Chapitre 5 - Partie II

17.2K 1.5K 457
                                    

Je me rendis compte que j'étais en train de déroger à la règle numéro un citée par Alex, à savoir ne pas me mettre à gamberger, quand les doigts de Noah effleurèrent involontairement ma cuisse en passant une vitesse. Je reportai mon attention sur lui et me promis d'arrêter de partir trop loin dans mes réflexions au risque de me gâcher cette soirée. J'étais là pour profiter de lui et apprendre à le connaître, pas pour me mettre à paniquer pour un rien.

- Je connais ça, les amis exceptionnels, lâchai-je alors avec un sourire. Vous avez ouvert un cabinet tous les deux alors, si je comprends bien ?

Il opina du chef et s'engagea sur le boulevard menant aux hauteurs de la ville, direction les quartiers huppés.

- Ce n'était pas forcément prévu comme ça, à l'origine, se confia-t-il. Je voulais encore faire deux ans pour me spécialiser en pédopsychiatrie et Angel envisageait de poursuivre ses études. Mais nous avons eu une opportunité que nous aurions regrettée de ne pas avoir saisi alors nous nous sommes lancés dans le grand bain.

Il m'envoya un sourire fier qui ne me déconcentra pas assez de la conversation pour que j'oublie de m'arrêter sur un détail.

- Tu aimerais travailler avec les enfants ? Pourquoi ?

Je parvins à peine à cacher l'incrédulité dans ma voix. Je ne faisais pas partie de ceux capables d'interagir facilement avec des individus de moins de dix ans sans être mal à l'aise. Je ne possédai pas cette faculté que certains avaient pour attirer les enfants comme des mouches. La question n'était pas de savoir si j'aimai les enfants – parce que c'était le cas -, mais plutôt de savoir pourquoi je n'étais pas en mesure de créer un lien avec eux. Parfois, dans mes instants de remise en question, je me demandai même si je ferai une bonne mère, le moment venu.

Noah esquissa un sourire amusé et me jeta un coup d'œil interrogateur, sans doute un peu surpris par le ton que j'avais employé. Je lui fus néanmoins reconnaissante de ne pas me questionner pour en connaître la raison.

- Les enfants sont des éponges, qui s'imprègnent de tout ce qui les entoure. Le bon, comme le moins bon, malheureusement.

Il déboîta pour s'engager dans une rue animée du quartier et dirigea la voiture vers un petit parking privé, à l'ombre des arbres verdoyants. Cependant, il poursuivit ses explications, avec la retenue distante que je lui avais déjà entendue un peu plus tôt.

- Passé un certain âge, il devient plus compliqué de réparer les dégâts qu'une enfance malheureuse peut causer au psyché d'un individu. C'est ça qui m'intéresse : permettre à des jeunes de pouvoir mener une vie normale sans être constamment tourmentés par le passé, par les actions ou les paroles de personnes mal intentionnées.

Si je n'étais pas encore convaincue que cet homme regorgeait d'une bonté incroyable, c'était maintenant chose faîte. Je ne pus m'empêcher d'admirer son visage, en retenant tant bien que mal l'élan d'admiration et de respect que j'éprouvai pour lui. En outre, il y avait ce je-ne-sais-quoi dans son ton qui m'empêchait de tomber en pâmoison, comme s'il me détallait les faits avec un détachement calculé. Je ne tenais pas à le mener vers un chemin qu'il ne souhaitait pas emprunter et à plomber l'ambiance, alors je tentai au mieux de retrouver un ton léger.

- Monsieur le psychiatre, vous employez un jargon qui m'est peu familier, le taquinai-je en feignant un soupir. Vous oubliez que je me contente de faire des dessins à l'encre indélébile sur la peau dans gens.

Noah se mit à rire légèrement et stationna le véhicule sur le parking, toute froideur envolée. Il détacha ensuite sa ceinture et pivota le buste vers moi avec un sourire à se damner.

Arte Corpus 1 - Tori et Noah (Sous contrat d'édition chez Plumes du Web)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant