Chapitre 14

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Au lycée, les échanges de nudes se tarissent d'eux-mêmes. Plus aucun élève ne fait confiance à son voisin et chacun efface les photos perverses de la bibliothèque de son portable, moi le premier. De son côté, Romane ne souhaite pas réintégrer l'établissement pour le moment, elle demeure cloîtrée chez elle, honteuse. Lors d'une discussion que j'ai avec elle via Messenger, la jolie blonde m'indique s'être enfin résolue à raconter toute cette histoire à ses parents qui la décident à déposer plainte contre Maxence.

Depuis, l'ambiance de notre classe se dégrade sérieusement. Deux clans se forment, celui des filles qui soutiennent Romane, mais aussi Leila qui sortait avec Maxence, et celui des gars qui cautionnent l'attitude du rugbyman en partant du principe que l'auteure des clichés était consentante.

Comme d'habitude, assis en fond de salle, au milieu de cette zizanie, Benjamin et moi observons avec attention les comportements de chacun et en particulier celui du blond ténébreux coiffé comme Justin Bieber. Ce dernier change à vue d'œil et bien qu'il n'ait jamais eu un tempérament discret, nous le voyons s'affirmer de plus en plus, comme s'il voulait profiter de son heure de gloire. Sur l'estrade, il a pris la place du professeur et se pavane devant le tableau noir en jonglant avec son paquet de cigarettes. Son col de polo couleur azur relevé, il toise les gens avec son regard bleu et arbore un sourire satisfait qui décontenance ceux qui le croisent. Cela fait plus d'une heure que nous supportons ses réflexions humiliantes, qui ne font rire que sa cour de bourrins, tandis que nous sommes censés préparer cette foutue fête d'Halloween.

— Je valide l'idée de la soirée masquée ! annonce-t-il comme s'il était l'unique décisionnaire. Vous me reconnaîtrez tous ! Je serai déguisé en Romane ! Enfin en fantôme, mais bon, c'est pareil !

Il fait une grimace et adopte une attitude féminine aguicheuse pour imiter la jeune fille. Aussitôt, des rires de voix graves se font entendre du côté de la partie mâle de la pièce, alors que je me tourne vers Benjamin qui n'émet aucune émotion. Stoïque, il lève les yeux de son portable pour dévisager le gars du groupe qui prend le pouvoir. Dans la plus grande discrétion, je me penche vers lui pour lui chuchoter à l'oreille :

— Apollon va péter un câble !

— Je ne pense pas, ils sont bien trop potes !

— Fais-moi confiance ! Apollon est un jaloux maladif ! Il ne supportera pas de passer au second plan ! C'est le capitaine de l'équipe, n'oublie pas !

Personne ne réfléchit réellement au déroulement de la soirée. Dans un brouhaha assourdissant, Benjamin scotche sur son téléphone, tandis que je recopie son devoir de Maths. Les chaises des élèves qui ne cessent de se lever crissent et les voix se mélangent pour former un bourdonnement intenable jusque dans les couloirs les plus éloignés.

Maxence, la démarche assurée, s'oriente maintenant vers la fenêtre qu'il ouvre en grand avant de s'allumer une cigarette. Les filles sont outrées par son comportement et l'une d'entre elles, Alice, tente de s'opposer à l'adolescent à la carrure imposante. Elle pointe du doigt le centre du plafond et crie dans sa direction :

— Y a des détecteurs d'incendie !

Mais le rugbyman recrache lentement sa fumée vers l'extérieur avant de demander sur un ton provocateur :

— Ils sonnent ?

Alice n'est pas du genre à se dégonfler, elle a un atout de taille contre Maxence : elle sort avec Apollon.

Content de la tournure que prennent les événements, je me penche à nouveau vers Benji pour lui dire. :

— Je mise sur Alice ! Elle aura le dernier mot !

Happy Halloween ! (Terminé)Where stories live. Discover now