chapitre 3 - Simon

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J'étais incapable de me défaire de ce réflexe. À chaque fois que j'allais où sortait de ma chambre, il fallait toujours que je regarde ; la porte à côté de la mienne, c'était la chambre de mon frère. Je savais que c'était stupide, mais près d'un mois plus tard, je me prenais encore d'espérer que ce n'était jamais arrivé. J'espérais toujours le trouver, assis à son bureau, faisant ses devoirs, les écouteurs dans les oreilles pour l'aider à se concentrer. Et quand il m'aura remarqué, il me dira de sortir, sans oublier de fermer la porte, et je ne le ferais pas. Bien sûr, il n'était jamais là. La seule différence qu'il y avait dans sa chambre, c'était la poussière qui s'accumulait. C'était stupide, mais ça m'achevait.

J'avais passé près de deux semaines sans vouloir aller à l'école, et quand j'y étais retourné, je l'avais tout de suite regretté. Avant, j'étais celui qui ne se faisait pas remarquer. J'avais de bonnes notes, de bons amis, une bonne amie - en voie de devenir beaucoup plus. Maintenant, mes notes avaient chuté, car j'avais manqué tout un tas de tests, mes amis ne me regardaient plus du tout de la même façon, et mon ami-E me fuyait quand je l'approchais. Elle devait surement avoir peur que je fasse à elle ce que mon frère avait fait à Suzie, et bien malgré moi, je la comprenais. Bien sûr, je n'aurais jamais eu dans l'idée de lui faire du mal, à elle ou à n'importe qui, mais je savais qu'Elwin était encore pire que moi sur ce sujet ; il était du genre à ne pas faire de mal à une mouche. Sérieusement, je me rappelais encore quand il avait débarqué dans ma chambre, presque en panique, en disant : « Y'a une grosse mouche dans ma chambre, va la tuer, moi je peux pas ! ». Une mouche, c'était trop difficile pour lui, mais une fille, pas de problème ? Il y avait beau avoir toute les preuves pour dire que c'était lui, moi, je n'y croyais pas. Je connaissais mon frère comme personne, je le connais depuis sa naissance, ce qui fait plus de quatorze ans, et je sais, il n'aurait jamais pu faire de mal à Suzie.

Je l'avais un peu connu, Suzie. Elle n'était jamais venue à la maison, ils n'avaient pas été ensemble très longtemps, mais je les avais vues ensemble assez souvent à l'école pour me décider à aller passer un diner avec eux pour la connaitre un peu. C'était important pour moi, dans mon rôle de grand frère, de savoir si Elwin avait de bonnes fréquentations, et sur ce coup-là, je m'étais dit : veinard ! Suzie était trop belle, à l'extérieur comme à l'intérieur. J'étais content pour Elwin. Et pour Suzie aussi, car j'étais bien conscient que mon frère était quelqu'un de bien. Et j'en étais encore convaincu. Mon frère est quelqu'un de bien. Peu importe ce qui s'était passé cette nuit-là, ce n'était pas lui, l'auteur du crime. J'avais entendu ce qu'il avait dit, là-dessus, il avait décrit avec autant de détaille possible - mais pas tant que ça quand il en était venu à dire qu'il n'était plus aussi innocent que ça sur le plant sexuel -; on avait oublié que sa mère allait revenir dans peu de temps, et on était trop bien... on s'est endormie. Une demi-heure plus tard, peut-être, sa mère est arrivée, et c'est son cri qui m'a réveillé. Et c'est là que je me suis rendu compte que je n'étais plus dans le lit - j'étais dans le plancher de la chambre. Je m'étais dit que sa mère avait eu une réaction un peu excessive, mais c'est seulement ensuite que je me suis rendu compte... que Suzie était morte.

Selon les enquêteurs, tout porte à croire que c'est lui. Selon moi, tout porte à croire le contraire. J'aurais voulu faire une enquête, prouver mon point de vue, tout pour faire sortir mon frère du calvaire qu'il était en train de vivre. Mais je ne voyais pas comment. Toutes les enquêtes qui m'étaient possibles de faire, les enquêteurs avaient déjà passé par là avant moi. Les seuls témoins possibles, c'était Suzie et Elwin, la mère de Suzie, les voisins. J'avais déjà passé chez les voisins, je leur avais demandé si, par hasard, ils n'auraient pas vu quelqu'un, autre que la mère, entrée dans la maison, par la porte ou par la fenêtre. Personne n'avait fait attention, mais tous étaient à peu près sur de n'avoir vu personne. J'avais aussi pensé à des caméras de sécurité ; il n'y en avait pas. J'avais demandé à la police s'il n'y avait pas de satellite pour filmer tout et n'importe quoi, ils m'avaient répondu que non. J'avais crié qu'il devait bien y en avoir une pour faire Google Maps, il m'avait dit que ça ne marchait pas comme ça. De toute façon, les images de Maps de ce quartiers dataient de 2011. Nous étions en 2016.

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