XVI

374 38 11
                                    


La pluie n'avait pas cessé de tomber de la semaine, Mère poussait des cris de temps à autres et accusait le temps d'être la source de ses douleurs déchirantes. Mais la vérité, aussi infâme soit-elle, est que les médecins avaient cessés de venir, qu'ils ne discutent plus vraiment et ne prescrivent plus de remède miraculeux.

Anna est devenue très aigris, j'ai beaucoup de mal à retrouver la petite sœur qui me caressait les cheveux un soir de tempête ou cueillais de jolies fleurs en sautant pieds nus dans les herbes hautes. J'ai souvent l'affreuse impression que le temps s'est écoulé bien plus vite ici que je ne l'aurai imaginé, Anna semble être devenu la noble femme de l'aristocratie que la société lui faisait tant exécrer que cela, auparavant.

Comme si la joie s'était éteinte.

« Belle, tu as du courrier ! cria Lloyd en arrivant dans la matinée, j'ai déposé ça dans ta chambre. »

L'étrangeté de la situation était plus que perturbante, en fait Lloyd ramenait des missives assez régulièrement, toutefois je n'étais jamais concerné.

L'enveloppe posé précieusement sur mon lit était particulièrement délicate, d'une blancheur précieuse et seulement taché par les gros doigts de mon frère. L'écriture délicate provenait de Madame Lansbury, que je reconnaîtrais entre mille pour l'avoir vu de nombreuses fois écrire sous mes yeux lorsque j'avais si peur de mon tortionnaire et de ses lieux.

*

16 Avril, 1857. 

Demeure du Comte Styles.

Très Chère Belle,

     J'ai attendu de nombreuses semaines une lettre de votre part, je me suis durement mise en colère lorsque j'ai compris que rien n'arriverait. Mais rassurez-vous, j'ai par la suite compris que vous deviez ne plus avoir de temps pour vous accablez par l'amour des retrouvailles avec vos proches ! De plus je me suis demandé si vous disposiez de papiers et d'un encrier chez les vôtres. Pardonnez-moi ma maladresse si ce n'est pas le cas.
     Sachez, chère Belle, que vous nous manquez énormément au château. Votre absence se fait remarquer à chaque instant, les murs ont arrêtés de raisonner de vos rires et tout est revenu en ordre, ce qui déplais à bon nombres d'entre nous – il était fort plaisant d'observer le changement que vous aviez amené avec vous.
     Je ne devrais peut-être pas vous le dire, mais il ne le fera certainement jamais à ma place, mais le Maître se languis énormément de votre absence. Chaque jour il descend à neuf heure dans le hall, détruisant les tapis de ses pas répétés. Il reste ici, chaque matin, tourné en rond devant la porte et retourne à ses appartements lorsqu'il comprend que rien n'arrivera. Je pense qu'il attend votre retour, ou peut-être des nouvelles. Il ne parle jamais.

      Chère Belle, j'arrêterai ma lettre sur ces derniers mots. Je suis infiniment heureuse de vous savoir de retour chez vous, auprès de votre famille, de vos amis et vos voisins. J'espère vous revoir un jour, mais par-dessus tout je vous souhaite toute la félicité du monde et la joie, intense, de trouver un parti qui vous comblera de bonheur, comme vous ne cessiez de me le décrire lors de nos discutions.

Votre amie dévouée,
Marthe Lansbury.

*

28 Avril, 1857.

Madame,

     Premièrement, je vous dois des excuses pour mon silence prolongé, ainsi que quelques explications. Je dois avouer que j'ai par le passé écris une lettre à votre intention, et quelques autres aussi, que je n'ai jamais eu le courage de poster. Je doutais des répercutions que cela aurait pu avoir.
     Deuxièmement, je me dois d'être totalement honnête avec vous Marthe. Je vis un enfer. J'exagère peut-être énormément, notons-le. Mais je ne m'attendais absolument pas à retrouver, ou plutôt à rencontrer cette vie-là, elle n'est pas la mienne, je pourrais le jurer.
     Je suis fort malheureuse Marthe, je ne sais à qui parler, Mère est très malade sans que les médecins n'aient à la dire je sais qu'il n'y a plus aucunes chances. À présent elle souffre d'hallucination. Ma petite sœur a perdu tout ce qu'il restait de vie en elle, mes frères ne sont plus qu'esclave d'une vie qu'ils n'ont pas choisi.
     Marthe je ne reconnais plus les miens, ils ne sont plus que l'ombre d'eux-mêmes. Notre maison est habitée par la mort et nous nous consumons.
     Quelque part entre la raison et mes sentiments, je regrette amèrement mon départ. Je regrette la vie auprès de vous, la chance que vous m'aviez donné de lire, de découvrir un nouveau mode de vie, une toute autre facette de la vie et de la douleur que je ne connaissais guère.
     À présent je rumine comme une âme en peine, je prends soin de Mère, comme je le peux, je cuisine avec les quelques pousses que nous trouvons puis je reste assise devant une fenêtre à regarder les astres obtempérer.
Mes amis me manquent. Ma vie me manque.

La Belle et La BêteWhere stories live. Discover now