Les Royaux

Chapitre LXII- Un monde de feu et de sang

-Et c'est tout ? demanda Anaya, cette fois-ci observant avec attention le visage de marbre de sa fille. Toute interaction avec l'héritier s'arrête là ?

Les vols de nuit et les instants de liberté volés étaient la seule partie réelle de sa relation avec Ethan : Jade recherchait désespérément son indépendance, bloquée entre ses services envers la couronne et sa famille rebelle. En aucun cas sa mère n'avait besoin de savoir que sa fille passait certaines de ses soirées à voler autour du Palais en compagnie de l'ennemi...

-Oui, c'est tout. Que voulez-vous qu'il y ait de plus ?

Anaya arqua un sourcil moqueur mais n'ajouta rien. Pendant quelques secondes, elle continua de grignoter ses fruits, repassant au peigne fin chaque étapes du plan dans son esprit corrompu par toutes ces années à la Cour. Enfin, elle parla, plongeant son regard de résine dans celui de sa fille et dit, prête à percevoir quelque tressaillement que ce soit :

-Ton père m'a contactée aujourd'hui au sujet de tes récents échecs. Il se trouve que lui et Eric Caedis ont trouvé le moyen parfait de nous prouver ta loyauté une bonne fois pour toutes.

Jade se redressa soudainement. Elle était prête à tout pour regagner la confiance de sa famille. Mais malgré toutes ses bonnes intentions, rien ne la préparait à ce qu'elle s'apprêtait à entendre de la bouche de la future reine de Skylar :

-Tu vas personnellement t'occuper d'éliminer le Combattant le soir du gala. Il doit mourir, comme le reste de sa famille, mais, prenant en compte son expertise en combat et son influence sur les Corbeaux, c'est lui qui doit tomber le premier, est-ce clair ?

-Limpide, répondit la jeune suivante le plus rapidement possible, tentant de ne pas trop trembler alors qu'elle se levait pour rejoindre la porte et quitter les appartements le plus vite possible.

-Une dernière chose.

La voix d'Anaya résonna dans les oreilles de sa fille, l'arrêtant immédiatement. Sans retourner s'assoir, Jade fit volte-face, la peur de se que lui réservait sa mère lui donnant la nausée.

Encore une fois, Jade savait que ses parents l'aimaient, mais elle savait aussi qu'ils étaient prêts à sacrifier le bonheur de leur fille pour le trône du Royaume.

-Il y a quelqu'un qu'il faut que tu rencontres, dit Anaya en indiquant à sa fille de revenir s'assoir.

Lentement, scrutant chaque recoin de la pièce, elle obéit à contrecœur. Des souvenirs revenaient en flash devant ses yeux : parcelles d'insultes, d'ordres et de noms de victimes. Les Arwen étaient de ce genre de familles pour qui la survie prévaut sur le bonheur ou l'honneur. Rendre les héritiers forts et prêts à survivre face à n'importe quelle situation était le but ultime. Noah et Anaya Arwen semblaient avoir réussi avec leur seul enfant.

Le monde des anges, malgré certaines apparences, n'accordait pas autant d'importance au sexe d'un enfant que les humains : si personne ne savait pourquoi Gabriel avait choisi de ne plus Marquer de femmes, tous savaient que sa discrimination n'était pas basée sur des critères sexistes. Un héritier, soit-il homme ou femme, se devait simplement d'être fort et d'élever le nom de sa famille.

Jade s'assit aux côtés de sa mère, qui la tenait par le bras, comme pour l'empêcher de fuir dans le cas où le besoin se ferait ressentir. Retenant sa respiration, le sifflement dans ses oreilles l'empêcha d'entendre la voix de sa mère lorsqu'elle appela quelqu'un qui se trouvait visiblement dans la pièce adjacente depuis son arrivée.

Une double porte en bois blanc s'ouvrit, découvrant une grande silhouette, mince et aux larges épaules. Le jeune ange, inconnu à Jade, avait la peau d'une pâleur impressionnante, des cheveux d'un blond platine presque blanc sous la lumière artificielle du salon et des yeux en amandes d'un bleu merveilleux, profond et foncé. Sa mâchoire carrée et ses traits fins lui donnaient un air à la fois princier et dur, comme s'il avait été taillé dans un bloc de marbre précieux et de diamant à la naissance. Le nouvel arrivant portait un costume léger entièrement noir avec une chemise blanche immaculée partiellement déboutonnée mais rentrée dans le pantalon.