TAXI DRIVER pm

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J'avais vingt-et-un ans quand j'ai commencé, c'était pour payer ma deuxième année d'études, j'étais fauché alors j'ai pris une année sabbatique et depuis je fais le taxi dans tout Chicago, il s'est passé presque huit mois avant qu'elle ne monte dans mon taxi, des larmes noires souillant ses joues, elle avait le souffle court, elle regardait derrière elle comme si elle voulait fuir quelqu'un.

Mais d'abord, ce jour là, j'ai arpenté les rues de la ville à bord du SUV de mon père, celui qu'il m'avait donné deux mois avant sa mort. J'ai passé la matinée dans Near North Side à balader de riches hommes d'affaires vissés à leurs téléphones à la pointe de la technologie d'un building à un autre. Enfin une journée comme une autre.

L'après-midi était plus dur. Nul ne m'avait sifflé près des trottoirs pour une course jusqu'au prochain gratte-ciel. Peut-être que les américains s'étaient-ils rendus compte que marcher ferait du bien à leurs corps et leurs porte-monnaies ? J'ai roulé le long de la 294 jusqu'à Orland Park.

Une silhouette sombre tournée vers mon pare-brise a levé le bras. Le soleil aveuglant dans les yeux, je n'ai pu la distinguer qu'à quelques mètres. Une jeune femme aux formes plaisantes, aux cheveux châtains clairs avec une mèche bleu turquoise et aux lunettes noires sur le nez. Du mascara a tracé des sentiers de larmes sur ses joues. Elle avait l'air épuisée et essoufflée, regardant derrière elle plusieurs fois de suite.

Elle a ouvert la portière arrière et a questionné :

— Can you take me to the Airport ? avec un séduisant accent français.

J'ai acquiescé et elle est rapidement montée sur la banquette arrière sans un mot. elle a laissé ses yeux dériver dans le SUV en essuyant les larmes sous ses lunettes opaques. Le malaise a été d'autant plus palpable car elle ne faisait rien.

— Voulez-vous un mouchoir ? Pour... je ne sais pas comment dire ça en français, your tears.

Elle m'a observé étonnée dans le rétroviseur :

— Oui merci, des... larmes.

J'ai farfouillé le siège à ma droite et lui ai tendu un paquet sans regarder. Je l'ai entendu s'essuyer les joues et renifler bruyamment dedans.

— Vous parlez français ? a t'elle questionné dans sa langue maternelle.

— J'en ai fait au lycée, comme tout le monde... Sans vouloir être indiscret : Pourquoi pleurez-vous ?

Quelques secondes plus tard elle a opiné du chef en m'observant de nouveau :

— C'est parfaitement indiscret. Mais je vais vous le dire, je suis rentrée chez moi il y a dix minutes, j'ai retrouvé mon fiancé pelotant les seins d'une blondasse. Ça fait deux mois qu'on est fiancé et, étrangement, je ne ressens rien. Notre vie à deux était devenue monotone avant même d'avoir commencé. J'ai pleuré deux bonnes minutes mais maintenant... je veux juste retourner à Paris, retrouver mon frère.

— Ce mec a l'air d'un vrai connard, without wishing to offend you.

— It's okay, you're right, he's an asshole, a-t-elle affirmé en replaçant une mèche de cheveux derrière son oreille.

Mon téléphone a soudainement vibré dans ma poche :

— Sorry, my cell.

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