Push and pull

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Seokmin est de ces jeunes hommes un peu perdus entre deux âges, de ces enfants dans des corps d'adultes qui se retrouvent un beau jour à devoir payer leur loyer. Il devrait être à la fac, faire quelque chose d'utile de sa vie, nettoyer des chiottes, que sais-je. Surprise: ce n'est pas le cas. Notre spécimen passe ses journées dans le taudis qui lui sert de chambre étudiante à jouer à naruto et traîner sur youtube; attendant désespérément que le mode légende d'overwatch envoie - ô, miracle! - un million de wons dans sa boîte aux lettres tous les mois pour payer le loyer.

Comme dans toutes les colocations de post-adolescents, il y a toujours un colocataire qui fait les frais de l'irresponsabilité de son partenaire. C'est le cas de Seungkwan, dix-neuf ans depuis peu, jeune rabat-joie en devenir. C'est celui qui nettoie la litière du chat, celui qui range le lave-vaisselle, celui qui ramasse les slips sales de son colocataire (slips collés au sol à cause du fanta renversé par terre il y a trois mois). Le jeune étudiant en musique avait trouvé un accord avec celui qu'il pensait le partenaire parfait, et avait très rapidement déchanté.

Six mois plus tard, la colocation a un seul avantage: la douche. Quand Seokmin investit la minuscule salle de bains, le jeune maniaque oublie pendant quelques secondes toutes les menaces de mort qu'il voulait envoyer à son colocataire, son sourire niais à vomir et son chat qui pisse partout. Pas grâce à son corps de brindille, non, grâce à sa tendance à chanter fort. Très fort, et très juste. Seungkwan ne peut pas retenir ses petits commentaires ("Wouah, ce La mineur 7e était génial!") pendant ces dix minutes journalières; et redevient sa tante de 43 ans tout de suite après ("Si tu achètes pas de dentifrice avant demain, je te fais manger la merde de ton chat moche. Ah oui, et change de tee-shirt, celui-là est horriblement laid."). 

En six mois, Seungkwan a malgré tout réussi à tirer la quintessence de ce garçon dont la maladresse n'a d'égal que son talent naturel pour le chant: c'est en le poussant à partager des reprises de chansons sur youtube qu'il a réussi à gagner quelques sous, donc à obtenir une participation minimale de ce dernier pour le loyer. Il lui a prêté un micro, son équipement d'enregistrement, et pour on ne sait quelle raison, la sauce a pris. Seokmin est toujours une larve, mais une larve qui chante et que les internautes apprécient.

Aujourd'hui, un Seokmin plus enjoué que d'habitude met la touche finale à la reprise de cette semaine: "Push and pull", de son chanteur préféré, Eddy Kim. Il a trouvé une version instrumentale sur un site douteux, avec des guitares sonnant comme sur un synthé d'enfant. Seungkwan lui dirait "Seokmin, t'abuses, on se croirait en 1983...", ce à quoi il répondrait "Ah oui, la belle époque, quand tu étais jeune et fringant!". Il approche sa bouche de la paille le reliant à son liquide vital, le Dr Pepper, et s'aperçoit, après avoir aspiré plusieurs fois, que sa canette est vide. Grand dieu du ciel, ayez pitié.

"SEUNGKWAAAAAAAAAAAN....

- Miséricorde. Quoi. Encore? , lui répond ce dernier, débarquant d'entre les morts pour se poser contre la porte, les bras croisés.

- Apporte-moi du Dr Pepper.

- Non...?

- Et je t'appelle "Boo Seungkwan mon grand maître suprême" pendant une semaine.

- Tu sais combien de calories il y a dans ce truc?

- Non, mais je sais que tu aimes bien aussi. La preuve, tu en rachètes dès que je finis le paquet.

- Ça mon enfant, c'est parce que j'ai pitié de toi. 

- Boo Seungkwan, la seule diva de mon coeur, viens voir ma reprise et dis moi ce que tu en penses.

ghost writer ; seokhoonWhere stories live. Discover now