Chapitre 17

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La nuit s'écoule au rythme fou de la mélodie qui résonne dans l'oreillette que Fleur a consenti à me prêter. La jolie blonde semble désormais endormie sans que nos doigts ne se soient quittés. J'ai la main engourdie maintenant, et je ne veux surtout pas la réveiller en m'extirpant de son emprise. Le plus délicatement possible, j'essaie de m'échapper. La musique s'est arrêtée depuis un long moment et tandis que je me lève, j'oublie que j'ai toujours l'écouteur dans l'oreille. Dans la plus grande maladresse, je fais tomber le portable qui pend par le fil. Je le rattrape in extremis et le repose sur le lit alors qu'il s'allume, laissant apparaître l'arrivée d'un message. Je reconnais aussitôt le graphisme et mon cœur se met à taper fort dans ma poitrine. Je reste paralysé devant l'écran, en déchiffrant ce putain de texto. À quoi peut bien faire allusion Devil ?

Chagrin d'amour ? Je n'ai jamais connu Fleur avec qui que ce soit ! « En ton ventre ? » Je songe aussitôt à la rumeur de la lycéenne enceinte

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Chagrin d'amour ? Je n'ai jamais connu Fleur avec qui que ce soit ! « En ton ventre ? » Je songe aussitôt à la rumeur de la lycéenne enceinte. Et si Fleur...

— Tu fais quoi ? m'interrompt-elle soudainement, encore somnolente.

Évidemment, je sursaute au son de sa voix. La carte de Devil m'inquiète tout à coup, en pensant qu'elle est impliquée dans ce tourbillon macabre.

— J'allais te laisser, mais j'ai fait tomber ton tél et t'as reçu un truc, dis-je en lui tendant le portable enfin éteint.

Elle le saisit pour le consulter. Face à elle, je l'observe en silence. Elle finit par relever ses yeux sur moi, désespérée.

— Fleur, es-tu enceinte ? murmuré-je affligé par ce qu'elle va m'avouer.

Calmement, Fleur glisse le long du lit pour s'asseoir devant moi qui suis debout. Elle lève la tête pour tenter de me regarder, mais c'est trop dur, elle s'effondre contre ma cuisse.

Merde. Je déteste les gens qui pleurent. Je me sens con devant eux, je n'ai jamais les mots justes pour les soutenir. Je finis par m'accroupir pour être à sa hauteur. Je pose mon front contre le sien. Et je comprends que si elle n'a pas répondu à ma question, c'est tout simplement, parce que Fleur est cette lycéenne perdue qui attend un enfant.

— Fleur, on a tous nos secrets. Laisse-moi t'aider.

— Ça va aller... J'ai rendez-vous pour un avortement la semaine prochaine, me lance-t-elle la gorge serrée.

Les mots ont du mal à sortir. Elle tremble et sèche sans efficacité ses larmes d'un revers de manche tandis qu'elles reviennent de plus belle.

— Tu as bien réfléchi ?

Sa tête glisse dans mon cou et je l'entoure de mes bras pour lui offrir un peu de réconfort et beaucoup de courage. Bouleversée et honteuse, elle me répond, sans oser me regarder, par brides de phrases dont je me contente :

— Je ne veux plus y penser !

En l'étreignant un peu plus fort, je ne peux pas m'empêcher de lui demander avec amertume et envie qui elle désire oublier. La carte énonce un chagrin d'amour, Fleur a donc été éconduite. Ma curiosité est à son point culminant, je souhaite plus que tout connaître celui qu'elle affectionne et qui la fait tant souffrir. Quelle est cette personne qui a gagné son cœur et le lui a brisé ? Sait-il que la jeune fille est enceinte ? L'a-t-il abandonné lâchement dans cette galère ? Elle renifle sans distinction alors que je me pose mille questions et passe en revue tous les garçons qu'elle a pu approcher de près ou de loin au lycée. Je dois forcément le connaître pour qu'elle ne lâche pas le morceau ! Malgré tout l'intérêt que je lui porte, je n'ai pas envie d'insister ni de la forcer à me le dire. Elle semble assez confuse et malheureuse. Pourtant elle ouvre enfin la bouche, hésite, bégaie et me susurre d'une toute petite voix :

— Maxence !

Puis elle se lève avec précipitation, me bousculant au passage, pour s'échapper de la chambre. Abattu par ce qu'elle vient de me confier, je ne réagis pas suffisamment vite pour la rattraper. Je suis figé, debout dans l'obscurité de la pièce, rongé par la jalousie. Je hais tout ce que Maxence fait, ce qu'il est, et ce qu'il représente. Ce salaud a profité de l'innocence de Fleur. Il a partagé les photos intimes de Romane. Il était en couple avec Leila au moment des faits. Rien ne l'arrête, il n'a aucun respect pour qui que ce soit, il me dégoûte.

Lorsque je réalise que j'ai laissé Fleur partir seule, je cours derrière elle pour la suivre. Elle est dévastée et ce serait dégueulasse de ma part de l'ignorer. Elle est sur le point d'entrer dans la salle de bains, à l'autre bout du couloir. Elle vient d'ouvrir la porte. Sa main est encore sur la poignée, mais elle demeure immobile à fixer quelque chose.

Des cris de terreur résonnent, en provenance de sa direction. Une boule au ventre, je me précipite à grande enjambée vers elle, me demandant ce qui peut bien se passer dans la pièce. Les hurlements me donnent la chair de poule, je repense à toutes les invitations de Devil et je suis mort d'inquiétude à l'idée de ce que je vais découvrir.

La porte se referme d'un coup violent. Je pousse Fleur et cogne fort en ordonnant d'ouvrir. À ma grande surprise, c'est Benjamin qui se présente dans l'entrebâillement.

— Benji ? l'interrogé-je étonné. Qu'est-ce que tu fous ?

— Rentre, me convie-t-il en dégageant le passage.

Tous les spots de la pièce sont allumés pleins feux. Je suis ébloui quelques instants, puis je reconnais Clémence assise sur le bord de la baignoire d'angle en train d'arroser un gars blond, à la carrure imposante, qui semble endormi, à moins qu'il n'ait perdu connaissance.

— Mais vous foutez quoi ?

— C'est Gabriel ! m'informe Clémence sans me regarder.

— Il est défoncé ! ajoute Benji en mettant ses mains dans les poches de son jean.

Il apparaît gêné, dépassé par la situation.

En m'approchant de Gabriel, je le découvre totalement inconscient, pâle, les yeux ouverts, la tête appuyée contre la margelle de la baignoire.

— Depuis quand est-il dans cet état ? demandé-je en réfléchissant à ce que je pourrais bien faire.

Je ne suis pas médecin, bordel ! J'ai l'impression qu'il va crever si on ne réagit pas très rapidement. Dans un premier temps, la panique m'envahit, j'ai envie de prendre mes jambes à mon cou et de m'enfuir très loin. Puis, c'est la peur qui suit, mon sang se glace et j'ai des sueurs froides. J'essaie de me maîtriser. L'heure est très grave. La vie du gars est entre nos mains. Je dois être responsable et réfléchir vite, car autour de moi, personne n'est en état d'agir de manière raisonnée. L'angoisse rend Benji nerveux, il fait les cent pas en se creusant la tête tandis que Fleur reste statufiée dans l'entrebâillement de la porte. De son côté, Clémence n'est pas mieux : les pupilles dilatées, elle peine à ouvrir les yeux et parle au ralenti. Elle est complètement défoncée.

— Un quart d'heure ! marmonne-t-elle sans conviction.

Je m'avance pour éteindre le robinet de l'eau glacée, relié à la paume de douche avec laquelle Clémence l'arrose. Je saisis Gabriel par les cheveux pour lui coller deux bonnes claques en pleine tronche, en hurlant son prénom sans que celui-ci n'émette une réaction.

— Bordel ! gueulé-je en me tournant vers Fleur qui reste muette à l'entrée de la pièce. Appelle-les secours ! Bouge-toi !

— Mais Paul, ça va foutre la merde chez Alice ! me dit Clémence en paniquant.

— Parce que s'il crève dans la baignoire, tu penses que ce sera mieux ? Il a pris quoi ? Alcool ? Drogue ? Il a fumé ?

Alors que Fleur est en ligne avec les pompiers dans le couloir, Clémence me fait la longue liste de toutes les substances illicites qu'il a ingurgitées. Les secours vont probablement lui faire un lavage d'estomac. L'idée me vient de l'obliger à vomir. Je ne sais absolument pas s'il s'agit d'une bonne solution, mais tant pis ! Je tente !

— Benji, aide-moi à le relever, je vais le faire gerber !

— Oh, putain ! lâche Clémence en se mettant la main sur la bouche comme si elle aussi, allait rendre tout ce qu'elle a avalé dans la soirée.

— Va en bas ! lui ordonné-je en enfonçant deux doigts au fond de la gorge du grand blond. Préviens Alice ! Et appelez les parents de Gabriel !

Happy Halloween ! (Terminé)Where stories live. Discover now