Chapitre LIX- Aedan

Depuis le début
                                    

-Je ne comprends pas plus que vous ! Je...

Mais elle n'eut pas le temps de terminer sa phrase, car, à sa droite, un bruit sourd l'interrompit.

Gabriel venait de s'écrouler, accompagné d'un cri d'effroi de la part de l'ensemble du public.

Comme lorsqu'ils s'étaient embrassé dix jours plus tôt, alors qu'Helena avait tenté de le calmer, le prince était en train de manifester physiquement une quantité énorme de magie : ses yeux étaient presque entièrement bleus, les veines de son visage brillaient violemment et le réseau veineux sur ses bras et son cou se colorait également. Les larmes qui lui échappaient, causées par la douleur, étaient elles aussi bleutées, scintillantes.

-Gabriel ! s'écrièrent les Royaux et Helena en même temps, alors que la reine se jetait aux côtés de son fils.

Sans attendre les ordres de son roi et oncle, Ethan passa son bras autour des épaules de son cousin et se mit à le traîner vers la sortie de l'arène. Ambre les suivit, tout comme Katharine.

Helena, paralysée d'horreur, n'osa pas bouger, restant là, abandonnée au centre de l'arène. Tout le monde l'avait oubliée : l'héritier du Royaume, Ange de Destinée, était en train d'avoir un malaise magique particulièrement violent.

Visiblement secoué par l'état de son fils, mais déterminé à endosser son rôle de souverain tout-puissant, Jules se mit à parler à la foule qui se pressait sur les balcons :

-L'Epreuve arrive à son terme ! Le vote aura lieu cet après-midi ! A vous de décider si Helena Parson est digne de rester sur Skylar sous le nom d'Helena Vasilia ! Pour ce qui est du Prince Gabriel, des nouvelles vous seront communiquées à travers la Gazette Royale le plus tôt possible. Quittez les lieux !

Anges dociles, les Courtisans se mirent soudain en mouvement, quittant les lieux tout en les emplissant de chuchotements et de nouvelles rumeurs. Certains semblaient vraiment se faire du souci pour Gabriel, comme la Comtesse, qu'Helena aperçut sans vraiment la voir, tandis que d'autres se vantaient déjà des relations qu'ils avaient à la Cour et qui leur permettraient d'obtenir des informations avant tout le monde.

Au bout de quelques secondes, l'arène était vide, silencieuse.

Mais parfois, le silence peut être si violent.

Helena avait l'impression d'étouffer, soudain enterrée dans une crypte d'eau, des litres de vases se déversant dans ses poumons, sa chair se faisant dévorer par des animaux marins...

Le sel lui collait à la peau et chaque parcelle de chair était devenue une nouvelle source de douleur. Ses cheveux étaient crasseux, pleins de sel et de minuscules morceaux de coquillages qui déchirèrent ses doigts lorsqu'elle y passa une main. Son corps était froid, comme si elle s'était laissée couler au fond de la mer. Plus pâle que jamais, Helena pouvait presque sentir l'eau sombre envahir ses poumons.

Se noyer dans sa douleur ou se noyer à cause de la douleur ? Elle ne percevait plus la différence.

Incapable de comprendre si la souffrance était réelle ou imaginée, la Corneille se laissa glisser au sol, caressée par ses nouvelles plumes. Les yeux fermés, elle ne sentit pas les larmes qui se mirent lentement à couler le long de ses joues de porcelaine, à présent couvertes de saletés et d'eau de mer. Elle ne se rendit pas non plus compte de la couleur bleutée qu'avaient prit ses bras et son cou ainsi que le contour de ses yeux.

Les secondes s'égrenaient, chaque instant la dévorant, la tuant. Si la douleur avait au départ été psychologique, elle devenait petit à petit bien matérielle. Alors que son corps s'était guéri avec cette nouvelle réserve de magie récemment découverte, Helena ne parvenait plus à s'en saisir, et son épuisement et ses blessures refaisaient surface.

Les RoyauxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant