Chapitre 28

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Arrivé dans la chambre du motel, j’étais tellement en panique que tout ce que j’avais trouvé à faire fut de prendre l’oreiller du lit vide qui était censé être le mien et de le lancer à la tête du psy, dormant paisiblement dans l’autre lit, quelque mètre plus loin. Il ronfla un peu plus fort, se retourna de côté, puis continua à dormir.

- Réveille-toi ! hurlais-je en sautant dans son lit et lui donnant des claques sur la joue. Réveille-toi, vite, vite, vite !

- Oui, oui, chérie... marmonna-t-il.

J’abandonnai les claques et lui donnai un bon coup sur le front, et le psy ouvrit enfin les yeux en grognant.

- Simon... marmonna-t-il encore plus bas. (Il s’assis dans le lit, regardant un instant vers la fenêtre, avant de reporter son attention sur moi.) Il fait encore nuit ! Qu’est-ce que tu veux ?!

- Il faut partir maintenant. Genre, vraiment maintenant.

Enfin, le psy semblait s’apercevoir de la panique que je ressentais. Il sortit du lit et alla voir par la fenêtre encore une fois, comme s’il s’attentait à voir des voitures de police tourner dans la cour.

- J’ai fait une gaffe, dis-je en me tordant les mains. Je suis désolé, j’ai vraiment été con. Je t’expliquerai tout une fois qu’on sera de l’autre côté de la frontière, pas avant !

- D’accord, d’accord, dit le psy en se retournant vers moi. Quel genre de gaffe ?

- Le genre qui pourrait ramener la police ici n’importe quand.

Le psy mit une main devant sa bouche, pensif, puis se mit à faire les cents pas.

- On ne peut pas partir sans Bleu, c’est tout simplement impossible...

- Il est ici ! dis-je aussitôt. Juste là, à côté de la télé !

Le psy se retourna aussitôt vers le coin de la chambre que j’avais indiqué, et je me mordis la lèvre face à mon mensonge.

- Tu vois ? On peut partir ! Et il faut le faire maintenant !

Comme pour appuyer ce que je disais, j’allais à la porte du motel, la main sur la poignée, attendant que le psy se ramène pour la passer. Sans rien dire, le psy vint à la porte pour lasser ses chaussures, puis mettre son manteau, avant de se rendre compte que je le portais déjà. Je m’apprêtai à le retirer et le lui donner, mais il fit non de la tête en même temps de lever la main.

- Gardes le, tu passeras plus inaperçu là-dedans.

Je hochai la tête, puis m’empressais de passer la porte, suivit par le psy. Je laissais la clé de la porte sur le balcon puis nous partirent vers la rue, en direction de la frontière. Il y avait quelque magasin et, derrière, une petite rivière. De l’autre côté de la rivière, je le savais, c’était le Maine. Tellement proche, mais à la fois tellement compliqué !

- Hé, on ne pourrai pas simplement traverser la rivière ? dis-je au psy qui marchai à côté de moi.

- On est en février, me rappela-t-il dans un soupir. L’eau est glacée, mais rien ne garantit qu’elle soit assez solide pour supporter notre poids. Mais il vaudrait surement mieux, tout de même, de dégager de la rue. Une voiture de police pourrait passer et se demanderait que fait des piétons à cette heure.

- En quoi ça les intéresse ? T’as quoi, cinquante ans ? T’as l’air de tout, sauf de préparer un mauvais coup. Tu pourrais même facilement te faire passer pour mon père.

- Tu connais la génétique ? Je pourrais pas me faire passer pour ton père ; on ne se ressemble pas du tout. Tu es blond, et mes cheveux sont... enfin, était noir.

- Disons que tu m’as adopté...

Une voiture passa, nous éblouissant avec ses phares. Je tournai la tête, de peur d’être reconnu. Le psy le remarqua aussitôt.

- Viens, on va passer derrière les magasins.

Une main sur mon épaule, le psy m’entraina dans la cour du magasin le plus proche, me lâchant qu’une fois que nous étions caché derrière le mur. Le seul problème est qu’ici, il n’y avait pas de lampadaire, et je ne voyais pratiquement plus le psy alors même qu’il était tout juste devant moi. Je me laissai tomber dans la neige, toujours adossé au mur.

- Je sais plus quoi faire, murmurais-je en fermant les yeux. Je sais pas comment faire pour passer la frontière.

- On cour, dit le psy en me donnant un petit coup de pied amical dans l’épaule. Bleu s’occupera d’éloigner ceux qui nous prendront en chasse.

- J’ai mentis, Bleu n’est pas là.

Il y eu un long silence, pesant. Ne sachant quoi faire de plus, je sortis une cigarette de ma poche et la glissais dans ma bouche, avant de l’allumer.

- Il fallait qu’on se cache, c’était pas sûr dans le motel, dis-je après avoir souffler.

J’inspirai une seconde fois la fumer de ma cigarette, soupirais, puis racontai ce qui s’était passer tout juste dix minutes passé, même si j’avais promis de le faire qu’une fois de l’autre côté de cette rivière. Le psy, comme sa profession l’indique, m’écouta sans m’interrompre. Il devait surement se dire que ce que j’avais fait était totalement idiot et iréfléchit, mais ne le dit pas. À ma façon de parler, de toute façon, il était surement déjà assez clair que j’en était conscient.

