II : Le reflet abyssal de son âme égarée

784 57 0
                                    

Peyton

Il n'a même pas eu besoin de découvrir mon corps pour que je me sente à nue. Aucun besoin de s'occuper de mon intimité pour être invité au plus profond de moi. Pas même de le reconnaitre pour me sentir connecter.

Je me lève avec une terrible gueule de bois. J'ai le classique en tiercé ce matin : migraine, fatigue et ballonnement. En clair, je suis vaseuse et pas franchement engagé pour faire face à la journée. En plus, dans un trou aussi pourri que celui-ci mieux vaut rester couché. Je pense d'ailleurs à me rendormir lorsqu'une main jaillit de nul part et me claque le visage. Je gémis, l'autre personne grogne et bientôt j'ouvre un œil apercevant un ongle court mais vernis de rouge écaillé sur ma joue.

_Raina, râlais-je en soulevant sa main de mon visage par l'un de ses doigts, fais attention.

Elle gémit encore et je la pousse du pied constatant qu'elle est en travers du lit, allongée sur le ventre. Elle finit par se tourner et se passe une main sur le visage en soufflant.

_Mon crâne....

_Je sais, la coupais-je, ne parle pas, s'il te plaît.

Nous restons alors quelques secondes silencieuses pour nous remettre les idées en ordre et tenter de calmer la mer déchaînée dans mon estomac. Soudain mon portable vibre sur la table de chevet à mes côtés. J'ouvre les yeux : la petite chambre miteuse est plongée dans le noir, Raina semble s'être déjà rendormi et je prends mon portable faisant glisser un doigt pour le déverrouiller. J'ai un message de James mon meilleur ami.

James
Alors comme ça on part sans prévenir ? Tu aurais au moins pu me faire rencontrer tes amies célibataires. En attendant, j'espère que tu t'amuses bien. Reviens vite, bisous.

Je tape une réponse à la va-vite essayant d'avoir l'esprit assez clair pour écrire un message compréhensible alors que mon cerveau est encore enfumé et que la luminosité de l'écran me fait plisser les yeux.

Moi
Pas eut le temps de prévenir, désolée. Crois-moi tu ne perds rien avec ces filles. C'est pas super fun d'être ici. Profite de Philadelphie pour moi. Je rentre demain, bisous.

Je repose mon téléphone et me redresse dans le lit en soufflant doucement. Les deux pieds au sol, les poings serrés appuyer sur les draps je tente de me relever plus à l'aide de mes bras que de mes jambes. J'ai beaucoup trop peur de m'effondrer. Lorsque je me lève enfin, une réponse presque immédiate de James fait vibrer mon téléphone et Raina gémît encore. Je ne prends pas la peine de le regarder, ayant la tête qui tourne et me dirige directement vers la petite salle de bain que peut contenir la pièce. C'est déjà un exploit. Bien sûr, la peinture des murs s'effrite, les joints du carrelage sont noirs et je peux apercevoir un peu de moisissure sur la cuvette des Wc et du pommeau de douche en plus de la rouille. Pour couronner le tout ; l'eau est à peine tiède. Je retire alors ma main du jet d'eau et me déshabille pour entrer dans la cabine. Je passe mon visage sous l'eau en rejetant la tête en arrière et plaquant d'une main mes cheveux dans le même sens. J'efface ainsi toutes traces de maquillage dégoulinant et me remets les esprits en place. La plomberie crachote et l'eau se fluidifie un peu plus. Je prends le shampoing et en place une noisette dans ma main avant de l'appliquer sur ma chevelure cendrée et une étrange réaction envahit mon corps. Le shampoing me rappelle vaguement une autre odeur ; un parfum, et là soirée de la veille surgit dans mon esprit.

La fin de soirée au club est le plus flou et dense de mes souvenirs, mais je me souviens parfaitement d'avoir dansé avec un stripteaseur. Je rince mon shampoing et passe au gel douche pour le corps. Mes mains voyagent sur chaque centimètre carré de ma peau et étrangement je vois celles du bel Apollon d'hier à la place des miennes. Je revois la manière dont il m'a tenu les hanches, celle où il a fait coulisser sa grande et large main dans mon dos et enfin celui où il a prit mon visage en coupe entre ses mains plongeant ses yeux dans les miens. Mon corps vibre à se souvenir et je le rejoue encore dans ma tête. Ses deux biles sombres de désir, cette lueur éclatante de promesse et quelque chose d'autre tout au fond de son être. Le reflet abyssal de son âme égarée. Nous n'avons pas prononcé un mot chacun, tout absolument tout se passer par le langage du corps et je n'ai jamais eu pareille conversation aussi profonde avec quelqu'un d'autre. Il n'a même pas eu besoin de découvrir mon corps pour que je me sente à nue. Aucun besoin de s'occuper de mon intimité pour être invité au plus profond de moi. Pas même de le connaître pour me sentir connecter. Je me souviens même, avoir un instant peut-être, glissé un billet vert signé de mon nom dans son caleçon puis d'avoir tapoté son paquet sans la moindre pudeur. À croire que j'étais vraiment délurée hier soir. Cette dernière pensée me fait glousser et contracter le bas-ventre et je sors enfin de la douche. Je rejoins la chambre enrouler dans ma serviette et ouvre les rideaux pour réveiller Raina.

Again and Again [Terminée]Where stories live. Discover now