Dokyeom

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Les doigts fermement accrochés sur le guidon, Seokmin entreprend un dérapage contrôlé, qui finit totalement hors de contrôle. L'air frais effleure la joue du garçon en slow-motion avant d'être remplacé par le doux matelas de bitume que les adultes appellent "trottoir".

Peut-être qu'aller à un meeting professionnel en vélo n'était pas la meilleure idée.

Seungkwan ne serait pas content d'apprendre que son garde-boue imprimé léopard a été malencontreusement tordu par son empoté de colocataire, mais Seokmin n'a plus le temps de penser aux punitions qui l'attendent à la maison: il est en retard.

Aujourd'hui, il doit se rendre au quartier général du label pour la première fois: comprenez, son imposture magistrale entre dans une dimension encore plus grotesque. Monsieur Lee Woon Seong a adoré Still Lonely et a insisté pour rencontrer l'auteur de cette pépite le plus tôt possible, histoire de filmer une reprise avant de le tamponner definitivement comme son petit protégé.

Ah, monsieur Lee, si tu savais.

L'auteur de cette arnaque est actuellement en train de cracher du sang devant une vitre, essayant de remettre ses cheveux en place avant d'enfourcher à nouveau la selle jusqu'aux bureaux de LOWGRND music. Il veut pédaler mais ses jambes tremblottent, et il aimerait se concentrer sur les chauffards devant lui plutôt que sur les beaux jeunes honmes des quartiers dynamiques de Séoul qui traversent son regard.

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Monsieur Lee est un gentil bonhomme. Avec sa quarantaine bien tassée, sa barbe grisonnante et son air jovial, c'est à se demander comment il a atterri si haut placé dans l'industrie de la musique sud-coréenne. Il propose un café à Seokmin dès que ce dernier pénètre dans son bureau, un showroom occidental à souhait. Pas de café? Vous prendrez quand même bien un petit cocktail.

Le jeune homme se sent tout petit devant l'intérieur tout droit sorti d'un magasine de design d'espace, serre les fesses quand il s'assied sur une chaise de créateur et effleure à peine le stylo plume lui servant à signer le contrat. Dans sa tête défilent seulement toutes les recommandations de Seungkwan, que ce dernier lui a fait apprendre par coeur pour ne pas se laisser avoir par un contrat peu avantageux.

Monsieur Lee - plutôt Woon Seong, il insiste pour qu'on l'appelle par son prénom- peint une belle image de l'industrie de la musique. Son sourire et sa tendance à parler amicalement à Seokmin suffisent à effacer de ses pensées les histoires d'artistes surexploités qui pullulent dans les tabloïds.

- Vous savez, Seokmin... Enfin, tu, je peux te tutoyer? Un jeune garçon comme toi pourrait être mon fils, alors parlons en banmal*, affirme-t-il d'un rire gras à la stupéfaction de Seokmin. Ici, ce n'est pas une compagnie d'idoles. Ce que tu viens de signer n'est pas un contrat d'esclavage comme on en trouve chez la PYJ ou LEPDIS entertainment.

(* le banmal est le niveau de langage le plus bas en Corée, réservé à des gens proches et des situations privées/intimes (équivalent du tutoyement). Il n'est jamais utilisé dans un cadre professionnel, d'où la surprise de Seokmin)

- Je comprends, répond Seokmin qui essaie de rire pour masquer son malaise.

- Ce qui nous a intéressés chez toi, c'est bien sûr ton talent de chanteur, mais aussi le fait que tu aies déjà ton individualité en tant qu'auteur-compositeur-interprète.

Ouch.

- Oui, évidemment, déclare un Seokmin qui essaie tant bien que mal d'imiter le charisme jovial de son nouveau supérieur. Cela me tuerait de masquer ma couleur musicale pour un label, continue-t-il en menaçant de s'étouffer avec son culot.

ghost writer ; seokhoonWhere stories live. Discover now