- Je t’avais dit de ne plus sortir, soupira le psy en secouant la tête.

- Je n’avais pas penser que ce pourrait être dangereux, marmonnais-je en haussant les épaules. Je m’imaginais plutôt que, s’il y avait quelqu’un de dangereux, dans les parages, c’était moi ! Et puis, c’est une petite ville, ici, comme chez moi... je m’imaginai en sécurité. Mais ça va, j’ai compris. Je suis pas sur la veille de retourner à la maison dans mon lit douillet, encore moins de retrouver la sécurité. Ce serait pas du luxe, mais, ce que je veux vraiment, c’est...

- Elwin, termina le psy en s’accroupissant devant moi. Ce que tu veux, c’est ton petit frère, je sais, le monde entier le sais surement. (Le psy leva le doigt en l’air, et je levais instinctivement les yeux vers le ciel, le croissant de lune juste au-dessus de nos têtes.) Les gens là-haut le savent surement. Mais qu’est-ce qu’on peut y faire, tu te demandes ? Eh bien, rien. On retrouve ton frère, et puis c’est tout. Tu le ramène chez toi, qu’il va dans sa chambre, et toi, t’ira dans la tienne, dans ton lit douillet. La vie reprendra son cour le lendemain.

- Tu crois ? dis-je dans un rire jaune et secouant la tête. Le lendemain, la police va arriver à la maison et nous renvoyer tous les deux en prison. Le seul avantage qu’on aura trouvé est d’être tous les deux dans le même bâtiment.

La réalité me rattrapa en même temps que je disais ces mots ; ça, c’était la réalité. Je sors Elwin de sa prison intergalactique, et puis quoi ? Il retourne dans une vraie prison, et puis c’est tout ? Et moi aussi, tant qu’à y être ? Je sentis mon moral tomber dans mes souliers alors que je me rendais compte que toute cette quête, elle était perdue d’avance. Peut-être que j’aurais vraiment dû laisser Elwin à sa perte, peu importe où il est, et continuer ma vie en tant que fils unique.

Sans même que je ne m’en rende compte, les larmes c’étaient mis à couler de mes yeux, alors que je n’étais même pas sûr de ce qui me faisait vraiment pleurer. M’imaginer fils unique ? Savoir que je m’étais fait accuser de meurtre pour rien ? L’idée d’abandonner Elwin et de le laisser mourir à dix-sept ans ? Peu importe la raison, cette fois, j’étais vraiment à bout. Peut-être le fait qu’il était près de six heures du matin et que je n’avais pas dormis depuis un peu trop longtemps jouais dans la balance, aussi.

Je sentis le psy poser une main sur mon genou, et je levai lentement les yeux vers lui. C’était du déjà vu, cette scène, et j’avais la désagréable impression que ce n’était pas la dernière fois que j’allais craquer.

- Je suis désolé, murmurais-je en m'essuyant les joues du plat de la paume.

- Ça va, c’est compréhensible, dit le psy en secouant la tête. Lève-toi.

Le psy me tendit la main, et j’acceptai son aide, remettant la cigarette dans ma bouche en même temps.

- On ne peu pas attendre ici éternellement pour Bleu, soupira le psy. Il faut qu’on trouve un autre endroit où dormir... un endroit vraiment caché.

Au même moment qu’il prononçai ses mots, j’aperçus des lumières rouges et bleus passer. Je savais trop bien ce que c’était pour oser sortir de ma cachette et d’aller vérifier ; c’était une voiture de police. Qui me cherchait.

- Si seulement Bleu pouvait se ramener maintenant, ce serait apprécier... t’as pas de moyen de l’appeler ?

Je secouai la tête tout en baissant les yeux.

- Je ne crois pas. Ça m’étonnerait qu’il ait un téléphone.

Je levai les yeux vers le psy, espérant le voir sourire, mais non, il était toujours autant sérieux. Je baissais à nouveau les yeux.

- Je suis sûr qu’il y a un moyen, mais je ne l’ai pas. Ou bien ça m’étonnerai pas que se sois que Elwin qui puisse le faire. Après tout, c’est lui, le... le bleu. Et je peux pas envoyer de message à El pour lui dire « ste plait, envoi-moi Bleu, j’ai ai besoin deux minutes » ... Maman a désactivé son téléphone.

- Tu sais quoi ? dit le psy avec un soupir d’exaspération. Je sais pas toi, mais moi, je vais retourner au motel. Il y a aucune raison pour laquelle les policiers nous retrouveraient là. Toi, t’en voie une ?

Je secouai la tête de gauche à droite en laissant échapper un rire. Il avait parfaitement raison ; je n’avais dit à personne que nous étions au motel.

- Je crois que j’avais simplement eu un peu peur, marmonnais-je.

- Un peu ? dit le psy en riant.

- Beaucoup, rectifiais-je.

BleuWhere stories live. Discover now