les yeux au ciel d'un air blasé. Je reconnais que ma blague est nulle et lourde, d'habitude, j'en ai des meilleures.

— T'es con ! Et toi ? Avec toutes les meufs que tu t'es tapées ces derniers temps...

Leila m'affronte sérieusement, mais je chasse ses doutes sur-le-champ et lui réplique avec fierté :

— Aucun risque, j'ai toujours mis des capotes...

— Tu en es sûr ?

Elle insiste avec son regard noir perçant, souligné par un trait d'eye-liner. À ce moment précis, je reconnais que Leila est très belle, je n'avais jamais réalisé auparavant à quel point. Je balaie aussitôt cette pensée en me disant que ce n'est pas mon genre de meuf.

— Absolument !

— Cool !

Benjamin nous observe et se rend compte de nos messes basses, il se penche vers nous et nous interroge pour savoir ce qu'il se passe. Je lui réponds, un grand sourire aux lèvres :

— Y a une couille dans le pâté chez les filles !

Leila et Benjamin sont mes deux voisins. Nous nous connaissons depuis la maternelle. Benji et moi avons un an de plus que notre amie, puisque nous avons tous les deux été recalés au bac... Leila est plutôt bonne élève et d'une famille très respectable qui travaille dur et lui accorde peu de liberté. J'aime son franc-parler et sa facilité à s'intégrer auprès des gens.

— Paul, t'as engrossé qui ? se moque de moi Benji.

Je l'attrape par le cou pour le coincer sous mon bras et le chahute un peu tandis qu'il se débat, avant de lui rétorquer :

— C'est sûr, qu'à toi, personne ne te posera cette question !

Assurément je n'ai aucune crainte, je prends toujours mes précautions. Mais cette histoire me turlupine à nouveau l'esprit au sujet de Clémence. Je dois impérativement avoir de ses nouvelles. C'est tout de même bizarre qu'elle disparaisse le jour où un test de grossesse est retrouvé au lycée.

En rentrant chez moi, je lui envoie plusieurs SMS, mais elle ne me répond pas. Je tente également de l'appeler et lui laisse plusieurs messages sur sa boîte vocale. Sans résultat !

Finalement, je baisse les bras et me dis que forcément demain, j'en saurai davantage. Il y a une chose dont je suis certain : si Clémence est effectivement enceinte, ce dont je doute fortement, cela ne peut pas être de moi !

Et si ce n'est pas elle qui est en cloque, je me demande bien qui cela peut-être ?

 
Xiao didi* : Insulte chinoise : petit frère = petite bite.

Happy Halloween ! (Terminé)Where stories live. Discover now